orsque
Séléné remarqua les nappes rouges bosselées
qui barbouillaient la peau bleue scintillante de sa fille, elle en fut
immédiatement paniquée, terrorisée même:
elle pensa tout d'abord que l'enfant, souffrant sans doute de quelque maladie dévorante, en était boursouflée & meurtrie, & que l'apparition subite de ces plaques effrayantes annonçait une épouvantable agonie; mais en s'approchant suffisamment de l'enfant afin de juger de la gravité de son mal, Séléné remarqua combien ce qu'elle avait, sur le coup, pris pour la morsure d'une lèpre cruelle, était d'un aspect poudreux... paradoxalement calme & agité à la fois, comme d'un seul bloc constitué de millions de particules solidaires, soudées... il lui sembla bien en fait, avoir déjà vu quelque chose de semblable... |
||
...Soudain,
elle réalisa ce à quoi ce sédiment de gravillons
rougeoyant comme une flamme lui faisait songer: vois-tu, la peau toute
entière de Mars était empourprée & granuleuse
de la sorte, & Séléné ne fut pas longue à
comprendre, sinon ce qui était arrivé à son enfant,
du moins qui était le coupable de cette terrible plaisanterie!
Mars! Mars! Mars! Mars!...MARS! Emportée par une très violente colère, elle décida de débarrasser sur le champ la petite planète bleue de ces scories serpentines, & elle se mit à souffler, souffler avec une force inouie sur les grandes plages rouges. Tu ne sais peut-être pas que l'on ne peut imaginer dans tout l'UNIVERS de courant plus puissant que le souffle d'une lune: ce sont en effets les soubresauts de leur respiration qui régulent dans tout le cosmos le flux des marées... & bien je peux t'affirmer que, malgré les tourbillons effroyables qui les agitaient , les flamboyantes étendues sablonneuses n'en furent pas pour autant balayées, non! Elles s'en trouvèrent simplement dé-pla-cées! & pire encore, s'étendirent jusqu'à couvrir encore un peu plus du bleu de l'enfant. |
||
éléné en fut si affligée, que la colère & le désespoir qui secouaient ses traits se crispèrent en un masque de désolation qui n'allait plus jamais la quitter; en effet, les efforts terribles qu'elles avait déployés en soufflant ainsi l'avaient tant épuisée & meurtrie, qu'elle en était morte. & c'est pourquoi, aujourd'hui encore, tu peux lire sur le visage pétrifié de la Lune, cette expression d'infinie douleur. & depuis lors, vois-tu, en souvenir de la naissance dans les larmes, les pluies n'ont jamais cessé de lécher la petite sphère bleue, ni de mouiller tes joues rosies par l'Avril. & depuis lors, en souvenir de la-Lune-qui-mourut-pour-son-enfant, les vents n'ont jamais cessé de chanter en peignant maternellement la Mer, tourbillonnant souvent dans tes cheveux. |
||
|
||