L'engrenage dialectique

 

N°2: Sciences - Science
Gaël Violet, Raphaël Edelman

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«Qui est l’Engrenage Dialectique et que veut-il à la Science ?

« Au fond, ce que nous connaissons le moins bien dans la science, c'est la science elle-même.»
J.-M. Lévy-Leblond,
La nouvelle méduse ou la science en son miroir in Dictionnaire de l'ignorance,
Paris, Albin Michel

Il convient de préciser un point concernant le choix du thème de ce numéro : il sera ici bien plus question de la Science - comme système - que des sciences et de leur pratique. Quoique nous ne soyons pas ce que l’on qualifie de militants, notre démarche est en partie politique - elle l’est dans la mesure où elle est nait d’abord d’une volonté éthique. Nous traitons donc de ce qui fait problème, pour nous comme pour la société. Nul exposé donc ici des grands principes des sciences modernes ou même de leur histoire. Ce projet pourrait être passionnant, mais il n’entre pas dans le cadre de cette revue. En outre, les connaissances requises sont si spécialisées qu’elles sont, pour la plupart, hors de notre portée - et de celle de la plupart de nos lecteurs potentiels. Il eût donc soit été abscons (pour nous y compris), soit souffert des faiblesses de la grande majorité des tentatives de vulgarisation scientifique : la légèreté. Pour autant, nous le souhaitons, nous ne nous sommes pas contentés de dégager de grands principes moraux que tout le monde connaît (leur présence médiatique étant à la hauteur des trahisons répétées desdits principes, et donc de la nécessité pour le pouvoir de faire oublier ces trahisons en répétant à l’envie que la science, sous sa direction éclairée, est globalement morale, en dehors de quelques exceptions malheureuses). Nous avons tenté de dégager des problématiques qui posent problème (l’apparente trivialité de cette répétition est trompeuse, si l’on en juge par la façon dont les problèmes scientifiques sont abordés en général dans la société).


Il n’a été fait aucun effort, de plus, pour gommer nos désaccords, qui pour la plupart n’échapperont pas au lecteur consciencieux : ce travail commun se justifie par un accord profond sur le fond, même s’il peut diverger (parfois grandement), sur la périphérie. Ces frictions nous semblent importantes, pour ne pas donner l’impression d’un concensus inexistant. L’exemple, en outre, nous vient d’en amont, l’encyclopédie de Diderot et D’alembert avait déjà choisi une telle option. Le nom même de cette revue est déjà un indice : il porte un élément fondamental de contradiction, mélangeant une image purement mécaniste avec un modèle de pensée qui depuis Marx se veut organique et totalement opposé au mécanisme. Il est de toute façon bien problématique de penser arriver à un consensus dans le thème choisi pour ce nouveau numéro. La Science, comme système, est en effet bien dure à définir avec exactitude, dans ses buts, ses moyens ou ses frontières. S’il existe des cas qui ne nous posent guère de problème (la physique est une science, l’astrologie n’en est pas une), il en existe un bon nombre que l’on pourrait qualifier de cas limites (ainsi, l’ensemble de ce que l’on appelle habituellement les sciences humaines). Ainsi il n’existe pas de théorie précise et indiscutable de ce qui fait, ou ne fait pas, science. Chaque théorie sur ce thème est déjà, loin de la neutralité qu’on lui prête en général, une posture bien précise de son auteur quant à sa façon d’envisager les sciences, et est bien souvent un moyen d’exclure du champ des sciences tel ou tel domaine, dans des buts idéologiques précis. Notre but n’étant pas l’objectivité, ce numéro devait bien finir par être moins unifié que jamais - à la charge de chaque lecteur de faire son chemin à travers ces textes.


Gaël violet - juin 2005