Jean-François SAVANG
MONTE CARLO*
un chapitre de john LTD

Ce texte a été publié pour pour la première fois dans La Parole Vaine N°2.


        Bien sûr l'utopie serait de voir s'actualiser dans la langue un réel exhaustif. Mais comment imaginer une langue devenir plus qu'elle n'est, absolument réelle?
GRAPHEIN ORGANIQUE DE TOUT RELIEF DE SIGNE
 

a langue, confondue dans la transparence qui l'assimile au réel, verrait la carte ajustée aux bords du territoire s'y dissoudre. Elle perdrait l'énergie d'un perpétuel trajet que préfigure sa pensée; le retrait nécessaire à l'imagerie de son graphe; la langue elle-même se perdrait dans le background cartographique de la pensée.
Le contrat rompu de la construction du monde en mémoire, l'écriture-lecture opacifiée, dans la simultanéité et le calque par une illisibilité d'échelle, le réel à son tour disparaîtrait dans un réel sans bord, sans langue à ses frontières qui déforme sa texture.
(Dans la carte qui borde chaque nom dans le graphe / le sens refermé de la peau humaine attire dans le territoire de ses organes le substantif élémentaire qui l'accroche au corps)
        MUTATION DE SURFACE / COMMUTATION D'INTERFACE
        La langue perdrait cette instabilité qui lui est chère, cette limitation du réel dans l'arbitraire du découpage; désarmée de sa possibilité de frayage et d'approximation physique, mouvante sur le vif du réel, tenue à l'absence de partition et de retransmission du monde.
        NOUS SERIONS ENTRÉS DANS LES MACHINES, RESTREINTS A LA PROGRAMMATION, AU CALCUL, FERMÉS AU DOUTE, A L'HYPOTHÈSE, AU MYTHE, A LA PRÉDICTION, DANS LE LANGAGE MORT DE LA MACHINE, DANS UNE STABILITÉ DEMESURÉE COMME UNE ÉTERNITÉ, AYANT PERDU LA MATRICE METAPHORIQUE DANS UN UNIQUE CLICHÉ sous peine d'être assimilé au prolétariat des machines à penser, des systèmes de traitement de l'information et autres avatars de "l'intelligence artificielle", l'homme doit donner un autre sens à l'activité de sa propre raison
        La question... permettre une véritable régénération de nos métaphores chéries sans rompre l'équilibre.
Elles sont comme des colonies cellulaires de l'épuisement, traînées dans l'inflation d'une production textuelle de la séduction et du consommé. Nous y sommes attachés comme à des objets (mais non en quantité pixélisée ou en proximité ambiguë d'interface).
Le rapport de surface que nous entretenons habituellement dans la compagnie des métaphores comme organe de désir fait écran à leur  véritable corps, nous fait ignorer leurs métamorphoses et leur autonomie. Elles dessinent la pensée comme notre métaphore la plus proche, dans le filage de son corps et l'envergure virtuelle de ses possibles. La métaphore réifie dans ce globe un noyau d'attraction qui définit la pensée comme une et entière depuis son centre. Contre l'idée de sa pulvérisation dans l'amas des objets, d'un devenir mobile qui la traverse, les métaphores s'acharnent à nier le monde auquel elles participent.

        Elles dissimulent le monde dans la fugacité des images.
Leur angle de plaisir est une position figée dans l'image d'un Kama-Sutra,  et tend plus à la brutalité enveloppante du cliché qu'au volatile mouvement libidinal qu'inspire sa cartographie; façonnée par une "docte anthropomorphie" qui se réitère dans la conformité de mise vers un appauvrissement topologique de (la réalité)
-Réalité: mot bancal signifiant l'insuffisance de preuves et auquel nous devons la diligence du secours de pouvoir mâcher nos mots.

econnaissons, cependant, que la métaphore possède son propre réseau, masques et déguisements par lesquels elle redistribue le monde, simulacres et totems d'une symbolisation stable, et qui en fait l'instrument du sacré, de la divination.
La métaphore Aleph + n, désormais qui nous a fait perdre le sens d'une proposition initialisée dans d'autres modèles métaphoriques, multiplie ses bases de capture du réel, les plie et les replie dans la grammaire de ses figures, traquant l'objet dans l'accumulation de ses propositions, mais toujours à sa surface -l'objet est démonté en points de vue, en postures, en simulacre, et son image est projetée dans le monde refiguré dans une vitesse de passage invariable.

        ON NE PEUT CONNAITRE SIMULTANEMENT LA POSITION ET LA VITESSE D'UNE PARTICULE La prolifération endémique des métaphores, leur répétition, leur usage (et leur usure) a délimité (commuté) dans la langue une zone de sécurité où le temps cimente l'Histoire dans une continuité Edénique, où le traitement des référents réels se fait à l'encaustique et au chiffon, où les modèles sont fixés dans l'architectonie d'une confiance immortelle en chaque jour, lieux éternels, pérennité indiscutable (assurance, immuabilité, stabilité, complaisance, spéculation...).
La physique quantique nous a familiarisés avec un monde qui n'est ni lisse , ni continu, ni stable; le chemin de frayage des métaphores est celui de vecteurs de représentation commandé à la fois par une géométrie autotélique et d'autre part distribuant la variété de ses reliefs suivant ce qu'Heisenberg a identifié comme étant "le principe d'incertitude", dans le système où elles s'organisent.
        LA MÉTAPHORE REPOUSSE LE RÉEL DANS LA LANGUE ET ELLIPSE LOGIQUE DE CETTE LIAISON, LE RÉEL RÉVULSE LA LANGUE DANS SA CHAIR
        Si aujourd'hui le déphasage entre la métaphore et les modèles contemporains de représentation s'est accru, investis de leur spéculation dans le langage, c'est qu'une mutation des structures du réel entraîne avec sa nouvelle symbolisation des changements radicaux de prospection du monde. Bien que nous cherchions à diminuer le temps de réponse entre modèle et métaphore en comblant l'opposition continu/discontinu de la notion d'interface, le signal aura toujours lieu et distance, y compris dans un réseau complexe.
        La notion d'interface sert une sorte de prospective.
        Le déphasage issu de cette nouvelle matrice est virtuel. Ainsi la métaphore, pour ce qu'elle fait et défait le monde,  doit avoir un impact opératoire sur ce dernier; elle devrait aussi bien s'inscrire dans le possible des mondes accidentels et même catastrophiques que dans ses figures paralytiques un peu précieuses; dans ses fausses pistes du non-sens, dans la dissimulation de son fonctionnement dans un fonctionnement partiel. Cependant il faut concéder à la métaphore une certaine velléité du monde, nécessaire à la métaphorisation de l'ensemble, un complexe d'impuissance où elle puise l'énergie de sa rectitude, et qui révèle peut-être, à travers sa stabilité, le questionnement de sa crise.

e transfert du monde dans la langue s'inscrit difficilement dans les dimensions d'un espace-temps, voire d'un hyper-espace; au mieux dans une profondeur de temps.
L'étalonnage du temps et de l'espace sont des mesures pratiques de simulation des mesures différentielles qui permettent de rendre compte du réel, d'actualiser une réalité contemporaine, en engendrant, dans la disparition sensible de leur nouvelle précision, des quantités de dimensions mobiles vers d'ultérieures précisions cartographiques.La déterrestration des modèles nous a contraint à nous détourner des lignes isomorphiques du réel. Elle fait du laboratoire le lieu d'expérimentation du monde.
Les métaphores -les totems- fonctionnent comme un véritable modèle, dès lors qu'elles sont compatibles et cohérentes d'une part, et qu'elles ont un référent réel d'autre part. Mais ce qui importe, c'est qu'on quitte le domaine de la simple description pour entrer dans celui de la simulation. Comme miniature de la société humaine, le modèle totémique est une tentative de serrer de plus près son inépuisable variété grâce à la logique ramassée de ses structures.

La mécanique classique des représentations ne suffit plus à l'identification de phénomènes où interviennent l'aléatoire, les turbulences, la variabilité des échelles; le récit se perd à contre-courant des conditions technologiques de son émission; cependant qu'elles-aussi se situent dans un trajet d'inscription métaphorique, à la différence qu'elles reconsidèrent, avec leur outillage, de nouvelles modalités de déplacement.
La complexité du réseau s'accentue dans l'intimité des interfaces, comme le symptôme de circuits ouverts ou fermés. La lecture dans l'interface est le court-circuit de ce qui circule (de ce qui s'y figure de modélisation). La connexion au réseau est un pilotage (une interception du sens) au seuil de la machine, de l'écran allumé ou éteint, d'une temporalité morte ou vive de l'écriture-lecture. Le mouvement d'inter-rupture est le signal -tant qu'il est sous tension- de la vivacité du réseau, de sa faculté à s'auto-organiser autour des organes de "pensée sans corps" .
Machines prothétiques de la disparition des corps humains

Ces organes de pensée sans corps nous permettent de fouiller le réel et sa logique articulatoire, de la vérifier, suivant des modèles générés par son système, dans un graphe virtuel et généralisé.
Les turbulences du réel, manifestes dans toute tentative du langage de s'installer dans son sillage, sont modélisables dans ce graphe à travers une infinité de points qui restituent le réel comme un objet holographique; elles déterminent dans le désordre temporel le bruit du frottement aux frontières de la langue et du réel, elles inscrivent les limites momentanées du réseau des représentations, et les fossilisent, pour mémoire, dans la luminescence des organes connectés.
Ce seuil de turbulence combiné aux phénomènes transitoires incidents, au hasard des condition de mouvement (de métaphorisation), la variabilité du système, en fait, est restreinte dans la fermeture du réseau que provoque le sens; dans la mesure où chaque partie crée son environnement dans le désir d'une totalité qui lui fait défaut. Comme dans le choix d'un vecteur de temporalité, par exemple, le sens devient turbulent quand il est précipité, quand il n'est plus reconnaissable parmi tous les sens dont il s'extrait.

Cet environnement qui configure le sens, qui l'étend et le borne,  qui lui confère son autonomie au point de rupture de la stabilité, du désir et de la volonté du monde, lui développe un caractère propre, intuitif, voire prédictif, du reste du système; le sens devient chaotique en dehors du système s'il déborde des limites fluctuantes de sa reconnaissance; si sa capacité à proposer des choix et des zones du monde à prospecter se disloque dans l'apesanteur, il s'éteint dans la fin du monde. L'intuition de cette précarité de la langue maintient le sens.

'ÉCRITURE EST LA FIGURE GÉOMÉTRIQUE DU SENS
géométrie de la miniaturisation et du totem, de la simulation du réel comme mise en jeu de nouvelles symbolisations -dans la mesure où nous procédons à la capture du réel par échantillonnage- ouvre dans la liaison étendue de l'écriture-lecture un lieu interfacial, dont le média est l'écriture de la simulation.

non pas comme écriture de laboratoire mais comme condition d'expérience
Le tout est virtuellement miniaturisé, les informations sont compactées, les singularités physiques sont reproduites sur ordinateur -en climatologie, en thermodynamique- au fur que l'étendue de capacité et de stockage de mémoire, déplacée dans un monde à une échelle qui disparaît dans la miniaturisation, s'accroissent et multiplient leur puissance. Le Tout est invisiblement épouvantable.

L'espace de l'expérience du monde peut être ramené aux dimensions d'une salle de laboratoire -dont les proportions sont inversement équivalentes à la taille de l'objet étudié (cf. Les accélérateurs de particules). Nous n'y sommes que pour mémoire; fragmentaires et fragmentant, turbulents, dissipés, chaotiques. Nos informations son pressées par la mort du signal que nous émettons, tant que nous pouvons penser JE et jouer à l'être. La concentration des informations en un point donné a changé notre appréhension des dimensions d'un réel accaparé, en un réel désemparé de ses limites.
L'espace fixe, simultané, disparaît dans la vitesse quantique d'un espace dynamique.

Les pliages et les contractions de l'espace étaient justement la clé permettant de construire des attracteurs étranges, et peut-être aussi la clé de la dynamique des systèmes réels qui leur donnait naissance. évidemment l'espace de la métaphore, pas plus qu'un autre espace, n'est homogène. Il répond aux lois de ses conditions initiales, à des microstructures composites et variées, mais dont l'action minimale pourra contenir l'espace entier dans la turbulence de ses effets. Turbulences que nous identifions, mais dont les lois nous échappent encore, déposées dans des zones mal déterminées, comme un inconscient métaphorique, ou plutôt comme un inconscient est métaphorique parce que l'échelle de son décryptage disparaît dans la turbulence de son régime, parce qu'ENTRE nous est sa résistance.

Résistance qui peut paraître en contradiction avec la notion d'attracteur étrange dans la mesure où l'espace généralisé dépend d'une infinité de conditions initiales. Mais n'oublions pas qu'il s'agit aussi de cuisine de laborantin, et surtout de simulation de la grande popote.

insi donc l'appareillage de laboratoire, les instruments de bord -pupitres, organes de pensée sans corps- participent activement à l'élaboration du spectre du monde, à l'hybridation métaphorique du monde avec la machine et à la perte d'un espace ancien dans l'accélération et la vitesse. Ils ana/dia/méta/morphosent la présence du monde aux dimensions électroniques -systèmes experts, hypertextes...- stimulant une lecture du réel tellement en interface avec la production des images humaines qu'ils nous introduisent dans une configuration démesurée,
A ÉCHELLE VARIABLE NOUS PERDONS PAR NOS YEUX LA SURFACE QUI FAISAIT ÉCRAN AU RÉEL / NOUS VISITONS LE VIDE CONNEXE DE SA VOIX EN EMPRUNTANT SES CIRCUITS / NOUS FRANCHISSONS L'ÉCRAN EN LUI ACCORDANT NOTRE IMAGE
dans une télégraphie du sens où abonde avec l'image les machines de vision.

Ces conditions d'expérience du monde, le temps et l'espace qu'elles mettent en jeu, implique dans le rapport écriture-lecture, non seulement des perturbations de couple (dialectique), mais aussi un redéploiement des données traditionnelles de ce rapport, surtout si l'on veut tenter d'établir que le système écriture-lecture -à travers ses modèles, ses symboles, ses métaphores- et l'écriture de la simulation possèdent un espace commun de définition, au seuil aisément franchissable de la fiction.
L'écriture-lecture de la simulation intègre la pensée fluctuante, sa dérive fictionnelle et sa capacité ambulatoire, dans la mesure d'un échange instable et court-circuitant, modélisé suivant les différentes combinaisons syntaxiques du réel, de l'imaginaire et du symbolique (lacaniens); en butte au hasard et à l'aléatoire, à l'intuition, à la prédiction des possibles à mettre en oeuvre et à échantillonner dans un système simulatoire requérant aussi variables et modèles.
L'ÉQUATION OBTENUE DANS CE CAS PRÉFIGURE D'AUTRES MÉTAPHORES DÉRIVÉES, VOIRE DIFFÉRENTIELLES DE L'INTERMITTENCE DU MONDE

'écriture-lecture de la simulation permet à la pensée d'être dans cet état d'intermittence qui la délivre du monde, la force et l'accule à conceptualiser non pas le réel, mais son existence phénoménologique. La densité des causes opacifie le monde, mais facilite en contrepartie la rencontre fortuite des effets [...] La simulation est donc un outil expérimental, s'attachant à l'exploration non pas du réel mais des modèles qu'on s'en forme. Ce qui se passe est entre science et fiction. L'organisation historique et récitale du monde, retracée à partir des effets d'écriture-lecture (une mythologie des causes) simule sa métaphorisation dans un enchaînement de PHASES entre le continu et le discontinu. Ses probabilités d'être ou de devenir autotélique met au rancard l'antique omniscience qui lui servait d'écran. à cette condition les objets du monde peuvent être simulés, rendus dans un univers panoptique où la lumière devient quantité élémentaire jaillissante des écrans.
Chaque écran en phase d'écriture-lecture assure en position de contrôle la transmission des données et l'exploitation du réseau en tant qu'il constitue un "site" de percolation -un relais dialogique où chaque livre est en interface parmi les autres, de même que ce qui régit l'espace entre écriture et lecture est aussi en interface.
Le livre désigne son propre flux, un espace remuant, contradictoire, où, de fait, dans l'écartèlement de ses directions, ses figures deviennent absolument tropologiques, des relais de discours, instables, un certain seuil franchi, défiguré dans la confusion, entre topos et entropia, dépôt oscillant de l'écriture-lecture. Les livres se distinguent, à la manière de tropologiques, discontinus entre des caractères qui leur sont propres; et l'approche de la frontière qui les sépare est un univers fractal mais aux conditions initiales perdues dans l'instabilité de leurs positions. Leur valeur entière (l'accumulation de données qui rend le thésaurus dissipatif, chaotique, comme une globalité discursive perdue dans l'instance simultanée de tous les discours), déchirement de leur singularité, est une valeur itinérante qui se perd dans la figure de plus en plus précise de ses limites.
REPRÉSENTATION GLISSE VERS HYPERPRÉSENTATION
Le réel prend dans cette accession à l'hyperprésentation que lui autorise l'écran (fracture dans le continuum, DISCONTINUUM) entre programmation et random pixélisé une structure fractale -numérique- aboutissant à une lecture en écho; texture symbolique (signalétique) dont les correspondances se reconstruisent chez le scripteur-lecteur sous forme d'impulsion non linéaire d'échos irréguliers.

        Cette déposition constante, l'emballement des métaphores, le cancer des signes, dessine dans son sillage, attirée par les incessants frottements du sens court-circuité, une courbe hyperbolique tendant vers sa fin, dérive de sa dimension. Elle figure la quête toujours reportée de son état stationnaire, du sens entier, comme impossiblement détachable du réseau. Cette quête impossible  d'un équilibre final représente, en acte, toute l'ambiguïté du couple écriture-lecture. Il se dissipe dans un troisième esprit, hybride, participatif et virtuel, en interface avec les rouages de (dé)codification du réel -effet de phases virtuelles, de simulations d'événements piégés, avec la volonté d'y reconnaître et de pouvoir retracer la programmation initiale (initialisée, celle de notre génome qui se transfert symboliquement dans la machine.
        NOUS PARCOURONS UN LIVRE A LA FAÇON DONT MANDELBROT PARCOURT LA TERRE: CHAQUE TRACE QUI DÉLIMITE LE VIDE EST UN ACCIDENT, LE POINT D'ÉMERGENCE D'UN VECTEUR DE SENS OU DE MESURE; PRET À SE ROMPRE A LA DIMENSION D'UNE AUTRE LECTURE QUI NOUS TIENDRAIT À DISTANCE, D'UNE ÉCHELLE PROCHE DE LA MATIÈRE INTIME DE L'OBJET, MAIS DONT LA MESURE ET LE SENS NE NOUS PARVIENNENT PLUS A L'INSTANT
 

'un point de vue stable, abusivement topologique, la relation entre écriture et lecture peut être assimilée au phénomène de percolation, au sens où dans la firme métaphorique du langage, la percolation dénote du passage d'un fluide à travers un milieu poreux. En effet, d'un côté agit la fluidité de recomposition de l'opération de lecture, de l'autre la porosité perceptible de l'écrit -bien que réciproquement la suggestivité figurative de l'écriture soit fluide et la mémorisation lectrice poreuse
Lorsque l'écoulement est régulier -laminaire- les faibles perturbations sont absorbées. Mais au-delà du seuil de turbulence, ces perturbations deviennent catastrophiques aléatoires.
Le sillage de cette mécanique relationnelle, entre écriture et lecture, dessine le site de percolation, le foisonnement de relais suffisant pour établir un seuil dont les possibilités de sens connectés n'ont plus de limites. L'écriture consomme ces limites à travers le mouvement des livres. Le sens est libéré tout azimut dans l'emballement des métaphores.
Du point de vue de l'instabilité du système, et malgré sa pérennité vivace à une autre échelle, la correction de ses phases est hyperbolique, de même que chaque métaphore l'est par rapport au sens, à la fois calculable de façon statistique, voire intuitive dans sa disparition à l'asymptote.Rappelons, en outre, qu'il y a contradiction à envisager écriture et lecture comme deux entités singulières sans considérer leur liaison. D'un côté la métaphore est dynamique mais elle exige aussi un seuil de concentration ou de sens, une linéarité référentielle, en l'occurrence interne, dans l'articulation écriture-lecture. Plus qu'une interdépendance de deux bornes distinctes protégées l'une par rapport à l'autre, il s'agit d'un seul système, abscons dans toute localisation, d'un système dialogique. La linéarité est son ancrage dans le réel, la synthétisation de ses mouvements comme une paralysie passagère.

        Le couple écriture-lecture, la stabilité mutuelle et dépendante qui l'attache au questionnement de sa nature ontologique, depuis que sa trace est mémoire, dans son aspiration à lever le voile de toute métaphore, ne peut-on le concevoir, dans cette stabilité de la dérive de sens qui le caractérise, avec toutes ses propriétés, comme un système d'attracteurs étranges dont l'image-mouvement est sa propre conceptualisation?

        La machine à produire du sens dans les objets, à fixer leur longévité dans un corps charrié par la copulation, perpétue, dans le rythme des phases de l'écriture-lecture, dans le désordre de leur apparition, un mouvement du monde qui pourrait s'apparenter, de façon simplifiée, à celui des attracteurs étranges; mais la multiplicité des données mises en phase dépasse de loin la représentation intégrale du monde, si ce n'est comme utopie nécessaire... et encore. C'est un coup à se fourvoyer dans la pensée de l'éternité.
Le corps de la pensée, à travers la fiction et sa répétition (répétition des thèmes immortels)  s'avère uniquement quantifiable dans la fragmentation.
Il s'agit uniquement d'essayer la pensée dans de nouveaux systèmes, d'en extraire quelques attracteurs mais les considérant parmi une multitude chaotique d'attracteurs -certains disparaissant dans le mouvement infinitésimal de leur résolution, au moment où d'autres figures émergent de la complexité. Ils forment un bassin d'attracteurs dont les lois s'émoussent à la turbulence de leurs relations, un chaos déterministe, une rectification aléatoire de la tendance à l'entropie des textes.
Les attracteurs étranges paraissaient de nature fractale, ce qui signifiait que leur véritable dimension devait être fractionnaire voire indémontrable.

i la métaphore peut soutenir la probabilité de référents cohérents dans la réalité, ne peut-on postuler qu'elle soit le mouvement du système d'attracteurs écriture-lecture?
        Rentrons cette variable dans la simulation générale en cours, sans plus l'alourdir des imbrications du reste du monde. Car ce système doit être démontré, et ne fait que poser les bases théoriques visant à reconnaître dans la métaphore, l'existence conceptuelle d'un chaos déterministe. Il est restreint dans la mesure où il ne prend pas en compte des mouvements beaucoup plus amples  tels le parasitage, le bruit (un bruit métaphorique, non une quantité sonore).

        L'écriture-lecture peint non seulement l'économie de ses moyens, le monde pour l'histoire sans intention de tromper, mais elle simule un réel déjà reconstitué, déjà simulation, et qui n'a de cesse que de se répéter dans une infinité d'autres simulations, toutes proportions perdues.
        Si les fictions sont des instruments de capture, elles sont piégées par leur modèle, dans la mesure où le monde, par définition, leur échappe dans sa constante métaphorisation.
        ENVELOPPEMENT DES MODÈLES CADUQUES DANS LES CHRYSALIDES DE TRANSFORMATION DE NOUVEAUX MODÈLES
        Elles sont le lieu caractérisé de l'entropie, et à leur manière consomment les modélisations du monde, se métamorphosent dans ses charges affectives et énergétiques, dans l'interface planétaire du langage et des machines désirantes. Tout tend vers le désordre. Tout processus convertissant de l'énergie d'une forme en une autre en perd obligatoirement une partie sous forme de chaleur...
Cette partie, ce reste singulièrement humain, défie tous les programmes du fond de la turbulence des passions, de la volonté, de notre aptitude à l'extase et à la jouissance. Les corps sont lâchés, et la fiction y travaille dans le principe de plaisir où elle se reproduit et s'auto-génère, où parmi ses buts, est  le viol de toutes programmations, le piratage des systèmes qui le sclérosent. Dans le creuset de cette terreur d'être humain, l'écriture-lecture est bien en peine d'être à la fois légère sans maximiser ses variables, tout en soutenant une simulation plus rusée et plus précise, plus mortelle encore, au sens propre du terme.
Nous pourrions envisager la simulation comme un genre littéraire voire comme le modèle de tout récit, ou encore l'avènement d'une nouvelle science-fiction, à portée temporelle dans le labyrinthe du hasard et du non-lieu.

        Mais le monde ne tient pas à la comparaison; il comparaît dans des facettes qui se dérobent à leur approche.
La tromperie est la première simulation, la feinte originelle de notre désir du Tout, d'une orgueilleuse systématisation.


Bibliographie restreinte:

*MONTE CARLO: La simulation de modèles stochastiques par la méthode de Monte Carlo facilite l'utilisation de théories incomplètement formalisées, et dont on ne saurait déduire par calcul les conséquences pratiques [...] rend possible l'élaboration de modèles hybrides agrégeant des théories empruntées à diverses branches de la science qui n'ont pas atteint le même niveau d'abstraction et pouvant même recourir à un volume important de données empiriques ( statistiques par exemple ).