«Elohîm écoute avec beaucoup d'attention l'énumération fiévreuse d'Adama... Il s'agit tout de même de la première proposition, ça compte, au trot! "Grenouille!" lui arrache un morceau de cuisse. "Lièvre!" et "Fougère" le dépossédent encore, et à chaque Nom, Adama s'ôte --croit-il-- un peu de quantité... "Un de moins, que je ne suis plus pour l'avoir nommé, connerie!... et je m'étrique! et je fonds!" "courge!", "truite!" Dans la nébuleuse des noms qu'il ne peut plus retenir, il s'augmente en vérité de ce qu'il expatrie de son corps, en le vassalisant par le Nom; "poulpe!", une oreille! "Sapin!", la rate! Mais son corps conservait bien entendu toute intégrité physique... "Eh, Adonaï, qu'est-ce qui est perdu au juste, réponds-moi?"... Elohîm ne s'inquiétait pas trop, le temps ne manquait pas: "Constitue-toi en sachant exactement que tu n'es pas le monde, et surtout, en comprenant que tu n'es pas Moi". "Et moi, qui me nommera, hein?". "Cesse donc de gémir et retiens ton souffle! Le vrai jeu des jeux mon glébouillot : le désir, c'est la séparation! Coupure! Quand les noms te manqueront, le monde s'en foutra, moi, je m'en foutrai; c'est toi qui seras en moins dans l'affaire! Allez, tu vas partir, tu choisiras de toutes façons de partir; je ne fais pas un ange de plus! eux, je ne les ai pas fait pour écrire: pour ça, ils sont mauvais comme des cochons, ils connaissent bien la Thora mais elle leur est parfaitement inutile... ils dorment dans le bien et se réveillent dans l'amour... Pour toi... l'exil est l'indignité ET la connaissance : l'une ne pouvant survivre sans la présence questionnante de l'autre. Tu vas faire le tour du monde, donneras du sens à ma Loi, et là, tu me reviendras, et tu n'auras pas honte de ton Nom.
Maintenant, je vais te donner une femme, et c'est elle et ta descendance qui te nommeront."Olivier Wattez, Une Midrash de cuisine pour Alexis Charbonnel.
ortone
fait craquer, en la séparant de la tête, la calotte, dans cette
odeur poussiéreuse de poils brûlés, mêlée de
formol, et des graisses jaunes amollies par la chaleur et le vieillissement
des corps.
Je suis familier de ces cadavres détaillés, de ces paillasses
d'émail renvoyant en écho les commentaires chuchotés dans
le dictaphone, de cette odeur épicée qui gonfle les narines;
"30/06/96. 22h30. Sujet F 785.02. Brune, 1, 60m, environ la trentaine",
les pinces, résorbant les
épanchements d'un corps qui résiste à l'analyse en changeant
imperceptiblement de forme chaque minute, sont des pendeloques pliées
aux bourrelets des coupes franches de Cortone, tirant la peau, boucles trop
lourdes, rideaux jaunes.
Il a décollé sans peine
ce couvercle d'os patiemment sillonné en creux par les veines comme une
galerie de parasites, et je l'observe s'émerveiller devant la Grande
Réalisation, dans ce cerveau mort...
Moi, qui ne me suis jamais senti aussi éloigné de Dieu que dans
le constat de ces pauvres complots, et lui, admiratif devant cette fixation
-comme un insecte peut être saisi dans l'ambre- de la lente formation
des réseaux interconnexionnels dans lesquels il semble lire le passé
intransgressible de la formation d'un être... de la singularité
clinique d'un homme... il pense: synapses, axones, neurones... et je me dis
moi, qu'il n'y a pas de merveille, ou plutôt, qu'il se trompe d'émerveillement:
dans le cerveau, il y a un autre cerveau qui le regarde.
J'observe la dure mère, limande
ouverte, deux ailes rosâtres molles rabattues reposées sur les
tempes, rideaux pâles autour d'une tumeur noire, luisante, de la taille
d'un embryon humain, repoussant les deux éponges dociles du télencéphale
comme une pierre fichée dans un sol de boue.
'hypothèse
du suicide est renforcée par la certitude que même si cette femme
ignorait tout de son état pathologique, elle devait quotidiennement se
tordre de souffrance sous ses effets. Cortone me fait remarquer que si elle
n'avait pas renoncé en se défenestrant, elle aurait probablement
fini en pleurant sur le pavé, après avoir lèché
le museau d'un cheval bastonné.
-Très bien Cortone, j'imagine
que cette dernière connerie annonce la fin de l'autopsie?
-Mouais... Cinq aujourd'hui, j'ai
ai plein les naseaux, au pieu!
-Tu ne viens pas t'en prendre un
à Cancale?
-Trop crevé, je m'endormirais
dans mon martini...
-Tu me conduis au moins?
-Tu fais chier Savele, c'est tous
les soirs la même chose.
-"L'avenir est rare" ...
-C'est ça, et "chaque jour
qui vient n'est pas un jour qui commence", si on le savait pas, vieux...
Tu pourrais renouveller ton stock de citations.
-Je vieillis. Moins je me porte,
mieux je lis.
-On la laisse comme ça?
-Tu as peur de quoi? Que Géricault
t'en fauche des morceaux?
rès
de minuit... emporté dans ce mouvement régulier et banal qui m'attire
vers l'agitation des bars dès que je suis seul plus de dix minutes, effrayé
à l'idée d'avoir quelque chose à faire, repoussant cette
idée, aveuglé de trop voir les yeux pleins... ce qui d'ailleurs
devrait me faire fuir vers la curative solitude dès que je suis confronté
aux premiers braillements, à la sono déplorable (mais voilà...
j'adoucis le cadre de cette disposition lointaine, mon sfumato de la fin du
jour; la distance -le manque- en affaiblit la rude grossièreté,
et si son image se précise à mesure que j'approche, lorsque les
contours en sont si nets qu'ils m'effraient, j'y suis déjà coincé)...
lancé, et dérapant dans ma chute, ce léger clinamen m'associe
improbablement à l'agitation d'autres corpuscules, bridés avec
moi dans une association momentanée et guère jouable, faut le
dire, j'y suis revenu ce soir dans ce recoin plié d'un rade dont les
néons figent les peaux et ralentissent tout mouvement, le décomposent,
hachis stroboscopique d'un excès d'herbe. (litanie number one : ne dévie
pas, tu travailleras en rentrant, juste un ou deux demis et au boulot).
Derrière le pilier rectangulaire
qui me sépare du bar et du miroir, s'agite un fuseau blanc, qui va et
vient sur la cuisse d'un femme vissée au comptoir; comme deux ballons
soufflés dans la niche d'un stand de tir, la main nerveuse d'un homme
et celle, indécidable, de cette femme, ne cessent de se quitter après
s'être effleurées avec une brusquerie juvénile de baiser
soutiré, furtif. Les yeux de la femme, les miens, ne quittent pas cette
main empressée filant de sa manche (niaisement, pendant quelques minutes,
ne voyant rien du corps de l'homme auquel elle se rattache, j'imagine que cette
femme ne voit elle-aussi qu'une main folle lâchée sur sa cuisse
comme un membre fantôme).
Cette même indécision,
qui fait observer le visage d'un ami aux cheveux fraîchement coupés
en se demandant ce que cette tête familière a ce jour-là
de mollement étranger, me fait mettre un temps infini à saisir
ce que cette main blanche, courante, a de vaguement incongru; l'impression d'un
hâlo mobile vibrant sur le tissu du pantalon; lui manquent en fait le
médius et l'annulaire, dont la section à la base des phalanges
est meulée, en double bossage, à la courbure de l'os, entre l'index
et l'auriculaire qui s'agitent comme les deux mandibules d'un lucane.
La main de la femme tourne, en l'effleurant,
autour de l'amputation, et revient sans cesse, négligeant l'autre main,
sur ces deux doigts manquant, comme si elle caressait la partie la plus infantile
d'un homme mûr, aussi craintive que décidée. Lui n'ignore
pas que sa mutilation est attirante, mais il est peu probable qu'il se rende
compte un jour qu'il a perdu bien plus que deux doigts.
-Ah! Savele! Viens
voir, viens voir ça!
-Salut Marc, tu m'as l'air bien entamé...
-Mon cul! Je suis fou de rage!
Les veines rougies par l'alcool (la rage) autour de ses pupilles, il secoue
un immense recueil de partitions, fait bruisser ses pages en braillant comme
un âne.
-Mais regarde un peu ce truc, hein,
c'est quoi cette merde, c'est quoi ce travail de peigne-zizis? Pensum de jean-foutre!
l
m'est impossible de savoir si un objet insignifiant, exagérément
grandi par l'alcool -auquel il n'aurait peut-être accordé qu'un
haussement d'épaules à jeun- l'a conduit à cet état
d'énervement, ou si c'est bien une colère profonde qui a pu l'amener
à se saouler avec une telle détermination...
-Je ne sais pas, Marc, montre-moi donc ton truc et calme-toi un peu...
Il ne lâche pas, dispute son bouquin comme un chien qui mordille; le dos
de sa main fait claquer les pages ouvertes :
-Du caca! Un énorme et intolérable caca d'universitaires ayant
mal chié et mis trois heures à chier ce caca là, ces trois
cent pages de chiure d'université!
l
s'arrête toutes les dix secondes pour cracher dans les pages, y écraser
un mégot, faire mine de se torcher le cul avec elles, en arrache une
au hasard en gonflant sa complainte pendant que Charles, plus encouragé
à maudire en choeur par la quantité de haine que par l'objet qui
la suscite, vide le cendrier au coeur du livre. Il se laisse vasciller en tournant
comme un peau-rouge tiré par des crochets.
-Un gros caca cacaté à
la sauce de merde par des ubus facultaires archi-facultatifs de mon cul! Mais
regarde-moi ça, regarde-moi ce torche-derrière! Deux cent cinquante
pages de commentaires merdeux pour cinquante pages de partitions merdiques!
n
coeur pourpre, ligné de notes noires et losangées comme sur ces
partitions grégoriennes qui n'admettent pas la coupure d'un temps, flanque
la couverture du Chansonnier de Montchenu; je suis sans doute juste assez inculte
pour trouver charmant ce calligramme vieilli, et je me sens âne de n'être
pas aussi offusqué que Marc devant ces partitions courtoises de la fin
du 14ème siècle.
-Voilà exactement ce que donne
le résultat du travail de petites dizaines de crapauds universitaires
qui rougiraient de trouille devant une vraie bonne partition! Voilà ce
qu'ils branlent pour trouver des sujets à leurs élèves
aussi timorés qu'eux... mous : Mous du cul, mous du cul! ils bavottent
devant la pire merde d'un siècle qu'ils ont à étudier...
pour pas avouer leur incompétence devant une grande oeuvre: et on peut
plus les arrêter! Ils sont partis pour le commentaire à quatre
temps, hop, intarissables, vingt... trente... deux-cent pages, hooolà!
deux-cent cinquante pages pour l'incontournable Chansonnier Trouduculitoire
de Sieur Montchenu, excommunié à groin fouteur-compositeur-Archévêque!
Et vas-y que je te prenne l'alibi de l'Histoire! Le sublime et émouvant
caractère des vieilles choses... pour nous ressortir ce qu'un siècle
à produit de plus lamentable, et pour en faire leur objet d'étude!
Mais qu'est-ce que ça pue la vieille pisse, leur combine à trois
francs!... Ça leur filerait sans doute trop la pétoche, trop la
honte, de dire des choses plates sur des oeuvres qui le sont pas... alors ils
préfèrent dire des choses très très profondes, oh
oui!, sur des oeuvres qui le sont pas du tout... Imagine, Savele, les musicologues
du 23ème siècle repoussant Berio ou Xenakis pour étudier
Mylène Farmer ou Prince, LA musique du 20ème siècle! C'est
la danse des canards contre Stimmung, Barbelivien piétinant John Cage!
-Hmmmm... C'est peut-être aussi,
je ne sais pas... proposer pour "moyen-âge" le truc littéral...
l'infantilisation totale d'une période, celle de l'âge moyen: tu
sais, Marc, c'est un vieux truc, le gross GROSS alibi pour faire avaler un système
de modélisation unique, le nôtre... On fait la même chose
en histoire de l'art avec l'iconographie médiévale... Banal...
Le registre : "Ces mecs-là savaient pas nous faire des vraies grosses
machines, n'est-ce pas, trop grossiers encore, pas dépolis, naïfs,
mais c'est si attendrissant, on va les étudier leurs petits bidules amoureux...
leurs romances... leurs partoches débiles, vous allez voir!" Tu sais,
c'est nous que ça redore, finalement, c'est nous, l'âge adulte,
modélisation suprême dont toutes les autres sont le brouillon,
XXème Siècle!
-Aaah, Savele... tu m'émeus,
bois un coup!
-Loufiat, bibine!
n
jeune homme nous fait remarquer que ce discours n'est rien tant que réactionnaire,
que pisser au cul de la fac et des chercheurs, c'est en général
le boulot de l'extrême-droite. Une passe de l'ailier Savele qui prend
du carburant, à l'avant-centre Marc Fichenon:
-Ahhr, je meurs! Eh, mais d'où
tu sors, ducon? Mon problème ce s'rait quoi? D'être du côté
des méchants... c'est ça que tu me reproches, hein, tête
de pine? Génial! Si par malheur j'étais vaguement anticommuniste,
je serais inpatronnisé nazi?
Reprise de l'ailier, laconique, étayant
toujours par l'exemple, pour dérouter l'adversaire:
-Pierre André Taguieff contre
S.O.S. Racisme, drame moderne de l'incompréhension, larmes, télévision,
larmes; Edgar Morin contre les stals, j'en passe et des meilleures...
-Savele, pipeau un peu! Tu fais chier...
CE que je lui raconte, à ce pauvre noeud, c'est l'histoire des bavouilleurs
crapauds qui aiment tant qu'on les aime pas, et que ça redore leur gloire
de pauvres crapauds mal-aimés: c'est celle des dizaines de petits crapauds
universitaires en ronde autour de leur caca sans gloire qu'ils ont dégoté
le plus inoffensif possible pour pas mouiller leur petit cul anoure... Ils enfilent
leur petit gilet de crachats chaque matin, parce qu'on leur a craché
dessus, les pauvres petites choses... ils enfilent tous les jours leur petit
gilet sali en couches de crachats, leur gilet de croisade, mais plus on crache
sur leur gilet de merde, plus ils touchent au sublime! se sentent onnis! ils
trouvent enfin leur place dans le catalogue du génie, s'installent, se
réconfortent... parce que l'injure, l'invective, ça les rend géniaux!
Sains et saufs! Ils sont saufs dans leur laminoir organisé de crapauds
cacatouilleux merdifiant tout ce qu'ils touchent! Je passe une agrégation
pour dévoiler à des générations d'aspirant-crapauds
la substantifique génialité de la danse des canards du quatorzième
siècle, hourra! Canardifiant je suis, hourra! Crapouillant, merdouillant
canardifiant et sans-scrupulifiant! Hourra!
-Tu vas faire quoi, Marc, les tuer
tous?
-Non, Savele. Non... Je vais évidemment
étudier ce gros tas de merde... Je vais le décortiquer... et fermer
ma gueule pour avoir ce putain de diplôme...
-Hourra! Hourraaaa! Tu leurs feras
quoi plus tard à tes élèves? T'as quelque chose sur les
télégrammes chantés de la Régence?
-Savele, tu ne vaux même pas
la bière que tu bois, disparait!
-Je t'aime, victime!
Du zinc où je suis installé
depuis maintenant une heure et demie, j'observe les derniers soubresauts d'un
buveur éteint qu'un de ses amis essaie de convaincre de commander une
bouteille de Veuve Clicquot; sur sa table, ayant renoncé à tout
entretien avec ce monde, la bouche écrasée sur un livre immense
que tire une joue molle comme la peau d'un mort.
Le Barman: Tu prends quoi, Laurent?
L.L. De Mars: Un cognac. Le pire. Qui c'est ce type?
Le Barman (évasif): Un compositeur, "contemporain"... il fait des trucs
comme ce que tu veux me foutre dans mon bar, avec des tas de sons inaudibles...
L.L.De Mars: Il faudrait qu'on parle sérieusement de musique un jour,
Loïc... Il avait l'air remonté en tous cas... Allez, sers-moi donc.
loisonné entre trois ou quatre cellules babillardes, j'y traque les litanies qui profusent dans les bouffées blanches de clopes. Les langues molassonnes clapotent sous l'alcool, évoquant d'invraisemblables et inutiles gloires... gloires FORCÉMENT étouffées sous l'usure -dont on peut sans peine imaginer le ressassement, et la fatigue graduelle- terriblement vieillies; toujours pensé, moi qui n'ai jamais rien volé, tant qu'à faire autant faucher de l'or ou du caviar, la faute ne pouvant être épaissie; de même pour les mensonges, après tout, balancer les plus gros serait au moins du côté de l'invention; mais les gloires de ce soir sont frileuses par calcul, elles veulent trop être crue, alors... elles font ruisseler du parleur des larmes d'autant plus vraies que leur origine est fausse, ou FORCÉMENT à venir, toujours en genèse, d'autant plus sincères qu'elles accompagnent surtout chez le bonimenteur la frayeur de n'avoir qu'un seul plat à servir, ceci depuis pas mal de temps, et que le seul héroïsme régnant ici est celui de la répétition... On peut imaginer aussi que les oreilles en sont aussi familières que la bouche, mais que l'alcool de chaque jour, même s'il n'a rien effacé, offre une proposition acceptable pour l'oubli et donc, le ressassement. Ces histoires sont à tenir au rang de la chanson... flamenco parlant pas espagnol mais s'écoutant chialer (conviction redoublée de conviction)... anecdotes saisies entre nostalgie impromptue, inventée (et, pourquoi pas, crue désormais authentique par leur auteur-même... à force de mise au point quotidienne des couplets, à force de stupéfaction par l'ennivrement, va savoir).
ortone
enclanche le dictaphone dont le micro plongeant au-dessus de la table désigne
en pendulant le nombril du garçon.
"01/07/96. 22h45. Sujet H 201.30. 7 ans, cheveux bruns, 1m20... Fils du couple
de pêcheurs Seignelet. Cicatrice d'appendicite bombée, cour
« On s'en fout Cortone, tout
ça est sur sa fiche au bureau. Vous avez toujours votre "carnet de circonstance",
Savele?
-Bien entendu, Cosme, bien entendu...
alors: article mère?... père?... enfant?
-Mère, pour l'Oedipe de Cortone
qui prend toute la place dans cette salle.
-On sait bien que les flics naissent
dans les choux, Cosme. Allez Savele, divertissement!
-Mère, donc; alors... Bataille?
Duvert? Gombrowicz? B
-Gombrowicz.
-D'accord... La pornographie: "Cet
être périmé qui n'était plus qu'une mère et
rien qu'une mère me regarda de ses yeux noyés dans le plus-que-parfait
et s'éloigna avec sa dévotion pour la Mère - je savais
que nous ne risquions pas d'être dérangés par elle en rien.
Étant essentiellement mère, elle ne pouvait plus rien accomplir
au présent. Dansèrent, pendant qu'elle s'éloignait, ses
anciens appats." »
Avant que ne se déploie la
frénésie du père à cogner sans plus voir que l'impact
de ses propres mouvements -- battement troué d'air des ailes d'un passereau
à contre-jour -- elle avait dû s'amuser un brin sur le môme,
avec cette connaissance impeccable des mères dans la distribution des
rôles : je donne le sens de la punition, mais c'est papa qui doit absorber
toute possibilité d'injustice ; moi, tu ne peux pas me haïr, mes
coups sont plus doux que les siens... les triangles en creux, brûlures
rouges au deuxième degré, régulières, règlent
le long du bras droit et sur l'épaule le signe de piste du fer à
repasser. Les deux poches de coagulation, ombres bleutées durcies sur
la poitrine et un genou, précisent qu'il leur a bien fallu une heure,
avant de le déplacer de l'endroit où il a été battu
à mort jusqu'au pied de cet escalier où leur stupidité
les a conduits à simuler une chute, juste cette heure tombante qu'il
faut pour dessaouler de la joie brillante où pousse la pluie des coups,
dont la colère n'est que l'amorce furtive et vite abandonnée (cf.
Percussions).
Temps courbé pour se rendre
compte de ce qu'est un mort brisé et la somme des emmerdements qu'il
laisse derrière son enfouissement ; la trace cireuse et salie des derniers
coups de pieds dans l'absence totale d'ecchymose à ces endroits montre
qu'ils ont dû bien lui en vouloir, à la petite charogne, pour toutes
ces nouvelles tracasseries à venir... Mémoire molle des coups
au vivant et coups portés au mort, double empreinte dans le corps d'un
passage bien chargé...
« Vous pensez à quoi,
Cosme?
-Hmmm? Je pensais à ces deux
misérables cons, Savele... Voici deux êtres qui se déchirent
: ils n'ont, en gros, commis que le crime le plus ordinaire... s'être
crus misérables et avoir pensé rendre à la vie ce qu'elle
ne leur avait pas donné : du génie... Ils ont enfanté,
aimé le produit de leur quiproquo, l'ont engrossé de leurs rêveries
dont lui ne voulait pas, et ils l'ont tué.
-Ce qui m'étonne franchement
Cosme, c'est que ces conclusions ne vous aient pas retenu, vous, de faire un
gosse... Il finira, quoiqu'il advienne, par grossir les rangs inommables des
coéquipiers que vous méprisez... ou encore ceux de mes clients.
Pourquoi diable faire un enfant, hein? Je ne sais pas... On pourrait formuler
ça comme ça : silence qui se trouve un lieu. "Nous ne baisions
plus, ne jouissions plus, n'avions surtout plus aucune envie de jouir l'un avec
l'autre"... et l'enfant offre une explication parfaite grace à laquelle
nous ne sommes plus face à un échec, mais à une ferme et
merveilleuse résolution d'avenir : il est l'accord dans la séparation
des corps ; "pour ne plus avoir à faire avec ma femme, et pour expliquer
ma méfiance et ma hargne à l'égard de son sexe"... "Pour
ne plus subir les malfaçons de mon mari et corriger dans la pâte
-devant lui- les défauts de sa race."
-Un peu trop rapide, non? Savele...
-C'est effectivement une esquisse
un peu rapide des raisons, dont, il faut le dire, et quelles qu'elles soient,
sentent plus le meurtre que la naissance : entre les rêveurs qui croient
solidifier leur amour... les émancipés qui croient réussir
là où les autres ont échoué... les ceusses qui trouvent
ça naturel et les fabricants de nation... Je peux comprendre une certaine
liberté avec les déjà vivants, mais la légèreté
avec la production de la vie, c'est une autre paire de manches. On n'imagine
sans doute pas assez la part que peut prendre une des peurs les plus répandues...
être seuls à deux ; mais les gens qui s'aiment se séparent
en général avant d'en arriver là...
-Vous pensez quoi, Cortone, de la
complainte de notre éminent misanthrope?
-Je poursuivrais... hmmm... Disons
qu'il y a (parce que j'aime le ton proverbial et les généralités
abusives) deux sortes de géniteurs : ceux qui, constatant qu'ils l'ont
frôlé une fois et que le bonheur ne s'obtient que dans la vie,
s'autorisent par syllogisme à la donner... Constater que le moindre mal
pour une tortue est de ne pas finir sur le dos, devrait pourtant les persuader
que seule la vie l'y aura acculé. Et ceux qui ne l'ont jamais vu chez
eux le bonheur... ni ailleurs... mais qu'ils imaginent sans cesse chez les autres:
ce qu'ils ont cru rater et dont ils sont envieux, ils le veulent sous la main,
et même dans un autre corps...
-Ils se ressemblent finalement assez...
-De toutes façons, ces deux-là
ne donnent la vie que par procuration de la leur. Sans aucune considération
pour ce qu'est la vie elle-même. Les autres, introuvables, sont conscients
de n'avoir que le choix d'accoucher d'une brute heureuse (ce qui est un coup
pour rien) ou d'un éveillé qui verra avec effroi la somme des
brutes gronder contre lui (ce qui est, aussi, un coup pour rien)... et, en particulier,
qui mettra rapidement à jour les manoeuvres de ses géniteurs.
Aucun être doué de raison ne devrait se reproduire sans remord...
-Amen.
-Je crois que je vais couper court
avec la fréquentation des légistes, vous me déprimez tous
les deux... -Changez de boulot Cosme... Notez tout de même qu'ils ne l'ont
pas violé.
-Cortone? -
C'est vrai... pourtant regardez-moi ce petit cul
-Cortone, arrête-ça!
-Savele m'en donne peu l'occasion,
mais pour une fois je l'approuve ; votre méthode punk de dédramatisation
est rien déclassée.
-Vous me faites bien marrer, Cosme,
avec votre tronche pleine presque à gerber sur la paillasse. Quatrième
infanticide en un mois, et je suis sensé faire quoi? La découpe,
peu importe le gigot? Vous êtes un flic relativement sympathique mais
le fait que votre boulot soit à la périphérie proprette
du mien tend à vous faire oublier sur quoi vous travaillez... rien ne
vous autorise à m'infliger votre morale de la déduction ; vous
seriez l'arithméticien et moi le fournisseur un peu sale, un peu dégoûtant,
des prétoires? J'ai moi-aussi conscience de l'enchaînement du corps
dans la continuité des événements qui font la vie, et la
trace qu'elle laisse, mais contrairement à vous je ne fais pas mon travail
dans la galaxie abstraite des hypothèses sociologiques qui va de la micro-trace
indicielle à la cour d'assise sans passer par la case départ...
passant AU-DESSUS des corps. Je supporte déjà mal la part auxiliaire
et flottante entre vos petits bricolages que vous daignez me lâcher, je
supporte encore moins que vous commentiez ma façon de le faire. Les morts
peaufinent votre C.V., moi ils bousillent ma sexualité et mon sommeil.
Et toi, Savele, plus flic que les flics
-Hopopopopop! Tu t'énerves!
Ça va, ça va... On va s'en jeter un à Cancale?
-Vu la gueule que t'as tous les matins,
je préfère pas boire les mêmes alcools que toi, je rentre.
-OK! Tu m'enmènes?»
e
pourrais bien mourir, ici, rien n'se passe... je ne verrais rien passer... Ils
sont trois à se tenir le crachoir à gauche, et l'anesthésie
de l'alcool fait patiner le piapia. Une ambition démesurée (perdant
toute mesure puisque, irréalisable sans doute; il serait vain, presque
contre-nature, de lui infliger, après tout, une quelconque vraisemblabilité),
voici la place faite nette pour une nouvelle étrange histoire, dans l'étau
interminable des falsifications. C'est aussi le collier des rumeurs éventées,
les bien rôdées, mais puisque les deux partis sont d'accord après
tout, mygales et yuccas, chats télépathes, cabines d'essayage
piégées, crocos terreurs d'égoût, variante du python,
toujours recentrées sur la proximité, ma ville, ma soeur, le voisin,
mes chiottes ouais un serpent énorme, dans la cuvette! Tu déconnes...
Non, il a raison, j'ai déjà entendu des trucs pareils aux Etats-unis
les mecs y prennent n'importe quoi comme bestiole au début et quand y
sont trop gros hop, aux chiottes! Ouais, y'a même eu des égoûtiers
bouffés par des crocos, c'est pas des conn'ries! En tous cas, j'peux
vous dire qu'y f'sait bien ses cinquantes kilos... Et t'as fait quoi alors?
L'histoire des historiens -et des
futurologues- a, nul ne l'ignore, les siennes. Mais son échelle artificielle
oblige au silence sur l'échelle elle-même, si elle veut maintenir
un peu d'ordre sur la scène des représentations... Ici, au coeur
du bavardage, puisqu'il n'est question que de se sentir serré entre deux
désespoirs, quelle importance pourrait-on accorder à la crédibilité
des événements perdus ou de ceux foutus d'avance? "J'lui ai foutu
un lit' de Destop sur la tronche!"Je me dissous, inaperçu, invisible
puisque j'y ferme courtoisement ma gueule, parmi les faux vieux macs, les faux
ex-loups, au comptoir; faux contrebandiers et arnaqueurs et duellistes... bien
qu'ils soient, en fait, de véritables auto-occultistes... authentiques
auto-ésotéristes, se livrant à un pliage magique sur soi,
négociant une autorisation de continuer à mentir, redoublant le
tout dans leur partie, répétant en somme dans cet échelon
auquel ils postulent la gigantesque escroquerie de l'échelle...
En les écoutant, les auditeurs
s'octroient la jouissance impunie de mentir eux-mêmes; voici quelques
menteurs sans qualité dans leur morne déhiscence: une formule
sociabilisée de la plaie ouverte; là, coincés, sur le motif,
parfaitement ivres comme moi-même je le suis, et lancinant, parlant avec
le manque de retenue des femmes saoûles qui pissent parfois devant nous,
s'épuisent autour de moi quelques arrêtés dans le temps
...
Eux-mêmes subjugués
par le passé improbable qu'ils évoquent, de plus en plus crédules
à force d'effets de conviction, plus crédules encore que ceux
qui les écoutent impatiemment -pour parler à leur tour- entretenant
avec la banderole miteuse d'un passé à faire -faufilé dans
un présent, lui, inavouable- une intimité monnayable, une transaction
intime; peu de choses sur l'état du présent, ni même de
la proximité des événements... éloignement continu...
temps repoussé... j'observe une étrange transsubstantiation, des
morts à venir déjà perdus, fluctuants, flottants entre
deux eaux pour enjamber le vrai temps de la mort ouvrageante... le présent
enfoui sous la discrétion, trucages sur les voyages, sur les détours,
les rencontres farfelues, les coïts inouïs; inventions in-extremis
et arrivages frais de l'oubli fait mémoire, aux portes du gouffre désiré
des prévisions.
Paradoxalement, en regard de l'extravagance prétentieuse de certaines
aventures, les lieux censés accréditer la grande précision
du rapport, sont d'autant plus convaincants qu'ils sont communs à tous:
auditeurs et narrateurs auront feuilleté les même catalogues, et
chacun y trouvera sans difficulté son poids de vérification, d'assentiment.
Ils ont, somme toute, la même valeur fiduciaire que les cartes postales
des carabiniers de Godard: le moindre repère du vraisemblable établit
le panorama du vrai. Ce fatras que rien ne peut faire taire puisqu'il s'est
refusé à tout espace dans lequel il soit saisissable, tangible,
et je constate ici encore, mais dans une envergure plus anecdotique, touchable,
cette imagination, je l'ai dit, mise au service du calcul... C'est-à
dire: à l'intérieur d'un seul être sa propre divination...
sa petite prophétie dans le désordre des choses; et ne serait-ce
pas vraiment du mirage dont il s'agisse dans le désert apparent du jour,
voulu désertifié, c'est à dire sans vie, c'est-à
dire -qui l'ignorait- sans mort? "Les petits crapauds universitaires" dont parlait
ce type, que désiraient-ils? Hmm? Participer... Soit! Que désirent
mes petits crapauds à moi, mes crapauds de comptoir? Participer, fcourse...
Baie du mouillage dans le flottement des participations... Héroïsme...
Carrefour des débats éteints.
En gros, il existe un formidable
terrain d'entente entre ceux qui simulent le désir de taire dans la confidence
un passé redoutable -de toutes pièces inventé- (mais n'est-ce
pas là, finalement, la souche de toute persuasion? Plus que d'arguer
d'un fait incroyable, feindre de ne pas y croire?) et ceux qui mirent un avenir
prometteur: terrifiant double-speculum en vis-à-vis, qui se ressasse
à l'infini. Rasage du matin et cuite de la veille. Avec au centre?
Rien.
Sinon son spectacle, le spectacle
de ce redoublement.
Extirpant une prospectus plié
de ma poche de veste (je ne peux jamais jeter le papier qu'on me tend, je simule
dix mètres l'intérêt, et j'enfourne), j'y inscris au dos,
en hâte, cette note difficilement déchiffrable au réveil,
obscurcie par l'alcool, qui servira peut-être plus tard d'amorce à
cette nouvelle, dont elle n'est pourtant pas l'objet, et que je retrouverai
trois ans plus tard:
"Cancale. Juillet 93/ note 03/ leur
méthode : faire semblant d'avoir calmé une jeunesse à laquelle
on donne l'apparence d'être morte/ mais de se souvenir/ souvenir, finalement
de la maison des morts/ morts pas tout-à fait morts/ mais auront-ils
été vraiment vivants un jour?/ mythologie de la survivance dans
la vie/ du brassage/ de la perpétuation des corps/ leur prolongement/
mais pas là: d'un pont l'autre/ transmigration/ une forme de médiumnie
solitaire qui interdit d'être dans la précarité du présent/
mais on reste à se faire (?illisible)/ à se voir (?illisible)/
dans l'attente effectivement tout PEUT arriver/ donc rien n'arrive "...
Voilà peut-être le terme
exact : un présent bien mal barré contre un passé si délicieusement
avouable -crédit!- et riche de supplétion... et contre un avenir
superbe, déjà, de son héritage; pas de présent dans
tout ça, pas lourd de place laissée au moment du discours, pas
d'instabilité devant la mort; une stabilité dans la vie, faite
et faisant vie, sans perte...Voyant le parleur vasciller je ne sais plus si
c'est mon regard qui vascille.
Autour des taches aveuglantes frangées
de cercles sans couleur possible, la nuit la plus profonde avale mes déplacements,
truffe en l'air scrutant un ordre astral auquel je n'entends rien, et c'est
la gueule idiote, riant de son idiotie, que je marche infiniment lourdement
en me répétant que mon ivresse justifie et commente chacun de
mes pas ; à chaque dérive insistée j'insiste encore plus
encore pour me persuader que je suis maître du jeu, que je sais évaluer
ma descente et je descends plus bas pour donner de l'éclat à mon
abandon... crabe, je décide d'être crabe, pour ne rien voir de
ma crabification... mes gestes sont brusques, je parle sans interlocuteur -très
fort- surpris par l'éclat de ma propre voix. Des "woh" en l'air, des
phrases heureuses du tourbillon. Blabeuh, beuh, dans la cour des immeubles percutés,
beuh balle, ricochée et ma gorge entonnoir des beuhlages, lumières
tirées dans l'éclat, chevrotine lumineuse qui tiquète la
ville d'un essaim de phosphènes, catadioptres derrières mes cils
filés, beuh visible étiré dans la contre-plongée,
filet croisant interminables des lignes de fuite encadrant les fenêtres,
beuh dans baah, je me vois et prends plaisir à me voir tombant... J'ai
le dos refroidi au goudron et les yeux rafraichis par le ciel noire cartographie
des étoiles et cartographies des réverbères, immense progéniture
de la ville traversée, ohwwwouhouhouh... tiens-la moi, mon bibi, tiens-la
chérie la chute, tiens-la bien essaimage lumière oui colle...
parfaite colle lights... même ah ma douce je t'en prie suce... moi fort,
peine à beuh... peine à bah...
Ma main tatonne le bitume ne trouve
évidemment pas d'autre corps ni de draps et je relève ma tête
brisée dans l'éclat intermittent d'un ciel orange, puis noir ;
cent mètres plus loin, la nuque reposée sur le sol humide, un
visage saillant passe du marbre bleuté à l'orange cinglant du
gyrophare, se redouble incertainement dans une flaque rouge diluée, nappe
lentement gonflée, sillon lent, exagérément rougi par les
flashs, fuyant de l'oreille du mort, je titube deux trois fois entendant les
commentaires assourdis dans les allées et venues tournoyantes bruissement
des pompiers et des flics ; dernier regard incrédule sur la double tête
la découpe en crêtes du papillon vertical englué "Viens
Kitty, crois-tu ma Kitty que le lait du miroir soit bon à boire?" bribes
d'Alice dans l'odeur du métal chauffé et du caoutchouc brûlant
dont la fumée noire, serrée, semble être la source du ciel
en l'abreuvant.
entre
vite fait vieux, t'es plus que bourré, petit tout petit énorme
effort... Un pas fait un! Deux pas font deux! Trois pas font trois! la tête
hoche lourdement à chaque avancée balourde, pas possible d'ouvrir
pleinement les yeux, très tenté par l'énorme fainéantise
du buveur de piquer un autre roupillon dehors, ça oui, un tout petit,
longue idiotie blanche, et c'est soulagé par l'odeur si proche du lit
chauffé par Caroline que j'affronte enfin l'escalier miteusement crampé
sur la rampe... Marches... Porte, le couloir... aaah, salon. Chambre : le lit.
Caroline endormie. Au pieu. Je me déshabille? Non. Pièce après
pièce, couché, je me dépiaute tout de même, très
vite poissé par la chaleur des draps, bien maladroit, saloperie du froc,
des chaussettes dont j'essaie de me défaire du bout des pieds. Ses épaules
se soulèvent lentement dans un léger sifflement de gorge, et pendant
que je lui caresse mollement les cuisses et le dos, moi déjà distillé
dans la ouate et les légers picotements qui précèdent de
très peu le sommeil, je la sens s'agiter doucement, elle enchaîne
des mouvements trainaillants qui la conduisent par paliers au réveil...
Les yeux toujours fermés,
elle plonge sa langue dans ma bouche la fait rouler autour de la mienne, sa
main glisse vers ma queue l'empoigne en la frôlant, ne serre pas, me fait
vite bander... tout son corps coule vers elle je sens son haleine forcée
réchauffer le gland, elle salive tout autour de ma pine en coulissant
de plus en plus vite... lorsqu'elle l'abandonne je suis à deux doigts
de décharger, je lui dis, vas-y doucement, très doucement je voudrais
que tu jouisses aussi, elle mord mon ventre, mes seins, s'attarde un peu pour
faire retomber légèrement mon excitation, se branle contre ma
jambe en agaçant mes oreilles des dents, gémit pas mal, halète,
et moi-aussi je deviens bavard, je braille, elle s'assied sur moi et s'enconne
comme une brute, ça nous fait crier d'étonnement ; elle me baise
très vite, pressée de jouir, je la sens couler sur moi, et lorsqu'elle
est humide jusque dans la raie je gémis ton cul, je veux décharger
dans ton cul, elle prend ma queue poissée et l'avale sans peine dans
son cul très ouvert, c'est la chaleur extrême qui me fait jouir
en dix coups de son bassin dont elle ne contrôle plus du tout le rythme,
elle hurle, je suis paralysé, et pendant que je sens déjà
le dégonflement s'amorcer, elle s'achève en saccade, frottant
son con contre mon ventre. Je regarde les brillants filets de merde et de sperme
qui nous huilent, elle jure ah! Bon Dieu! comme un cosaque, comme elle fait
toujours après l'enculage, et je souris niaisement du contraste permanent
qui fait immédiatement suivre ses explosions d'un regard d'une tendresse
et d'un candeur infinie. Elle avait dit un de nos premiers jours "c'est la première
fois que je fais ça jusqu'au bout... C'est émouvant".
Très vite la fatigue reprends
sur nos deux corps son gouvernement, et deux baisers à peine séparent
nos deux corps pour la nuit. Je lui tourne le dos, elle se colle contre lui.
D'un léger mouvement d'épaule je tente de dégager un poids
qui m'empêche de dormir, je le sens comme un céphalopode vidé
posé sur moi seiche poisseuse sur mon épaule laisse moi-dormir
s'il te plait, et je lui dis -je ne peux vous évoquer cette ignominie
sans retrouver, intact, le frisson qui me parcourut à ce moment-là-
je lui dis enlève ce gant, enlève-moi ton gant de l'épaule
je voudrais dormir ton gant me gêne, et avec horreur j'ai effectivement
tenté de me débarrasser d'un gant, je ne peux rien vous expliquer
de plus que... je me suis réveillé complètement, mais réveillé
de quoi, au juste? avec l'ombre résonnante du mot gant dans toute la
pièce noire, Caroline dormait depuis toujours je crois, je venais juste
de retrouver le mot main à sa place, un chamboulement énorme avait
ramené le mot main pour chasser le gant ignoble, mais je n'avais pas
plus de main que de gant sur l'épaule, bien entendu, et je ne peux rien
vous dire de ce qui s'est vraiment passé ce jour-là, non, vraiment,
rien du tout.