Il
y a peu de temps, je recevais de la Direction de l'Action
Culturelle une invitation à lui soumettre un
dossier, pour participer à une opération
"Ateliers portes ouvertes à Rennes".
Pour choisir parmi ces dossiers ceux qui seraient dignes
de faire figurer leur expéditeur au catalogue
de l'opération, aucun atelier n'a été
visité. Quelques photos, un CV, des liens internet
dessinaient pour l'institution le contour de l'atelier.
Qu'est donc alors pour cette institution un "atelier",
étrange endroit censé signifier assez
pour justifier une excursion touristique communautaire,
mais signifiant au fond tellement peu que les objets
qui en sortent suffisent pour le représenter,
le qualifier, l'élever au rang de site ou l'abaisser?
Cette institution s'apprête donc à inviter
la communauté en un endroit dont elle veut tout
ignorer, faisant ici le premier aveu de son désintérêt
complet pour ce qu'elle prétend comprendre et
accompagner. L'ambiguïté du rapport institutionnel
avec l'art, dont elle ne peut véhiculer que les
conséquences sociologiques, groupales, quand
c'est le sujet qui y est en toujours en jeu, et tout
particulièrement sa territorialisation (qu'il
s'agisse du territoire organique ou de la métaphore
qu'en est l'atelier), naît principalement du fait
que pour faire de l'art son objet, il lui faut commencer
par le vider de sa substance singulière afin
de l'accommoder à son fantasme normatif de culture.
Maintenant
il convient de définir clairement l'action proposée
ici par la D.AC.: elle invite les artistes à
faire ce qu'ils font très bien sans elle, ouvrir
leur atelier aux visiteurs, jugeant sans doute que le
patronnage de son nom est déjà un bien
assez beau cadeau qu'elle leur fait. Elle donne l'illusion
à la cité qu'elle agit pour les artistes,
elle légitime surtout aux yeux de l'état
son existence, quand l'essentiel de son action va consister
à imprimer des prospectus; en instrumentalisant
à très peu de frais des artistes auxquels
pour la plupart, avec la municipalité, elle loue
des ateliers-logements, elle considère ces ateliers
comme une extension du domaine public et fait peser
sur ses locataires une imaginaire redevabilité.
Pour les autres, ceux qui comme moi vivent du RMI par
exemple, on suppose que la précarité de
leur vie doit les rendre déjà bien reconnaissants
qu'on les invite publiquement à ouvrir leur cage
à lapin; je remercie en effet la D.A.C. de sa
touchante considération, qui consista en l'expédition
trois jours avant l'ouverture des ateliers, d'un paquet
de prospectus avec lesquels j'allais pouvoir faire le
travail d'information que la D.A.C. a été
infoutue de faire elle-même. [...]
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