Pour que tout ça ait été
seulement envisageable, il fallait plusieurs conditions:
- Tout d'abord fonder une sorte de méta-critique scénographique,
une forme qui se fasse critique de la critique instrumentale telle qu'elle
est d'usage dans une institution culturelle, artistique. Il fallait que
fut écarté le jeu collectif (celui des formes conniventes)
et maintenue puissamment la valeur interrogative de l'ambiguïté:
c'est le rôle que pouvait paradoxalement remplir l'académie
la plus sage qui, en entrant en quelque sorte par la porte du discours
(le dessin se donne pour actualisant ce qui n'est pas là, un projet
- cf. «Le récit hunique» de J.-P. Faye) ne permet plus
de distinguer avec certitude l'architecture des projets de celle de cette
exposition d'expositions sans avenir possible.
- Ensuite, que ce soit le cadre même de l'exposition qui en soit
l'objet principal (même si je n'ai pas pu résister à
la tentation de quelques pas de côté plus généraux,
la municipalité de Bazouges-la-Pérouse étant de droite),
afin de fuir le plus possible la soumission du travail à une tentante
instrumentalisation politique ; tentation courante, alors même que
nous savons depuis longtemps que la militance sociale est soluble dans
l'espace raisonnable et éteint d'une galerie d'art (le blanc
rend le rouge terriblement décoratif)
- Il fallait qu'à aucun moment le projet ne fût accompagné
des obligations protocolaires du parcours institutionnel qui, en se présentant
pour de simples formalités pratiques - budget, dossier, etc. -
sont de puissantes machines de freinage qui réduisent fatalement
l'inconnue à une feuille de route.
- Il fallait également qu'à aucun moment un rouage institutionnel
n'ait le pouvoir de se glisser dans ma petite mécanique productive:
pas d'argent nécessaire pour réaliser les pièces,
pas de regard sur le travail en cours qui puisse en ralentir ou en modifier
le trajet.
- Et toutes ces conditions ne pouvaient être remplies que grâce
à une cinquième, que les rapports avec mon interlocuteur
dans ce cadre institutionnel fussent des rapports radicalement non-institutionnels,
basés sur une confiance intellectuelle mutuelle, des liens chaleureux
voire amicaux à fonder, des conversations excédant le cadre
du travail, du café, de la bouffe, bref, tout ce qui m'est impératif
pour que je travaille avec quelqu'un : qu'il ne soit pas un trou-du-cul
ni un imbécile.
Le pognon accompagnant le contrat a servi à faire des cadres —
facultatifs, donc —, et ce qui en restait à faire le bouquin
dont je vous causerai un peu plus loin. |