«Sept expositions qui n'auront pas lieu à la galerie Rapinel» - L.L. de Mars - avril 2006
L.L. de Mars à la galerie Rapinel 2006 L.L. de Mars à la galerie Rapinel 2006
L.L. de Mars à la galerie Rapinel 2006

VII. «On voit tout en bleu quand on porte des lunettes bleues» G. Flaubert, à propos de l'amour
Mannequins, vêtements la Déroute, peinture noire spéciale Tartufe, reproductions de grands classiques de l'érotisme enfantin (Carroll, Von Bayros, etc.)

« Que s’est-il donc passé pour que l’opinion connaisse un revirement aussi spectaculaire ? J’aimerais que quelqu’un m’éclaire sur ce mystère. Le phénomène est d’autant plus remarquable que nos sociétés occidentales contemporaines semblent désormais cimentées par l’idéal sacro-saint, mais purement imaginaire, de l’enfant-roi et par l’obsession corrélative de la protection de l’enfance. Loin de moi l’idée de contester la nécessité de cette protection et le progrès qu’elle constitue. Mais la meilleure protection de l’enfant n’est-elle pas le désir et le soutien que les adultes qui l’entourent lui manifestent afin de le voir grandir ? J’ai été surpris, il y a quelques mois - et je suis particulièrement heureux de vous faire part de cette surprise ici, à l’hôpital Nestlé qui a bien voulu accueillir mes propos de ce soir -, de voir apparaître sur l’écran de mon téléviseur une publicité de la firme Nestlé dont le texte énonçait fièrement : "Chez Nestlé, c’est le bébé qui est président".
Est-ce que nous ne sommes pas arrivés au bord d’une espèce de délire collectif ? Qui ne voit l’hypocrisie de ce culte de l’enfant innocent, vierge de corps et d’esprit, l’enfant merveilleux et pur d ont l’univers est censé n’être peuplé que de rêves et de jeux ? Qui n’observe, dans le langage et l’imagerie publicitaire et médiatique d’aujourd’hui, que la plus belle marchandise du monde est désormais un bel enfant ? Qui n’est frappé de constater que l’exemple de notre Cité idéale nous est proposé sous deux versions, deux imageries standardisées, qui font couple comme un duo d’opéra : Disneyland et Las Vegas ? D’un côté, le monde de l’enfant imaginé comme un adulte miniaturisé, de l’autre, le monde de l’adulte imaginé en enfant éternisé. Nous sommes entrés, sans nous en apercevoir, dans une véritable idolâtrie de l’enfant, dans "l’infantolâtrie", dans l’infantilisation générale du monde. Les enfants s’habillent comme des adultes pendant que les adultes s’empiffrent de bonbons et jouent comme des enfants - les uns et les autres se disputant les commandes de la console de l’ordinateur familial. L’idéal aujourd’hui, c’est de rester enfant, et non plus de devenir un adulte. Et, de plus en plus, c’est une certaine représentation imaginaire de l’enfant qui fait la loi. C’est l’enfant mythique dont la statue s’élève au rang d’idole à mesure même que les adultes déchoient de leur piédestal, démissionnent de leur fonction et s’infantilisent à qui-mieux-mieux.
[...] »

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