1988. Mon
faible intérêt pour ce qui se passe dans
l'enceinte de l'Université de Rennes II où
je suis censé être venu apprendre quelques
petits trucs sur l'art me laisse tout mon temps pour gâcher
des bandes magnétiques, donner à des amis
discrets le goût d'être bruyants et m'assommer
d'alcool avec eux. Naissent de diverses rencontres un
magazine bordélique dont je ferai sans aucun doute
l'archivage tôt ou tard dans le Terrier,
« Kitsch » et des
séries de concerts et d'enregistrements, notamment
avec mon fidèle compagnon de beuverie Éric
Nédélec mais également avec celui
qui va devenir un jour le président à vie
autoproclamé de Boxpock
et qui signe à cette époque Eraserhead
ses couinements dysaxophoniques.
C'est
dans un immeuble aujourd'hui ratiboisé de la
rue de Saint-Hélier que la notion de porte perdit
toute consistance et que celle d'étage devint
étrangement molle au point qu'il me soit devenu
aujourd'hui impossible de dire avec certitude qui est
présent sur quel enregistrement ni même
comment j'ai pu convaincre tout ce monde de gratouiller
une cuiller par-ci, souffler dans une hernie par là
ou pleurnicher un pas-texte dans un fond de bouteille
vide. Pas plus que je ne me souviens ce que j'ai bien
pu moi-même y foutre. On peut pêle-mêle,
pour ce que je peux m'en souvenir, entendre sur ces
bandes Laurent Callec d'en face, Mohammed de juste-en-dessous,
Julien dit "panier-percé", Simon dit
"pète-en-dormant", Laurent de deux
étages plus bas, David du pallier, les copains
de David qui passaient souvent à l'heure de l'apero
du midi du soir ou des deux, Jean dit "le nuage
en pantalon", la fille qu'avait couché mais
impossible de dire quand et comment et avec qui, et
bien sûr Erasehead, Éric et moi-même
plus que de raison.
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