1987 a été
pour moi une année marquée par la découverte
simultanée et, évidemment, confuse d'un
grand nombre de babioles technologiques, d'instruments
de musique et de conditions de travail qui m'arracheront
pendant un moment aux balbutiements bruitistes par lesquels
avait commencé mon brouillon de carrière
musicale ; tout m'épatait : pédales d'effet
chaînées - qui allaient m'accompagner pendant
une quinzaine d'années aussi bien dans mon travail
de poète et de lecteur que dans ma musique - multipiste
à cassettes dont j'imaginais l'usage réservé
aux studios, séquenceur (l'ordinateur allait trop
rapidement entrer dans ma vie pour avoir jamais vraiment
eu le temps d'en tirer parti), synthèse FM, boîtes
à rythmes, instruments à cordes, percussions,
toutes merveilles qui engorgeaient l'appartement de Éric
Nedelec que je partageais alors.
C'est dans un flot ininterrompu
d'alcool western de très mauvaise qualité
qu'est né le projet de mettre en musique, sans
que soit clairement définis le sens ni la forme
possibles de cette mise en musique, l'intégralité
de Ubu. Jarry était depuis longtemps au
cœur de nos conversations, il était inévitable,
la paresse aidant, que ses textes devinssent le support
de nos premiers enregistrement musicaux communs.
Impossible de me souvenir
dans quelles conditions exactement ce bordel a été
couché sur bandes, mais je suis bien sûr
que ni les reprises ni les répétitions
n'ont saturé notre emploi du temps. En général,
un instrument de cuisine bruyant ou un verre de pinard
de plus était le prétexte à une
nouvelle idée, une nouvelle prise de son, une
nouvelle base pour un morceau. Une bassine traînant
dans le couloir allait devenir « la galère »,
un mauvais réglage d'une des pédales ou
une chute d'instruments de musique et « Cornegidouille »
était en train.
Le résultat est foutoirzibule achevé,
souvent fastidieux, presque toujours trop long, mais
surgissent peut-être de ce fatras analphabète
quelques concrétions sonores spontanées
pas complètement nulles. Je n'en sais rien. |