Au début du mois de mai 2009, les visiteurs du Terrier étaient accueillis par cette annonce : «Le Terrier fête ses onze ans au Nova ».  
            je pouvais difficilement être plus comblé : le Nova est, avec les Musées Royaux, les ateliers Mommen et la cinémathèque, un des endroits qui m'attirent si régulièrement à Bruxelles. Je reste émerveillé depuis la découverte, il y a pas mal d'années, de ce grand cinéma expérimental par la constance de leur programmation aussi exigeante qu'exploratrice qui n'a jamais vu faiblir, malgré sa réputation grandissante, la composante underground de son organisation et de son rapport à la création. Le Nova est une réponse paisible et redoutable à la prétention fanfaronne des institutions culturelles à dessiner le paysage de l'activité artistique contemporaine ; ce qu'elles ratent toutes, de plus en plus piteusement, faute d'avoir le regard posé ailleurs que dans le périmètre déjà quadrillé par leurs consoeurs, hé bien une structure et une équipe comme celle du Nova le réussissent brillamment. Et, dans une certaine mesure, j'ai l'orgueil de croire que le Terrier a été invité par le Nova parce que, sur ce point et quelques autres, il lui ressemble.  
               
            J'ai si souvent rêvassé à la possibilité d'y faire un jour quelque chose, que l'invitation reçue à y organiser à la fois une exposition, un concert et tout ce que je voudrais bien y faire pour présenter le travail du Terrier au public belge m'a abasourdi.  
            Le Nova composait son programme de mai autour de toutes les questions relatives à la propriété intellectuelle (voir le texte ci-contre), et la suggestion par DJP et la chouette équipe de 67septante d'y faire figurer le travail artistique et politique entamé depuis 11 ans par le Terrier avait été reçue avec enthousiasme par Philippe Branckaert, un des piliers de l'association. C'est avec lui essentiellement que je conçus pas à pas la soirée et l'exposition dont vous allez suivre le bref compte-rendu des pages suivantes. 
          Il n'était évidemment pas possible d'inviter l'invraisemblable ribambelle des artistes du Terrier là-bas, et il m'a fallu choisir à la fois les oeuvres que nous pouvions récupérer facilement, à la fois par leur taille et par la possiblité de les récolter sur le chemin du voyage. De même, une équipe limitée d'artistes devait pouvoir être embarquée dans deux voitures en assurant tout de même un programme assez riche pour présenter la diversité des pratiques et des idées circulant dans le site. Ces petits problèmes d'intendance m'auront au moins épargné l'impossible tâche d'établir des critères d'excellence ou Dieu sait quelle conneries pour tailler à la hache dans nos rangs.  
            Voici donc en images la virée du Terrier au Nova ; cliquez sur une des images de cette page pour en suivre le déroulement. Vous trouverez au long de cette chronique quelques MP3 des différentes interventions sonores.  
          L.L.d.M.   | 
       
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          Texte de présentation du programme du mois de mai au Nova :              
          À l’heure où nous bouclons ce programme sur les divers et
            très vastes enjeux entourant la “propriété intellectuelle”,
            la sentence du procès intenté en Suède par les industries
            supranationales du disque, du jeu vidéo et du cinéma à
            l’encontre du site “Pirate Bay”, vient de tomber : un an de
            prison ferme et 2,7 millions d’euros d’amende pour 4 membres
            fondateurs du plus célèbre site de partage de fichiers sur
            le net. Ce procès a pour vocation de servir d’exemple. Des
            pirates pendus à l’entrée du port… Mais ils iront en appel,
            confiants dans une future victoire politique ! Cette actualité
            déplaisante nous rappelle brutalement l’emploi abusif
            et dévastateur, ces dernières années, des diverses notions
            juridiques couvertes par le terme de propriété intellectuelle
            : droits d’auteur, marques, brevets, etc. Elle nous
            rappelle également à quel point se font rares, dans les
            grands médias, les points de vue nuancés qui ne se font pas
            la voix des majors et de leur sacro-sainte propriété. 
            Les “copyrights” sont d’abord source de profit illimité
            pour les industries du divertissement, qui réussissent à
            les prolonger encore et toujours. Or, contrairement à ce
            que ces industries de masse et leurs quelques “artistes
            associés” (souvent multimillionnaires) claironnent, ils ne
            sont que très rarement une rentrée financière, fût-elle
            modeste, pour la grande majorité des intermittents du spectacle. 
            Quant au supposé gain pour la diversité culturelle,
            la stimulation de la créativité ou l’enrichissement de nos
            connaissances, du bien-être et de l’innovation, le moins
            que l’on puisse dire est qu’il est très facile de prouver
            l’ineptie de l’argument. Un minimum de bon sens suffit pour
            imaginer les conséquences d’un durcissement des réglementations
            et de restrictions sur les usages du patrimoine
            culturel et traditionnel. 
             Il n’est pas uniquement question d’art, d’autres secteurs
            primordiaux comme l’agriculture ou la santé sont menacés:
            la fabrication de médicaments génériques est limitée, les
            fermiers sont dépendants de semences et de pesticides qui
            leur sont associés,… Et l’extension du concept de propriété
            ne concerne pas que les créations de l’esprit humain, car
            dans une conception de marchandisation globalisée, plus rien
            n’y échappe : des molécules, des couleurs, des plantes, des
            séquences ADN… Tout peut désormais être coiffé d’un petit
            drapeau-brevet, réalisant la fortune de “corsaires” à la
            solde des industries pharmaceutiques ou agro-alimentaires,
            des multinationales de “nécrotechnologie” de type Monsanto,
            etc. Dans tous les cas, on tourne autour du même problème :
            un contrôle grandissant des structures industrielles monopolistiques, 
            motivées avant tout par leur propre profit. 
            Par ailleurs, cette inquiétante évolution s’affirme parallèlement
            et en adéquation avec diverses lois liberticides
            et répressives votées de par le monde, à l’instar de la loi
            Hadopi en France ou de lois sécuritaires qui tentent de tuer
            dans l’oeuf toute contestation… 
            Malgré un état des lieux accablant, convaincu que la propriété
            est d’abord une notion imaginaire ne demandant qu’à
            évoluer ou être dépassée, “Imaginary Property” mettra
            l’accent sur les multiples résistances s’affirmant dans
            différents secteurs de la société, des logiciels libres
            aux créations indépendantes et collectives, en passant 
            par de nouvelles formules juridiques, plus ouvertes et 
            non marchandes. Autant d’alternatives en opposition à la 
            colonisation d’un capitalisme égoïste et mortifère qui ne 
            finit pas de décliner… Embarquez sur le navire Nova, voguez 
            librement et partagez, en hissant pour un mois le pavillon 
            pirate en hommage aux flibustiers de tous horizons sans 
            qui nos libertés, tant imaginaires que concrètes, seraient 
          depuis longtemps cadenassées ! 
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