SUJET: L'ANTISPÉCISME REND SOURD


Il était temps d'archiver correctement les quelques fils qui ont animé la liste de diffusion du Terrier de décembre 2005 à janvier 2006; il suffit de regarder les dates et heures des messages suivants et de savoir que trois fils de conversation aussi denses engorgeaient simultanément nos boîtes aux lettres pour comprendre à la fois la nécessité aujourd'hui de revoir tout ça trié et ordonné (même si certains messages sont parfois rendus obscurs par leurs références aux autres fils contemporains*) et celle, à ce moment-là, d'en finir aussi brutalement avec cette série.
Ces interventions était tellement mal quotées (balisées) et si souvent alourdies par la citation intégrale des tartines déjà échangées qu'il n'est pas rare d'y lire les interlocuteurs se tromper dans l'attribution des propos. J'ai, du mieux possible, tenté de remettre de l'ordre là-dedans pour que les lecteurs puissent réellement tirer un profit de cette avalanche de courrier ; inutile de vous dire qu'en temps réel, ce profit était quasiment nul pour nous tous devant l'étourdissant raz-de-marée de courriels.

*entre autres choses Pluto pour Platon, Mickrate pour Socrate, Dingo pour Descartes etc.



de Ludovic Bablon
17 Jan 2006 17:42:42


[...]

Avec le même type avec qui je me disputais sur Gorgias et Platon, il y a eu une dispute sur un texte de Bataille.
Il a cité (je cherchais des textes philosophiques sur les mouches) :

« Sans doute, la mouche individuelle meurt, mais ces mouches-ci sont les mêmes que l'an dernier. Celles de l'an dernier seraient mortes? Cela se peut, mais rien n'a disparu. Les mouches demeurent, égales à elles-mêmes comme le sont les vagues de la mer.
Un biologiste sépare cette mouche-ci du tourbillon, un trait de pinceau y suffit. Mais il la sépare pour lui, il ne la sépare pas pour les mouches. Pour se séparer des autres, il faudrait à la "mouche" la force monstrueuse de l'entendement : alors elle se nommerait, faisant ce qu'opère généralement l'entendement par le langage, qui fonde seul la séparation des éléments, et la fondant se fonde sur elle, à l'intérieur d'un monde formé d'entités séparées et nommées.
Mais dans ce jeu l'animal humain trouve la mort : il trouve précisément la mort humaine, la seule qui l'effraie, qui glace, mais n'effraie et ne glace que l'homme absorbé dans la conscience de sa disparition future, en tant qu'être séparé, et irremplaçable ; la seule véritable mort, qui suppose la séparation et, par le discours qui sépare, la conscience d'être séparé. »


(Bataille).

Je n'ai d'abord que peu réagi. Mais ensuite, en lisant et relisant cette citation (pas d'info sur d'où elle sort, donc "pincettes"), elle m'a intensément répugné.
C'est un peu la même chose de dire que le temps tourne en rond et que les mouches sont toujours les mêmes.
Le dénombrement, ce n'est pas un jeu sans conséquence. Le temps, ce n'est pas un cercle. Ce qui fait que les mouches ne sont jamais les mêmes c'est justement un temps pas du tout circulaire, pas du tout courbé à l'esthétisation géométrisante de l'esprit. Les mouches sont sans cesse différentes dans le cadre d'un temps toujours cumulatif et toujours différent ; nous n'avons même pas de mot correct pour dire ce mélange entre reproduction à l'identique et variabilité - nous devons dire soit l'un soit l'autre, soit faire un mic-mac vague pour nous expliquer. De même que les "constantes" universelles ne sont que des variables (de sorte qu'on ne puisse pas les essentialiser platoniciennement en Lois), de même l'être ne contient jamais deux fois les mêmes choses et ses "conditions d'être" (comment dire? je veux sans doute désigner ce que Kant appelait les machins a priori) elles-mêmes sont changeantes.
Tout cela ne peut qu'effrayer notre minusculissime esprit qui voudrait des cercles permanents de toute éternité, nier l'impensable, ne reconnaître que ce qui lui correspond et en faire "le" monde. Mais cela déborde de partout.
Finalement, 2+2, si on veut perturber cette opération, ce n'est pas par un jeu de mots sophistique qu'on y arrivera. Cela se détruit très bien si on considère seulement que les carottes ne s'additionnant jamais strictement avec les navets (ou sous la super-catégorie artificielle de légumes), 2 mouches+2 mouches sont également un calcul, en dernière analyse, impossible car dénué de sens (Alain+Séverine = combien? Platon+Mickey=combien?).


de: Thierry Bouche
17 Jan 2006 18:31:11


> Mais dans ce jeu l'animal humain trouve la mort : il trouve précisément la mort humaine, la seule qui l'effraie, qui glace, mais n'effraie et ne glace que l'homme absorbé dans la conscience de sa disparition future, en tant qu'être séparé, et irremplaçable ; la seule véritable mort, qui suppose la séparation et, par le discours qui sépare, la conscience d'être séparé. »

très joli texte, qui dit très bien toujours la même chose : l'entendement, c'est séparer, considérer des équivalences, et les mettre en relation. Idiotie de la réalité et tout le toutim...

> Je n'ai d'abord que peu réagi. Mais ensuite, en lisant et relisant cette citation (pas d'info sur d'où elle sort, donc "pincettes"), elle m'a intensément répugné.

à la façon dont ça peut être répugnant de s'observer dans un miroir?

> nous n'avons même pas de mot correct pour dire ce mélange entre reproduction à l'identique et variabilité

le mot « population » recouvre assez bien cette réalité.


Thierry


de Ludovic Bablon
Date: Tue, 17 Jan 2006 18:57:41 +0100

>à la façon dont ça peut être répugnant de s'observer dans un miroir '

pour l'essentialisme implicite, pour la négation aberrante et terriblement anthropocentriste des autres formes de vie et de leur complexité. Mille espèces de mouches, mille façon de vivre sa vie de mouche dans mille envirronnements, mille mouches différentes issues de seulement deux, tout cela ramené à l'idée de mouches toutes pareilles, et quasiment d'UNE mouche intangible, permanente, déterminée pourquoi pas, tant qu'on y est, par un et un seul concept générique de mouche d'où toutes elles découleraient sans transformation, et tout cela alors que la mouche est une espèce très variable sur laquelle on a testé les théories du génôme, une espèce à la durée de vie très courte, donc à l'adaptation potentiellement très rapide, c'est tout ce déni borné qui est débectant dans la bouche d'un gars instruit.


> le mot « population » recouvre assez bien cette réalité.

Ah, en effet, ça me parle... Tu peux préciser? Si j'étais amené à l'utiliser, ça implique quoi? Quel est le contexte d'origine? Quelles en sont les extensions possibles? Puis-je l'appliquer à de l' "inerte" en parlant de telle "population" de molécules, ou d'algorithmes?
Lu un bouquin d'intelligence articifielle qui étudiait la résolution automatique de problèmes : une situation, un problème (sortir d'un labyrinthe), une "population" de méthodes/algorithmes (un individu avec l'axiome : tourner à droite ; un autre avec tourner à droite, et si impossible : tourner à gauche ; etc). Impulsés par la recherche humaine, la "population" trouvait des solutions de plus en plus "habiles" (ie adéquates au problème donné).
J'attends si possible une réponse du genre "on utilise le concept de population dans telle et telle discipline avec telle extension sémantique et telles règles d'usage".


de Julien Pauthe
17 Jan 2006 23:45:30

> très joli texte, qui dit très bien toujours la même chose : l'entendement, c'est séparer, considérer des équivalences, et les mettre en relation. Idiotie de la réalité et tout le toutim...

Je suis en plein accord, et renchéris : très belle prose ; comme souvent chez Bataille au plus proche du vertige qu'il y a de vouloir penser le sujet et dans le même mouvement de se sentir s'éloigner de pouvoir le saisir vivant. Très proche de « L'être indifférencié n'est rien. »


de Ludovic Bablon
18 Jan 2006 00:06:48

>Je suis en plein accord, et renchéris : très belle prose ; comme souvent chez Bataille au plus proche du vertige qu'il y a de vouloir penser le sujet et dans le même mouvement de se sentir s'éloigner de pouvoir le saisir vivant. Très proche de « L'être indifférencié n'est rien. »

* Tu penses que "Les mouches demeurent, égales à elles-mêmes comme le sont les vagues de la mer." ? Tu penses qu'une mouche en vaut une autre et qu'elles sont équivalentes ?Tu penses aussi que "Pour se séparer des autres, il faudrait à la "mouche" la force monstrueuse de l'entendement" ?
Je le redis, tout me répugne dans ce texte. Ce qui est dit et tout ce qui est présupposé. L'essentialisme, l'anthropocentrisme et le spécisme. Bataille donne dans tout ! Je ne l'aimais déjà pas (pff, comme c'est bêta l'histoire de l'oeil) mais maintenant je le hais.
Si la troisième assertion que je cite alors tout être non-humain est supposé incapable de comprendre quoi que ce soit à ce qui l'entoure. Le chat n'est pas séparé du monde parce qu'il ne maîtrise pas bien Descartes et Kant.
C'est révoltant, il faut vraiment être un humain pour dire des choses aussi bêtement violentes contre les autres animaux.



de Ludovic Bablon
18 Jan 2006 00:12:06

PS : je connais mal Bataille et ses positions philosophiques quelqu'un pourrait m'éclairer?
Peut-être je me trompe complètement sur le contexte, dans ses oeuvres, de son texte sur les mouches ?Est-ce vraiment un copain de Platon ?
(Pas de renvois vers des bouquins, pas le temps)


de Julien Pauthe
18 Jan 2006 11:22:50

> Tu penses aussi que "Pour se séparer des autres, il faudrait à la "mouche" la force monstrueuse de l'entendement" ?

Très proche aussi, et très beau :

« J'entrouvre des livres. Mais je vois aussi un fleuve. Je surprends un insecte qui volette dans la chambre. Alors je cesse de lire pendant quelques minutes tout à coup. Je regarde l'insecte. Je regarde l'ombre de l'insecte. Je regarde le ciel. J'écoute des millénaires qui s'accumulent. La nature ne s'adresse pas aux hommes à travers les langues. Le son du monde n'est pas le maigre son d'une langue. (La nature ne s'adresse pas. Le soleil luit. Il ne luit pas pour éclairer. Il ne luit pas pour éclairer le monde.) »

Pascal Quignard, Petits traités


de de Julien Pauthe
18 Jan 2006 11:24:22

> PS : je connais mal Bataille et ses positions philosophiques quelqu'un pourrait m'éclairer ' Est-ce vraiment un copain de Platon '

Pas vraiment :

« Se demander devant un autre : par quelle voie apaise-t-il en lui le désir d'être tout ? Sacrifice, conformisme, tricherie, poésie, morale, snobisme, héroïsme, religion, révolte, vanité, argent ? ou plusieurs voies ensemble ? ou toutes ensemble ? Un clin d''il où brille une malice, un sourire mélancolique, une grimace de fatigue décèlent la souffrance dissimulée que nous donne l'étonnement de n'être pas tout, d'avoir même de courtes limites. Une souffrance si peu avouable mène à l'hypocrisie intérieure, à des exigences lointaines, solennelles (telle la morale de Kant). »
Georges Bataille, L'Expérience intérieure

« La clé de l'intégrité de l'homme : NE PLUS SE VOULOIR TOUT, c'est la haine du salut. »
Georges Bataille, L'Expérience intérieure

> (Pas de renvois vers des bouquins, pas le temps)

Farceur, va.


de L.L. de Mars
18 Jan 2006 11:27:35


> Peut-être je me trompe complètement sur le contexte, dans ses oeuvres, de son texte sur les mouches ' Est-ce vraiment un copain de Platon ' (Pas de renvois vers des bouquins, pas le temps)

Bonjour tout le monde, je m'appelle Ludovic et j'aimerais bien savoir des trucs sur Varese, mais j'ai pas le temps d'écouter de la musique; quelqu'un peut m'éclairer ?


de Julien Pauthe
18 Jan 2006 11:36:14

> Bonjour tout le monde, je m'appelle Ludovic et j'aimerais bien savoir des trucs sur Varese, mais j'ai pas le temps d'écouter de la musique; quelqu'un peut m'éclairer'

Oui : il n'a jamais couché avec Chostakovitch. Mais il aurait pu.


de L.L. de Mars
18 Jan 2006 11:39:34

>Oui : il n'a jamais couché avec Chostakovitch. Mais il aurait pu.

On le dit. Il avait aussi une belle voix au téléphone*

*document INA-GRM, acousmathèque, 1959


de L.L. de Mars
18 Jan 2006 11:38:14

>pour la négation aberrante et terriblement anthropocentriste des autres formes de vie et de leurcomplexité.

leur complexité ne signifie pas leur humanité. Comme je doute que ce soit ce que tu veux dire, c'est à l'animalité imaginaire de l'homme que tu veux nous conduire ? Vaste programme.

> Mille espèces de mouches, mille façon de vivre sa vie de mouche dans mille envirronnements, mille mouches différentes issues de seulement deux, tout cela ramené à l'idée de mouches toutes pareilles

dans leur espèce, oui. Un peu d'entomologie — puisque tu parles de mouches on va s'en tenir à elles — te ferait pas de mal. Il n'y a a pas de sujet animal. Ça n'établit aucune hiérarchie particulière, si c'est ce que tu supposes (on peut être radicalement différent sans opprimer; d'autres oppriment leurs semblables), mais un écart irratrapable. Un homme n'est pas un animal. Il n'y a aucune forme de nature humaine, sauf dans la mauvaise littérature et les magazines de sport. Le terme d'espèce humaine est abusif (un homme est une espèce. Nous devons chaque jour nous inventer de la communauté, de l'identité collective, mais rien n'est plus fragile que ces constructions). Va faire un saut chez Deleuze pour saisir «l'animal comme monde». Chez Lyotard pour l'apprentissage («L'inhumain»): nait-on homme comme on nait ammophile ou sphex?

> à la durée de vie très courte, donc à l'adaptation potentiellement très rapide, c'est tout ce déni borné qui est débectant dans la bouche d'un gars instruit.

Qu'est-ce qu'on peut lire comme conneries sur la liste...

L.L.d.M.


de Julien Pauthe
18 Jan 2006 11:51:18

> Tu penses aussi que "Pour se séparer des autres, il faudrait à la "mouche" la force monstrueuse de l'entendement" '

Je pense que les mouches sont là :

« Bataille's fly ' which André Breton quickly came to loathe ' was not meant to deceive the eye of aesthetes, but to seize, penetrate or devour the gaze of us old, anxious children. Bataille's fly was there to stick to us: appearing, too close, almost making our flesh prey to the image. In the last issue of Documents, the author of Histoire de l'oeil had his text accompanied by grossly enlarged fly feet, so that on the pages of the journal they looked as big as our own fingers resting on the paper. And the masses of skeletons stuck together in Santa Maria della Concezione, in Rome, find echo in Boiffard's celebrated photographs of fly-paper: bodies crushed in their own trap'the tactile space which captures, fixes and disfigures them'tangled cadavers sticking together, sticking to our gaze (fig.1).»

C'est-à-dire ici :

http://www.usc.edu/dept/comp-lit/tympanum/3/contactimages.html

(Contact Images - Georges Didi-Huberman)


de Thierry Bouche
Date: Wed, 18 Jan 2006 12:34:57

> pour l'essentialisme implicite, pour la négation aberrante et terriblement anthropocentriste des autres formes de vie et de leur complexité.

ce texte ne parle pas des mouches, il parle de la l'entendement humain et de sa conséquence terrible sur la conscience de soi, donc de la mort.
Le coeur du texte est la très jolie formule : « le langage, qui fonde seul la séparation des éléments, et la fondant se fonde sur elle », c'est assez fatalement anthropocentriste dans la mesure où ça ne parle que de nous les hommes !
Sans le couple infernal entendement-langage, la pensée serait impossible. Sans la séparation et l'équivalence, il faudrait pour parler donner un nom à tout ce qu'on perçoit : il n'y aurait que des noms propres, en nombre infini.

>> le mot « population » recouvre assez bien cette réalité.
> Ah, en effet, ça me parle...

je constate que ça te fait parler.

> Tu peux préciser

un bon dictionnaire le fera très bien à ma place. Je suis certain que ça ne te dérangerait pas de prononcer une phrase sur « la population française », même si un type est mort et quinze sont nés pendant le temps que tu prononçais cette phrase.

> Si j'étais amené à l'utiliser, ça implique quoi'

une connaissance du français niveau CM1 (bon, je ne sais pas si c'est la version 1926 ou 2004). Vu les enfantillages auxquels tu te livres depuis ton arrivée sur cette liste, je ne sais pas si tu assumeras.


Thierry



de Philippe De Jonckheere
18 Jan 2006 12:41:15

>> Oui : il n'a jamais couché avec Chostakovitch. Mais il aurait pu.
> On le dit. Il avait aussi une belle voix au téléphone.

Un jour aussi, il a reçu une lettre de Frank Zappa, à laquelle il a répondu mais je ne crois pas qu'il aurait pu coucher avec Frank Zappa.

Phil


de François Coquet
18 Jan 2006 13:36:46


> Un jour aussi, il a reéu une lettre de Frank Zappa, é laquelle il a répondu mais je ne crois pas qu'il aurait pu coucher avec Frank Zappa.

Pourtant, selon les experts, Zappa fait implicitement allusion à cette possibilité dans "We're only in it for the money". Et tant qu'à lire du Bataille, autant commencer par son mémoire de maîtrise intitulé "Suzy Creamcheese, une métaphore d'Edgar Varèse '". Laurent sait sûrement qui édite ça.

F.


de L.L. de Mars
18 Jan 2006 14:15:14

> intitulé "Suzy Creamcheese, une métaphore d'Edgar Varèse '". Laurent sait sûrement qui édite ça.

C'est aux éditions «Passe-moi le beurre y'a plus de crème», dans la collection «Bémol, A dur, un partout» (Où on trouve également le formidable «Rabbinat et cheeseburger», thèse sur les rapports conflictuels entre kashrout et modernité).
On y apprend notamment que cette hypothèse selon laquelle un essaim de mouches posé sur le front de François d'Assise serait à l'origine de l'écriture neumatique est un canular lancé par Zappa pour éprouver la crédulité de Varèse. Tout le monde sait que le neume est la transcription littérale de la tache de vieillesse (autrefois, on avait pris l'habitude de chanter le visage du doyen de la monie).

L.L.d.M.
spicy spéciste


de Raphaël Edelman
18 Jan 2006 14:29:23

> Je n'ai d'abord que peu réagi. Mais ensuite, en lisant et relisant cette citation (pas d'info sur d'où elle sort, donc "pincettes"), elle m'a intensément répugné.

Moi je ne la trouve pas répugnante puisque son enjeu est l'expérience de la mort et non la constitution du réel. Je crois moi aussi que le réel est fait de singularités que l'abstraction appauvrit. Et je ne pense pas que Bataille pense autrement. Par contre, l'expérience de la mort est celle de la rupture, de l'inadéquation au genre. En quelque sorte, l'expérience de soi est une expérience de la mort, une angoisse. Les mouches singulières disparaissent donc individuellement mais il y a, si l'on peut dire, de la mouche en permanence. Mais ce n'est pas le cas pour l'homme qui n'est pas caractérisable par son essence mais par son existence singulière.

raf



de L.L. de Mars
18 Jan 2006 14:25:23


> Mais ce n'est pas le cas pour l'homme qui n'est pas caractérisable par son essence mais par son existence singulière.

«L'homme» est une convention de travail. Un homme n'y est pas soluble.



de Raphaël Edelman
18 Jan 2006 14:47:10

>très joli texte, qui dit très bien toujours la même chose : l'entendement, c'est séparer, considérer des équivalences, et les mettre en relation. Idiotie de la réalité et tout le toutim...


Je n'avais pas bien perçu dans mon dernier message cette place de l'entendement. Il prend là une dimension existentielle en donnant conscience de la mort. C'est un rôle peu commun qui lui est attribué, comparé à l'approche rationaliste.
Cela signifie-t-il que l'entendement découpe une réalité une ? D'autres discussions ici on montré que le monde contient des parties.
L'infinité, la continuité ou l'unité, qui sont synonymes, dépendent du point de vue particulier de la raison, qui est distinct de la singularité des données sensorielles ou des sections en parties discrètes de l'entendement. Cette façon de redistribuer les versions du monde selon les facultés du sujet offre l'avantage de montrer que le monde peut être à la fois un, à la fois discret et à la fois atomisé.

raf


de François Coquet
18 Jan 2006 14:45:47

> l'on peut dire, de la mouche en permanence. Mais ce n'est pas le cas pour l'homme qui n'est pas caractérisable par son essence mais par son existence singuliére

Beau sujet de dissertation, hein '

Ca me semble tout de méme un peu plus complexe que ça. D'une part, il y a tout un tas de cultures humaines - asiatiques, notamm ent- où l'existence singuliére est profondément subordonnée à l'existence et l'évolution du groupe. Méme dans les civilisations où l'individu existe en tant qu'existence singulière, j'aime beaucoup l'aphorisme selon lequel les cimetières sont remplis de gens irremplaçables. Il est é la fois évidemment vrai, et évidemment faux, et pose assez correctement la limite de ta pétition de principe.

François (et je ne vous parle pas de l'existence singuliére de mes chats)



de Raphaël Edelman
18 Jan 2006 14:58:48

> etc). Impulsés par la recherche humaine, la "population" trouvait des solutions de plus en plus "habiles" (ie adéquates au problème donné). J'attends si possible une réponse du genre "on utilise le concept de population dans telle et telle discipline avec telle extension sémantique et telles règles d'usage".

Lire le Cours du 17 mars 1976 au Collège de France de Michel Foucault publié dans "Il faut défendre la société", Seuil, 97, p214


de L.L. de Mars
18 Jan 2006 14:58:10

> existe en tant qu'existence singulière, j'aime beaucoup l'aphorisme selon lequel les cimetières sont remplis de gens irremplaçables.

très mauvais; il superpose les notions de singularité et celle de performance (devant la durée et devant la computabilité de ses effets sur la société), aucun intérêt pour la pensée (comme tout aphorisme, dirais-je, si je taquinais, mais je suis pas d'humeur).


de L.L. de Mars
18 Jan 2006 15:17:55

La nature ne s'adresse pas aux hommes à travers les langues. Le son du monde n'est pas le maigre son d'une langue. (La nature ne s'adresse pas. Le soleil luit. Il ne luit pas pour éclairer. Il ne luit pas pour éclairer le monde.) »

Oui; j'aimerais bien remettre la main sur le texte du bon pépère généticien Jacquard où il dit «le chien ignore le soleil», qui bien plus qu'une masse en fusion, est un concept. Quelqu'un sait où ?


de Raphaël Edelman
18 Jan 2006 15:29:43

>Je le redis, tout me répugne dans ce texte. Ce qui est dit et tout ce qui est présupposé. L'essentialisme, l'anthropocentrisme et le spécisme. Bataille donne dans tout ! Je ne l'aimais déjà pas (pff, comme c'est bêta l'histoire de l'oeil) mais maintenant je le hais.

Il me semble que tu lis Bataille sans ôter des préjugés qui te viennent d'on ne sait où. Voilà un exemple typique d'interprétation déconnectée de l'explication. Car Bataille est loin de tous ces -ismes. Replace la citation dans son contexte, et le tout dans celui de l'oeuvre de Bataille et de ce qu'il est, et les choses iront mieux.

raf


de Raphaël Edelman
18 Jan 2006 15:34:37

>PS : je connais mal Bataille et ses positions philosophiques quelqu'un pourrait m'éclairer ' Peut-être je me trompe complètement sur le contexte, dans ses oeuvres, de son texte sur les mouches ' Est-ce vraiment un copain de Platon ' (Pas de renvois vers des bouquins, pas le temps)

Pas vraiment un pote à Pluto mais plutôt aux Rapetous (Nietzsche, Sade,...). Julien sera certainement le plus compétent pour parler de la filiation intellectuelle de Bataille. Mais avant tout, Bataille c'est du bouquin. Pas de renvoi au bouquin, pas de temps pris, pas de Bataille.

raf


de François Coquet
18 Jan 2006 15:49:31

> trés mauvais; il superpose les notions de singularité et celle de performance (devant la durée et devant la computabilité de ses effets sur la société)

Tu n'es pas obligé de le lire comme ça. Mais je suppose que si on approfondit, on va tomber sur des questions religieuses, et comme tu n'es pas d'humeur...

F.


de Ludovic Bablon
18 Jan 2006 16:27:43

Je suis évidemment d'accord qu'il faut remettre la citation dans son contexte, c'est bien ce que je demandais : j'avais précisé que j'avais eu cette citation sans mention d'origine.

Ne pas lire les bouquins : de facto, on ne peut pas toujours le faire. De plus, en lire un n'est jamais suffisant ; consciencieux, il faudrait en lire 5 ; de sorte qu'en termes de temps et dans certaines circonstances ça devient rédhibitoire ; ce pourquoi je voulais un abrégé, une synthèse, un connaisseur pour m'en parler.

Maintenant quels que soient le contexte et les références non-platoniciennes de Bataille les phrases semblent aller dans un certain sens incroyablement idiot à l'égard de cette partie des bestioles.

Personne n'a répondu à «Les mouches demeurent, égales à elles-mêmes comme le sont les vagues de la mer» en lien avec les mouches justement comme support des recherches génétiques sur l'évolution ; l'évolution, c'est quand les descendants ne sont jamais pareilles aux parents, non ? On m'apprend agréablement que cette citation ne porte pas sur les mouches mais sur le langage, la mort etc : euh, je crois que j'avais vu, et je lis quand même des assertions concernant les mouches.

Par ailleurs les références philosophiques pour parler de l'animal, en soi c'est de la rigolade, c'est ça être un rigolo. Nietzsche n'est pas vraiment un bon inspirateur pour réfléchir à l'animal !! Et Deleuze peut s'amener, il a étudié quelle espèce en particulier ? L'interaction sexuelle des koalas ou les communications tactiles chez les chevaux ? C'est ça être un rigolo, parler d'un sujet de très haut, et le mépriser en n'ayant aucun rapport d'étude directe avec lui. Je fais mille fois plus confiance à tout ce que j'ai lu en éthologie et en philosophie-qui-y-réfléchit-directement, qu'aux élucubrations philosophiques découplées de toute étude concrète.

J'ajoute à mon dossier sur le spécisme (version linguocentriste) cette déclaration de LLDM : « Il n'y a a pas de sujet animal.» Là aussi, tout le monde est d'accord' En fait les listiers sont à peu près les seuls animaux à penser parce qu'ils parlent et qu'ils parlent juste (grâce à mon piaillement de dindon, Je Suis Un Sujet) ?
Si je peux citer un livre (j'ai le temps d'en lire à l'occcasion), citons Dominique Lestel, Les origines animales de la culture, très stimulant, et moins partial que tel ou tel philosophe spéciste sans le savoir.

Pour finir : j'apprends (well, par mes propres moyens d'appel à la synthèse...) que Bataille a eu des «révélations», savoir qu'il aurait eu une première phase très pieuse chrétienne, puis une perte de foi suite à Nietzsche et autres expériences. Je me demande de quand est notre texte, et si Bataille a eu souvent des relents de crédulisme. Il faut en effet avoir un fond religieux bien ancré pour calomnier ainsi un animal qui, de même que certains le nient et l'essentialise, quant à lui nous ignore en tant que «sujets». C'est très amusant, un sujet humain : c'est convaincu qu'il n'existe pas d'autres sujets à part lui (Descartes croyait même que les chevaux étaient des sortes de Macintosh qui mangeaient de l'orge!), ça l'affirme sentencieusement, mais si à la base ça n'était pas si techniquement malin et donc si protégé derrière des no-beast-land, ça serait bien vite bouffé par tous les centre du monde animaux, des mouches aux fauves en passant même par les chats les bactéries et les oiseaux.

J'aimerais qu'une mouche prenne enfin la parole et calomnie l'ensemble des primates, on rirait bien.



de L.L. de Mars
18 Jan 2006 17:00:00

>certains le nient et l'essentialise, quant à lui nous ignore en tant que "sujets". C'est très amusant, un sujet humain : c'est convaincu qu'il n'existe pas d'autres sujets à part lui (Descartes croyait même que les chevaux étaient des sortes de Macintosh qui mangeaient de l'orge!),

Ludovic,

tu es bien gentil, mais parfaitement incompétent pour juger du degré de connaissance de tes interlocuteurs, principalement dans les domaines que tu maitrises le moins bien, la linguistique, la philosophie et, au passage, la zoologie.
Lorsque un sphex, un seul sphex, le premier de toute l'histoire des sphex, changera de l'orthoptère pour la chenille, comme son parent l'ammophile, nous irons interviewer ce sujet Sphex; et même un sphex languedocien écartant l'éphippigère pour un autre orthoptère, ce serait déjà un miracle.
Et s'il se trompait? Même ça, il ne le peut pas. Le dard du Cerceris, invariablement, se plantera dans les mêmes zones à paralyser du bupreste qu'il ne peut que paralyser. Il ne peut pas se mettre à l'aimer.
À considérer dans un sens très large que oui, les insectes sociaux disposent d'un langage, nous trouverions chez eux un sujet le jour où celui-ci - le langage - ne serait plus strictement superposé à la notion de langue, c'est à dire le jour où seraient disjointes chez l'animal les conditions sociales d'apparition du sens et l'inscription dans ce sens. Mais ça ne peut pas arriver, parce qu'il n'y a pas de sujet abeille. Celle que tu observes aujourd'hui est immémorialement dans le temps et l'espace de toutes celles qui l'ont précédée.
Le jour où en me reniflant le cul tu me comprendras, nous communiquerons. Mais les hommes, ça ne communique pas. Les bêtes, elles, communiquent.

> «ça serait bien vite bouffé par tous les centre du monde animaux, des mouches aux fauves en passant même par les chats les bactéries et les oiseaux.»

Cette destruction vengeresse distribue de l'humanité aux bêtes? De l'animalité aux hommes?

Bon: j'ai la possibilité d'opprimer l'animal. Ou pas.
Relis ça un bon millier de fois, avec un peu de chance, tu comprendras peut-être le sens axial de ce «ou pas».

Bon courage.
L.L.d.M.


de Julien Pauthe
18 Jan 2006 17:13:53

> de sorte qu'en termes de temps et dans certaines circonstances ça devient rédhibitoire ; ce pourquoi je voulais un abrégé, une synthèse, un connaisseur pour m'en parler.

Je n'aime ni les abrégés, ni les synthèses, ni les connaisseurs. Mais comme j'aime et j'abuse des citations...


« Je pose en principe un fait peu contestable : que l'homme est l'animal qui n'accepte pas simplement le donné naturel, qui le nie. Il change ainsi le monde extérieur naturel, il en tire des outils et des objets fabriqués qui composent un monde nouveau, le monde humain. L'homme parallèlement se nie lui-même, il s'éduque, il refuse par exemple de donner à la satisfaction de ses besoins animaux ce cours libre, auquel l'animal n'apporte pas de réserve. Il est nécessaire encore d'accorder que les deux négations que, d'une part, l'homme fait du monde donné et, d'autre part, de sa propre animalité, sont liées. Il ne nous appartient pas de donner une priorité à l'une ou à l'autre, de chercher si l'éducation (qui apparaît sous la forme des interdits religieux) est la conséquence du travail, ou le travail la conséquence d'une mutation morale. Mais en tant qu'il y a homme, il y a d'une part travail et de l'autre négation par interdits de l'animalité de l'homme. »
Georges Bataille, L'érotisme

« Essentiellement, l'être humain a la charge ici de dépenser dans la gloire ce qu'accumule la terre, que le soleil prodigue. Essentiellement, c'est un rieur, un danseur, un donneur de fêtes. »
Georges Bataille, La part maudite

« Les images des cavernes auraient eu pour fin de figurer le moment où, l'animal apparaissant, le meurtre nécessaire, en même temps que condamnable, révélait l'ambiguïté religieuse de la vie : de la vie que l'homme angoissé refuse, que cependant il accomplit dans le dépassement merveilleux de son refus. Cette hypothèse repose sur le fait que l'expiation consécutive au meurtre de l'animal est de règle chez les peuples dont la vie ressemble sans doute à celle des peintres des cavernes. »
Georges Bataille, L'érotisme

« L'acte sexuel est dans le temps ce que le tigre est dans l'espace. »
Georges Bataille, La part maudite

« Qui ne « meurt » pas de n'être qu'un homme ne sera jamais qu'un homme. »
Georges Bataille, La Somme athéologique


de L.L. de Mars
18 Jan 2006 17:35:16

> de sorte qu'en termes de temps et dans certaines circonstances ça devient rédhibitoire ; ce pourquoi je voulais un abrégé, une synthèse, un connaisseur pour m'en parler.

Synthèse devant la bête:

tes déclarations ne voient le jour que sur la base d'une réparation à faire devant la souffrance animale; cette réparation ne sera pas faite par la confusion, mais au contraire grâce à la distance qui, seule, fait de l'homme un éventuel gardien de toute vie pour laquelle il peut penser un impératif général de préservation. On en revient à Bataille: la discontinuité des corps entre eux, c'est la chose qui fonde l'entendement (on en revient aussi au corps psychotique qui se poursuit au-delà de l'organisme, dans une continuité qui est une source de souffrance et fatalement d'effondrement du sujet que rien ne «rassemble»)

D'autre part, ce n'est pas le langage, ou le sujet, ou ceci cela, qui fonde l'écart (rêve de découpage antispéciste par lequel en atomisant les traits humains on finira bien par en retrouver l'écho, allez!, dispersé dans toutes les espèces possibles) mais bien le langage + le singulier + l'institutionnel (hé oui) + le deuxième degré de la connaissance (relations. Cf. Spinoza) etc., c'est-à dire un faisceau de traits dont l'articulation dessine le portrait humain.
La continuité rend justice à l'animal comme le musée rend justice au masque nègre en le piégeant dans le mot art avec la même stupide bonne conscience confuse.


L.L.d.M.


de Ludovic Bablon
18 Jan 2006 20:45:16

> Je n'aime ni les abrégés, ni les synthèses, ni les connaisseurs. Mais comme j'aime et j'abuse des citations...

blablabla, j'adore ces phrases par-ci par-là des gens du Terrier qui font comme si leurs connaissances venaient toujours d'une étude complètement hardcore extensive et hyper pro de leur sujet ! Eh oui, personne ici ne prononce une seule phrase sur Aristote sans avoir passé 6 ans à le lire en version grecque intégrale, c'est évident. Moi je suis franchement pour les vulgarisations (je disqualifie d'avance les jeux de mots élitistes à quoi ce terme pourrait donner lieu) et je me fous de toutes les autorités d'origine, comme dit Lyotard : les pensées sont des nuages, et les nuages n'appartiennent à personne, donc chacun peut en prendre la quantité qu'il veut.

Sinon MERCI beaucoup pour ces citations qui sont très éclairantes (ça répond assez bien à ma demande, c'est une forme de synthèse). Celles-là me répugnent beaucoup moins, disons qu'elles ne calomnient aucune espère particulière, par contre l'une d'elles assigne à l'homme et à l'homme seul des missions dont on se demande bien d'où elles viennent. Dans la tournure impersonnelle

> « Essentiellement, l'être humain a la charge ici de dépenser dans la gloire ce qu'accumule la terre »,

qui est le donneur d'ordre ?"Essentiellement" en plus :-) Tournure qui rappelle les Il est interdit de, où l'interdicteur se cache derrière l'impersonnalité pour performer son prochain - mais en fait, il n'y a pas de missions (données par la Non-Personne divine ou un truc dans le genre')

> « Je pose en principe un fait peu contestable : que l'homme est l'animal qui n'accepte pas simplement le donné naturel, qui le nie. Il change ainsi le monde extérieur naturel, il en tire des outils et des objets fabriqués qui composent un monde nouveau, le monde humain. L'homme parallèlement se nie lui-même, il s'éduque, il refuse par exemple de donner à la satisfaction de ses besoins animaux ce cours libre, auquel l'animal n'apporte pas de réserve.

assez d'accord, quoique : question du libre-arbitre des animaux on va dire "supérieurs" (difficile à caractériser) : le moment où tel mouton baisse la tête pour continuer à brouter de l'herbe, est-il intégralement conditionné par ses déterminants ? Pas évident de dire que oui. Ethologie du chant des oiseaux qui, contrairement aux idées reçues de milliers d'années d'inattention de l'homme aux espèces environnantes, montre que les chants diffèrent d'individu en individu ; laissant concevoir une liberté au sein d'une activité déterminée par le phénotype, l'apprentissage et l'environnement.
Mouches : pour qui les étudierait sérieusement et accepterait l'empathie avec elles, non pas vraiment l'empathie mais un effort en ce sens, trouverait-on des styles de comportements divers et variés ? Que sait-on si certaines mouches sont speed et d'autres lentes voire apathiques ? Que sait-on des états de leurs nerfs suivant les états de leurs autres organes, ceux qui commandent la faim et l'activité nutritive par exemple' Qu'est réellement, au quotidien, la vie d'une mouche ? Comment vivent-elles le jour et la nuit, les variations de chaleur, transpirent-elles ? Nous avons des nerfs, comme tant d'autres animaux : elles aussi. Nous avons des perceptions : elles aussi. Nous avons des représentations mentales, sur lesquelles nous pensons : pourquoi pas elles, sous une autre forme que notre pensée consciente' Ne pourrait-on pas dire que malgré la forte différence qu'est la possession d'un langage articulé, d'une vie dans les signes intentionnels, rien de ce qui est animal ne peut nous être étranger '
Ce qui m'agace dans Bataille c'est que ses assertions sur les mouches nient de fait toute empathie : il n'y a rien à comprendre, puisqu'elles sont toutes les mêmes et ne pensent pas.
Et pour aller encore un peu plus loin : je pense qu'en partant d'une empathie avec divers autres vivants, nous pouvons accéder à une certaine représentation désanthropomorphisée de l'univers : la vie sur terre, et la vie humaine au sein de cette prolifération de vies, nous apparaissent alors comme une chance formidable d'être autre chose que de la matière sans finalité. Le privilège de l'espèce humaine entre toutes les autres, c'est d'avoir la possibilité de savoir qu'on est une partie d'un tout terriblement fertile. Nous pouvons entre autres faire preuve d'empathie envers tout ce qui en est à notre égard incapable ! Et cela, c'est très beau !

> Il est nécessaire encore d'accorder que les deux négations que, d'une part, l'homme fait du monde donné et, d'autre part, de sa propre animalité, sont liées. Il ne nous appartient pas de donner une priorité à l'une ou à l'autre, de chercher si l'éducation (qui apparaît sous la forme des interdits religieux) est la conséquence du travail, ou le travail la conséquence d'une mutation morale. Mais en tant qu'il y a homme, il y a d'une part travail et de l'autre négation par interdits de l'animalité de l'homme. »

très juste ! (= ça me semble...)
Mais ce n'est peut-être pas une fatalité.

> « L'acte sexuel est dans le temps ce que le tigre est dans l'espace. »

plutôt obscur.

> « Qui ne « meurt » pas de n'être qu'un homme ne sera jamais qu'un homme. »

mettons.

Sinon, Laurent :
admettons qu'il n'y ait pas de sujet autre qu'humain, dans ce cas comment nommes-tu les divers animaux ? Peux-tu me dire quel est d'après toi le statut de :
- un cheval sauvage
- une fourmi ouvrière
- un cormoran de Bretagne
- un rat en forêt
- un varan de komodo
- un chat domestique
- une bactérie
- un virus
Cette question est dénuée de perfidie et n'est pas une boutade : je sais que comme tu l'as dit, en zoologie, linguistique etc, tu es plus savant que moi. Il faut dire aussi que tu es croyant et pas moi (tendance matérialiste), et que concernant le rapport à l'animal, ça fait une "sacrée" différence. Donc je voudrais vraiment savoir, pour chaque catégorie d'animal, quelle place tu lui accordes, quel statut tu lui reconnais.
Je veux vraiment m'informer sur cette question du statut de l'animal, des animaux, parce que ce sera un thème dans Kinski ; je ne voudrais pas gâcher le texte en m'égarant dans des idées folles, c'est aussi pour ça que j'ai soumis la discussion sur les mouches (pour l'instant le coeur du chapitre 4 serait le monologue d'une mouche).


de Julien Pauthe
18 Jan 2006 22:23:08


> blablabla, j'adore ces phrases par-ci par-là des gens du Terrier qui font comme si leurs connaissances venaient toujours d'une étude complètement hardcore extensive et hyper pro de leur sujet !

Tu sais être désagréable. (Je tutoie sans connaître, espérant m'aligner sur le code pour une fois.)
Reste que d'un sujet qui m'échappe je ne souhaiterais prendre connaissance par aucune des voies citées ; ni abrégé, ni synthèse, ni connaisseur — chacune d'elle est un éloignement du désir.

> Eh oui, personne ici ne prononce une seule phrase sur Aristote sans avoir passé 6 ans à le lire en version grecque intégrale, c'est évident. Moi je suis franchement pour les vulgarisations (je disqualifie d'avance les jeux de mots élitistes à quoi ce terme pourrait donner lieu)

Je n'ai rien contre ou je ne fréquenterais pas cette liste. Une bonne vulgarisation c'est tissé de la volonté de s'adresser sans dominer (cf. l'ensemble des fils à propos des mathématiques) : c'est un projet, avec ses ouvertures, sa relance et un certain espoir de contagion. L'abrégé, la synthèse et le connaisseur je vois ça plus proche de la miction autour du domaine.

> Sinon MERCI beaucoup pour ces citations qui sont très éclairantes (ça répond assez bien à ma demande, c'est une forme de synthèse).

« On est artiste à la condition que l'on sente comme un contenu, comme la chose elle-même, ce que les non-artistes appellent la forme. De ce fait, on appartient à un monde renversé ; car maintenant tout contenu nous apparaît comme purement formel — y compris notre vie. »

Nietzsche

"Synthèse. (...) 6° Terme de philosophie. Opération mentale par laquelle on construit un système."
Émile Littré

> Celles-là me répugnent beaucoup moins, disons qu'elles ne calomnient aucune espère particulière,

hein-hein

> par contre l'une d'elles assigne à l'homme et à l'homme seul des missions dont on se demande bien d'où elles viennent. Dans la tournure impersonnelle
« Essentiellement, l'être humain a la charge ici de dépenser dans la gloire ce qu'accumule la terre », qui est le donneur d'ordre' "

C'est ton microprocesseur qui parle?

>Nous avons des perceptions : elles aussi. Nous avons des représentations mentales, sur lesquelles nous pensons : pourquoi pas elles, sous une autre forme que notre pensée consciente?

C'est pas la question : des accointances sensorielles et neuronales on se fout bien. La marge est ailleurs, il s'agit de langage (oublie "articulé", c'est parasite).

> Ce qui m'agace dans Bataille c'est que ses assertions sur les mouches nient de fait toute empathie : il n'y a rien à comprendre, puisqu'elles sont toutes les mêmes et ne pensent pas.
Et pour aller encore un peu plus loin : je pense qu'en partant d'une empathie avec divers autres vivants, nous pouvons accéder à une certaine représentation désanthropomorphisée de l'univers : la vie sur terre, et la vie humaine au sein de cette prolifération de vies, nous apparaissent alors comme une chance formidable d'être autre chose que de la matière sans finalité.

Retour du finalisme ' Et tu oses demander "qui interdit ?"
Putain, t'es gonflé...
Tu serais pas un peu croyant aux marges, toi ?

>>« L'acte sexuel est dans le temps ce que le tigre est dans l'espace. »
> plutôt obscur.

Nan, le tigre c'est clair-obscur dans l'espace, puis vif et violent avant que quelque chose ne soit plus. Pas très clair et sans doute pas la meilleure citation de Bataille à ce sujet. À la relecture on dirait du Borges drogué par un journaliste.

>>« Qui ne « meurt » pas de n'être qu'un homme ne sera jamais qu'un homme. »
> mettons.

Ben non. Ça se prend contraint ou pas. Sinon sans intérêt.

> (pour l'instant le coeur du chapitre 4 serait le monologue d'une mouche).

Pour le coup c'est mon tour d'être sans perfidie : je demande à lire.
J.



de Ludovic Bablon
18 Jan 2006 23:46:21


Comme ça me travaille, j'ajoute ceci.
On dit souvent que nous sommes une civilisation judéo-chrétienne. Par ailleurs, on se réfère souvent, niveau sources intellectuelles, aux grecs.
Je travaille actuellement comme documentaliste sur l'Egypte ancienne, périodes tardives. A ce titre, je me renseigne sur le panthéon égyptien et ses modifications aux temps des dominations étrangères, hellenistiques puis romaine - puis christianisation.
En Egypte, les animaux étaient vénérés comme faisant partie intégrante de l'ordre universel. Les forces à l'oeuvre dans le monde étaient vues sous divers aspects : astraux (Rê), géographiques (le dieu Nil), animaux (nombreux dieux et déesses sous formes animales : le serpent Uraeus, la lionne Sekhmet, la chatte Bastet, le taureau Apis, la mangouste Ichneumon, etc...), abstraits (Mâât, plus ou moins la Justice, qui intervient à la fin du mythe osiriaque pour la pesée des âmes, première version ou au minimum influence majeure des jugements derniers dans le christianisme et l'islam).
Les Grecs (Herodote...) ont détesté la zoolâtrie égyptienne. La peinture égyptienne nous laisse d'énormes quantités d'animaux ; sa statuaire également. La statuaire grecque est massivement faite d'hommes, de grands hommes élitistes ; pas de taureaux, pas de chats, pas de crocodiles. La mythologie grecque contient quelques animaux (la vache io, une chèvre), mais l'art grec les représente peu. N'étaient-ils pas fou ces prêtres qui entretenaient tout un parc pour le taureau Apis choisi entre tous comme étant marqué d'une tache blanche sur le front' qui l'embaumaient et le momifiaient ensuite, et en portaient des amulettes à leurs cous?
Le judaïsme, puis le christianisme, puis l'islam, ont également détesté l'animalisme égyptien. Pour eux, l'univers est une création, les animaux sont des créatures, et l'homme a un statut particulier, radicalement différent : il est le seul à posséder une âme. Ce n'était pas le cas sous cette forme dans le polythéisme/panthéisme égyptien : l'âme était partagée par les animaux, les hommes, les forces naturelles, elle circulait de l'un à l'autre : la chatte Bastet, dans le Panthéon, est fille de Rê, le soleil, et protectrice des foyers humains et des naissances. Bienveillante, son envers malveillant était la lionne Sekhmet, commandant des génies malfaisants, semant les maladies et la mort ; Sekhmet était l'épouse de Ptah, représenté sous forme humaine : mariage qui ne gênait pas les fidèles, capables de reconnaitre l'unité des forces sous la diversité des formes.
L'héritage de l'Egypte, dominée par les macédoniens puis les romains avant christianisation puis islamisation, a disparu. Sa vision du monde n'a guère eu de suite : on a admiré ses oeuvres et ses monuments, mais sa généalogie s'est arrêtée à l'époque antique, sauf quelques rares passages syncrétiques (ainsi les premières représentations chrétiennes de Marie à l'enfant viennent directement de modèle fréquent dans la statuaire d'isis lactans, c'est à dire Isis allaitant son fils Horus ; d'ailleurs une question, d'où vient la représentation pisciforme du Christ dans le premier christianisme ? Ne serait-ce pas d'Egypte?)
Je trouve qu'il est dommage que nous venions des cultures des grecs, des juifs, des romains, des chrétiens, des musulmans, plutôt que des celtes, des indiens ou des égyptiens. Ces trois derniers peuples aimaient représenter l'animal et vivre avec lui et ne concevaient pas d'univers sans lui. Notre écosystème actuel est profondément marqué par le statut que nous n'accordons pas aux animaux : dans presque toute l'Europe, impossible aujourd'hui de tomber sur un seul mammifère véritablement sauvage, tout est sous contrôle, mis à distance, privé d'espace. L'humain s'est attribué tout un continent, pour lui tout seul ; il y cultive ce dont il a besoin pour sa nourriture, son vêtement, son ameublement sédentaire ; il y empêche de vivre tout ce qui le menace directement ou indirectement - dehors les ours, les loups qui mangent le bétail, au diable les oiseaux qui salissent notre propreté humaine, dehors les rongeurs, dégagez tout ce qui crie, défèque, mange "nos" choses, empêche nos circulations ou nos productions. L'histoire de l'Europe depuis plusieurs centaines d'années a été aussi celle d'un nettoyage biologique, appuyé sur et justifié par un déni d'existence, une peur, un mépris, une absence de familiarité. On a d'abord réduit la diversité des espèces à celles utilisables, en éliminant les "nuisibles" (nuisibles selon les critères de qui'), puis avec l'industrie, on a massifié l'élevage de sorte que même les animaux utiles n'aient plus d'espace.
C'est pour tout cela que je n'aime pas beaucoup notre espèce et que je cherche à la contredire dans son insistance à pratiquer un spécisme éhonté et destructeur, appauvrissant le travail de millions d'années d'évolution.
Et c'est pour tout cela que la citation de Bataille sur les mouches m'avait tant fait réagir et semblé inadmissible. Je préférerais descendre des égyptiens panthéistes que des divers humanistes et théocentristes, dont les folies me coupent de ma propre nature animale.
Ludovic


de Dr C.
19 Jan 2006 01:50:25


C'est beau quand Ludovic Bablon découvre l'animisme.
Dr C.


de Ludovic Bablon
19 Jan 2006 07:11:11


> C'est beau quand Ludovic Bablon découvre l'animisme.

Ce qui signifie "Docteur Chouette-absence-de-réponse"?
Si tu désignes par animisme la religion égyptienne je crois que c'est extrêmement simpliste.
Je ne suis pas expert, je ne fais que me familiariser, mais il me semble qu'il y a dans la religion égyptienne (il faudrait voir aussi de quelle période on parle) diverses tendances et pas seulement de l'animisme.
La religion égyptienne est particulièrement funéraire : ce n'est pas spécialement le cas de toutes les cultures animistes.
Elle est traversée de tendances à l'unification panthéonique : les clergés locaux passent progressivement des Ennéades (9 dieux cosmogoniques) aux triades (3 dieux) et on connait même une époque de monisme.
Elle est marquée par une double tension entre divinités locales et divinités universelles (ceci variant suivant les localités et les époques...)
De plus les conceptions égyptiennes de la personnalité (akh, ba, ra, shouyt) relèvent d'un autre terme que celui d'animisme.
Sous tel et tel rapports on pourrait aussi parler de panthéisme ou de polythéisme.
Et pour y revenir le culte animal y est très particulier, sous forme de représentation des divinités (qui sont des forces ou des concepts exprimés sous forme humaine OU animale OU mixte suivant la divinité OU un de ses aspects OU la situation) et également sous forme d'élevage, sélection, sacrifice et momification d'animaux vivants (exemple des taureaux Apis du temple de Memphis, qui avaient leur propre nécropole).
Je crois qu'il faut envisager cette religion comme syncrétique de façon permanente. L'histoire particulièrement mouvementée de l'Egypte contrôlée par le Nord ou par le Sud, aux mains des Perses, des Macédoniens, des Ptolémées syncrétistes, des Romains, des Chrétiens, des Byzantins, des Musulmans, des Croisés, des Turcs mamelouks, des Ottomans, des Français, etc, a fait naître sans cesse de nouvelles variantes religieuses, des pensées schismatiques et des syncrétismes brusquant les clivages. Le Macédonien Alexandre y opéré un tournant idéologique étonnant : il s'est divinisé au cours d'un pélerinage dans le désert (bizarre idée pour un grec). Les juifs alexandrins ont développé un judaïsme hellénophone. Les chrétiens coptes ont fondé leur église schismatique, après la défaite de l'arianisme. Bref, c'est un pays où tout se mélange et dans la religion égyptienne je ne (re)découvre pas du tout un animisme mais quelque chose de beaucoup plus composite.


de François Coquet
19 Jan 2006 08:24:39

> Le Macédonien Alexandre y opéré un tournant idéologique étonnant : il s'est divinisé au cours d'un pélerinage dans le désert (bizarre idée pour un grec).

Tu veux dire que c'est plus compréhensible chez un nazaréen?

F.


de Raphaël Edelman
19 Jan 2006 08:39:34

>Ca me semble tout de même un peu plus complexe que ça. D'une part, il y a tout un tas de cultures humaines -asiatiques, notament- où l'existence singulière est profondément subordonnée à l'existence et l'évolution du groupe.

Tu es bien narquois d'un coup. Je trouve ton explication "complexe" pas si complexe. Tu ressorts un poncif à la Renan sur les orientaux. Je ne nie pas que des civilisations aient échappé à la tradition individualiste occidentale, en orient, en afrique etc. Mais la subordination au groupe - qui à sa manière n'est pas absente dans nos société, contrairement aux apparences et même s'il semble plus facile d'y échapper un peu - n'ôte rien à l'essence paradoxale de l'homme, qui est de ne pas être réductible à l'essence et d'exister sur un mode affectif particulièrement angoissant et solitaire (fusse-t-il parmi les iroquois).

> Même dans les civilisations où l'individu existe en tant qu'existence singulière,

bravo

> j'aime beaucoup l'aphorisme selon lequel les cimetières sont remplis de gens irremplaçables. Il est à la fois évidemment vrai, et évidemment faux, et pose assez correctement la limite de ta pétition de principe.

très clair

> François (et je ne vous parle pas de l'existence singulière de mes chats)

de mieux en mieux


de Raphaël Edelman
19 Jan 2006 09:18:53

>Je suis évidemment d'accord qu'il faut remettre la citation dans son contexte, c'est bien ce que je demandais : j'avais précisé que j'avais eu cette citation sans mention d'origine.

On te voit venir de loin Ludovic. Tu va pas nous faire le coup de la victime?

>Ne pas lire les bouquins : de facto, on ne peut pas toujours le faire. De plus, en lire un n'est jamais suffisant ;

largement suffisant

> consciencieux, il faudrait en lire 5 ; de sorte qu'en termes de temps et dans certaines circonstances ça devient rédhibitoire ; ce pourquoi je voulais un abrégé, une synthèse, un connaisseur pour m'en parler.

voilà où mène ce besoin d'être consciencieux.

> Personne n'a répondu à "Les mouches demeurent, égales à elles-mêmes comme le sont les vagues de la mer" en lien avec les mouches justement comme support des recherches génétiques sur l'évolution ; l'évolution, c'est quand les descendants ne sont jamais pareilles aux parents, non ' On m'apprend agréablement que cette citation ne porte pas sur les mouches mais sur le langage, la mort etc : euh, je crois que j'avais vu, et je lis quand même des assertions concernant les mouches.

Qu'une espèce mute en restant la même n'a rien de particulièrement surprenant. Il faut un sacré niveau de mutation pour franchir la barrière des espèces. Sinon, quand Baudelaire parle de la charogne, il ne fait pas de biologie. Et si tu veux un précis d'entomologie, ce n'est peut être pas vers Bataille qu'il faut se tourner en premier.

> C'est ça être un rigolo, parler d'un sujet de très haut, et le mépriser en n'ayant aucun rapport d'étude directe avec lui. Je fais mille fois plus confiance à tout ce que j'ai lu en éthologie et en philosophie-qui-y-réfléchit-directement, qu'aux élucubrations philosophiques découplées de toute étude concrète.

Je vois que nous avons affaire à un véritable positiviste, mélange d'Auguste Comte et de Carnap. On ne peut parler de l'animalité tant qu'on a pas poussé la zoologie assez loin ? Dans ce cas, que dire de la politique ? Il faut avoir fait l'Ena pour voter ? Non, l'intelligence sur la question de l'animalité ne dépend pas exclusivement du nombre d'heures passées en compagnie d'un koala.

> J'ajoute à mon dossier sur le spécisme (version linguocentriste) cette déclaration de LLDM : "Il n'y a a pas de sujet animal." Là aussi, tout le monde est d'accord? En fait les listiers sont à peu près les seuls animaux à penser parce qu'ils parlent et qu'ils parlent juste (grâce à mon piaillement de dindon, Je Suis Un Sujet) ?

C'est pas le piaillement qui fait l'homme mais ce que cela suppose, une gamme immense de pensées concernant soi, le monde, une capacité d'invention symbolique infinie que le toutou le plus attachant du monde ne pourra égaler.

> Si je peux citer un livre (j'ai le temps d'en lire à l'occcasion), citons Dominique Lestel, Les origines animales de la culture, très stimulant, et moins partial que tel ou tel philosophe spéciste sans le savoir.

je ne nie pas que la culture soit d'origine animale et ne suis pas antispéciste. C'est tout à fait compatible.

> Pour finir : j'apprends (well, par mes propres moyens d'appel à la synthèse...) que Bataille a eu des "révélations", savoir qu'il aurait eu une première phase très pieuse chrétienne, puis une perte de foi suite à Nietzsche et autres expériences. Je me demande de quand est notre texte, et si Bataille a eu souvent des relents de crédulisme.

je vois que tu as un appréciation fine du phénomène religieux

> ça l'affirme sentencieusement, mais si à la base ça n'était pas si techniquement malin et donc si protégé derrière des no-beast-land, ça serait bien vite bouffé par tous les centre du monde animaux, des mouches aux fauves en passant même par les chats les bactéries et les oiseaux.

La subjectivité ne s'évalue pas à l'aune de sa capacité de nuisance. Sur ce point l'homme et le virus se valent. Mais le cheval ne reconnaîtra pas le sujet tant que des expériences comme la passion amoureuse, la création artistique, la discution, l'ivresse, la lecture, lui resteront inconnues.

> J'aimerais qu'une mouche prenne enfin la parole et calomnie l'ensemble des primates, on rirait bien.

Elle ne serait tout simplement plus une mouche.

raf


de Julien Pauthe
19 Jan 2006 11:11:14


> lactans, c'est à dire Isis allaitant son fils Horus ; d'ailleurs une question, d'où vient la représentation pisciforme du Christ dans le premier christianisme' Ne serait-ce pas d'Egypte?)

Je crois que ça vient d'un jeu de mot grec, devenu un code pour les premiers chrétiens. (Au premier siècle on parlait plus grec que latin à travers l'empire.) :

ICHTHYS (poisson en grec) = Iessous CHristos THeou hYios Soter = (littéralement) Jésus Christ Dieu Fils Sauveur, soit Jésus Christ, fils de Dieu, Sauveur.

De plus les programmes iconographiques des mosaïques paléochrétiennes montrent un large emploi du symbolisme du poisson, soit avec le Christ comme pêcheur d'âmes (variante de la figure du bon pasteur), soit encore par le rapprochement de Jonas et de Jésus (la disparition du premier dans le ventre du poisson, puis son retour, "préfigurant" la mort et la résurrection du second, selon le programme des analogies entre l'Ancien et le Nouveau Testament). Ces symboliques permettaient d'introduire, parfois très discrètement (va reconnaître le Christ dans les premières figures du bon pasteur...) les thèmes chrétiens dans l'art naturaliste romain.

J.


de Dr C.
19 Jan 2006 11:16:27

> Ce qui signifie "Docteur Chouette-absence-de-réponse"?
Si tu désignes par animisme la religion égyptienne je crois que c'est extrêmement simpliste.
Je ne suis pas expert, je ne fais que me familiariser, mais il me semble qu'il y a dans la religion égyptienne (il faudrait voir aussi de quelle période on parle) diverses tendances et pas seulement de l'animisme.

Loin de moi l'idée de vouloir nier les particularités de la civilisation de l'Egypte ancienne et de ses cultures. Il est vrai que le terme animisme ne recouvre pas très bien la religion égyptienne, surtout si on considère l'animisme comme la religion des peuples primitifs. Mais par animisme j'entendais simplement "religion qui voit dans les choses qui nous entourent des intentions humaines". L'animisme des ehtnies africaines est d'ailleurs aujourd'hui tout aussi composites, matinées d'Islam etc...

Le problème donc, c'est qu'on n'a pas de rapport animal avec l'animal - si tant est qu'on puisse unir sous cette même bannière tous les êtres vivants qui rampent, nagent ou marchent sur leurs pattes. On n'est pas gorille avec le gorille, crocodile avec le crocodile, chat avec le chat etc... (c'est en gros la critique de Deleuze) On divinise l'animal en tant qu'être avec des intentions humaines - trop humaines - propres à la culture en question. Tantôt certaines divinités égyptiennes prétendument animales sont d'ailleurs représentées avec des corps humains, comme tu l'écris, tantôt ces divinités se détachent de toute incarnation dans les animaux vivants parmi les égyptiens. On ne vénère pas le Dieu en tout animal, mais plutôt l'Animal-Dieu du panthéon.

Bref, c'est un pays où tout se mélange et dans la religion égyptienne je ne (re)découvre pas du tout un animisme mais quelque chose de beaucoup >plus composite.

Après ce magnifique exposé sur la religion égyptienne, peux-tu nous dire de quoi tu veux faire débattre la liste' Savoir si les cultures entretiennent des rapports complexes avec les animaux' Qu'il y a des ruptures quant à la place des animaux dans les sociétés humaines' Que la civilisation judéo-chrétienne ça pue'

Dr C.


de Julien Pauthe
19 Jan 2006 11:52:03

> Je trouve qu'il est dommage que nous venions des cultures des grecs, des juifs, des romains, des chrétiens, des musulmans, plutôt que des celtes, des indiens ou des égyptiens.

On "vient"... de beaucoup de choses. Le "judéo-christianisme" est un concept historique, pas une généalogie. Paul Veyne (et les historiens anglo-saxons) considère que l'empire était gréco-romain, que la notion d'empire romain est illusoire. Il y eu des empereurs d'origine gauloise(Antonin le Pieux, par exemple). Les cultes orientaux ont irrigués l'empire (orphisme, Mithra, Isis, Cybèle, Sérapis, etc.), pour certains directement depuis l'Egypte. Nos concepts de bibliothèque et de musée proviennent, lointainement, d'une institution égyptienne, le Museion, via les grecs. La toponymie française est pour une bonne part d'origine celtique...


de L.L. de Mars
19 Jan 2006 11:52:57


>Le judaïsme, puis le christianisme, puis l'islam, ont également détesté l'animalisme égyptien. Pour eux, l'univers est une création, les animaux sont des créatures, et l'homme a un statut particulier, radicalement différent : il est le seul à posséder une âme. Ce n'était pas le cas sous cette forme dans le polythéisme/panthéisme égyptien : l'âme était partagée par les animaux, les hommes, les forces naturelles, elle circulait de l'un à l'autre

Tu dois adorer le libéralisme : c'est cette circulation symbolique qui lui permet de prendre le pouvoir pour la puissance et d'être invité par l'ordre du monde, auquel, comme toi, il croit fiévreusement (mais lui s'agenouille : autant faire les trucs à fond) et à s'y établir en lion de pacotille (les pacotilles se valent, de la mauvaise peinture anthropomorphe à l'antispécisme pareillement).
Bon, je répond rapidement, parce que l'étendue du travail à faire excède très largement le temps et la patience dont je dispose.

Après cet exposé éteint sur la chapitre "momies et manies" de l'encyclopédie des ménagères, je cherche partout le jeune homme qui voulait s'épargner la lecture. Mais n'était-ce pas de la lecture des autres, finanlement, qu'il parlait?
La paupière d'Horus se clôt, et c'est un jour passé; mais de quelle membrane s'agissait-il? La paupière inférieure, supérieure, la membrane nictitiante? Va savoir. Les illusoires rapports privilégiés de tes égyptiens fantômes ne les rendaient pas assez intéressés par le faucon pour le regarder vraiment. Devenu Apollon, Horus perdra son ridicule masque de faucon et y gagnera une paupière mieux ajustée aux métaphores, égyptiennes et grecques; cette paupière d'Apollon ferme le jour pour les hommes et les bêtes, également gelés dans le même point de vue, celui qui te fait frémir d'horreur devant l'anthropocentrisme, celui dans lequel l'animal a une place, les animaux ont une place (derrière la paupière animale, les autres espèces disparaissent à moins de lui être fatalement liées).

Une statue d'homme sculptée par un faucon, où ça?
Tu dis que les égyptiens vénéraient des animaux? Mais que vénéraient-ils exactement? Il faut beaucoup mentir pour faire rentrer l'animal dans le jeu des figures à Heliopolis... L'un des dieux, Khépri, dont l'ajustement incongru sur un corps humain de principe montre une étrange inaptitude à distinguer la tête du reste d'un bousier, ne marque dans la vénération en cet insecte que l'écho d'un calendrier et l'idée qu'à Héliopolis on se faisait de la naissance du monde; pas de bousier là-dedans... si tu cherches un homme qui ait vénéré le bousier au point de lui consacrer quarante ans de sa vie le nez dans la bouse et quelques centaines de pages inouïes, tu ne le trouveras pas parmi tes zoolâtres ignorants, mais en France au XIXème Siècle; c'est Jean-Henri Fabre. Il tenait son objet à distance (et l'aimait).
Lire les pelures d'oignon comme les membranes du temps qui interdisent au regard l'histoire à moins de les déchirer, c'est ce que fit le chrétien De Vinci au XVe siècle ; vénérer l'oignon parce qu'il évoque une cosmologie approximative, c'est ce que faisaient tes observateurs égyptiens très intéressés aussi par les légumes.
Tu veux qu'on donne une place digne à l'animal et tu lui en donnes une qui ne vaut guère mieux que celle du cirque... étrange garçon.

Autre chose, un conseil: cesse de me rebattre les oreilles avec cette terminologie foireuse «judeo-chrétien». Juif, je vois ce que c'est, chrétien aussi. Judéo-chrétien je ne vois pas. Cette tambouille trans-historique sert très certainement ton goût pour la confusion athéisante* mais rend inaudible ta prétention à exiger ailleurs de l'exactitude.
Je vois à tes bribes de déclarations lourdaudes sur la religion que les heures passées avec toi à en discuter ne t'ont pas dégrossi une seconde: tu es sorti de chez moi dans l'état où tu y étais rentré, plein de certitudes bas-de-gamme, et ça me désole; alors pourquoi ces questions si ces réponses ne t'intéressent pas dès qu'elles cessent de satisfaire ta conception à la Georges Lucas de la religion? Ne te fatigue pas, cette question-là est elle-aussi purement rhétorique.

Que dis-tu des rapports des Juifs et des chrétiens à l'animal? Le judaïsme proscrit la chasse parce qu'il exclut du champ de la jouissance possible le fait de tuer; c'est inconcevable, et pour éviter de prendre le moindre risque de prendre du plaisir dans le meurtre : pas de chasse. Déplacer le problème de la souffrance dans des catégories infantiles qui épargnent de penser le problème à son endroit, voilà ce que tu fais, et ce que ne fait pas cette mitzvah (cette injonction); c'est la jouissance à faire souffrir qui est en question, et rien d'autre. Si je frémis d'horreur devant la souffrance d'un chien battu, c'est parce que la jouissance prise à battre me terrifie, et bien évidemment, cette jouissance ne peut-être prise pour ce qu'elle est qu'à la condition d'exclure une fois de plus l'homme de la nature ; qui est assez idiot pour voir le mal se dessiner dans le jeu du chat avec sa proie?
Il y a sur mon bureau, en ce moment, une peinture de Pietro di Giovanni Liaroni, une peinture de cette distance, établie sur des rapports de coupure définitive et — sans aucune contradiction entre les termes** — d'amour. Saint Gérôme soigne la patte du lion, de ce lion que j'ai vu représenté mille fois à travers mes visites muséales, par ces chrétiens qui peignaient si souvent des oiseaux, des brebis, des ânes, des chiens, des chevaux; Gérôme ne le soigne pas parce qu'il est égal à lui-même devant Dieu, mais parce qu'il souffre. Ce tableau fait écho, évidemment, au Cantique au frère soleil de François d'Assise.

> descendre des égyptiens panthéistes que des divers humanistes et théocentristes, dont les folies me coupent de ma propre nature animale.

Ta «propre nature animale»... Mon pauvre Ludovic...
Je te laisse trouver dans ce courrier-ci les réponses aux autres, elles y sont, je ne te laisserai pas une fois de plus m'avoir à l'usure.


L.L.d.M.

*mille excuses aux amis athées de la liste moins nigauds sur cette question
** au contraire, si l'on s'attache aux déclarations de Blanchot dans «Le Très-Haut»


de L.L. de Mars
19 Jan 2006 12:11:59

> terme pourrait donner lieu) et je me fous de toutes les autorités d'origine, comme dit Lyotard :

?

> nutritive par exemple' Qu'est réellement, au quotidien, la vie d'une mouche' Comment vivent-elles le jour et la nuit, les variations de chaleur, transpirent-elles' Nous avons des nerfs, comme tant d'autres animaux : elles aussi.

que d'anthropomorphismes, pauvres mouches.
Une bibliographie entomologique, ou tu n'as pas non plus le temps de lire ça ?

>finalité. Le privilège de l'espèce humaine entre toutes les autres, c'est d'avoir la possibilité de savoir qu'on est une partie d'un tout
terriblement fertile. Nous pouvons entre autres faire preuve d'empathie envers tout ce qui en est à notre égard incapable ! Et cela, c'est très beau !

Hmmm... D'où vient cet étrange privilège ? N'est-il partagé par aucune autre espèce ?

>admettons qu'il n'y ait pas de sujet autre qu'humain, dans ce cas comment nommes-tu les divers animaux'
- un cheval sauvage

Jean-Luc

>- une fourmi ouvrière

Pauline

>- un cormoran de Bretagne

Louis

>- un rat en forêt

Sylvie

>- un varan de komodo

Daniel

>- un chat domestique

Monique

>- une bactérie

Nicole

>- un virus

Alice

Crois-tu qu'il s'agisse vraiment d'une blague, homme?

Disons que ça dépend du champ : prenons juste un cheval... nourriture, compagnie, métaphore littéraire, moyen de transport, objet d'étude physiologique, objet à penser métaphysique, exemplification circonstantielle de ce qui fait la vie, modèle pour le dessin, source indirecte d'alimentation (le fameux miel de cheval), présence inquiétante, présence chaleureuse, acteur involontaire de film porno. Il sera dans mon champ de vision. Ou pas (on y revient, au «ou pas»)

>Je veux vraiment m'informer sur cette question du statut de l'animal, des animaux, parce que ce sera un thème dans Kinski

Tu places le problème dans une perspective orientée par le désir de rassembler ce que qui se coupe et couper ce qui se rassemble (mais tu répares comme un cochon, en salopant le travail); le problème n'est pas le statut pluriel animal, mais bien celui singulier de l'homme; on peut bien déplacer la frontière avec nous continuellement (pour ma part je vois un authentique inconvénient à établir une discontinuité entre l'animal et le végétal), mais à l'intérieur de l'autre, absolument autre, catégorie. Ce que sont les animaux, ça dépendra du zoologue, du zoophile ou du chasseur, des époques et des lieux où se déplacera avec eux ce jeu de frontières interne, mais une chose seule est sûre: un homme n'est pas un animal.

> je ne voudrais pas gâcher le texte en m'égarant dans des idées folles

c'est pas gagné...



de François Coquet
19 Jan 2006 13:31:02

> bien déplacer la frontiére avec nous continuellement (pour ma part je vois un authentique inconvénient é établir une discontinuité entre l'animal et le végétal),

La paroi extra-cellulaire?

> eux ce jeu de frontières interne, mais une chose seule est sûre: un homme n'est pas un animal.

Du point de vue de l'évolution des espéces, cette certitude, euh, semble discutable.

François


de L.L. de Mars
19 Jan 2006 14:21:50


>Du point de vue de l'évolution des espèces, cette certitude, euh, semble discutable.

hmmm, intéressant: de quel côté du fil de la définition est-on censé tirer, est-ce de la viande qui parle ou de la parole incarnée ?
Note que ma déclaration est conjuguée au présent.
La paléo-anthropologie est aussi apte à nous éclairer sur ce qu'est ou pas un homme (j'ai bien dit un homme) que la biologie. Comprends cette phrase comme tu veux; mais si tu prends ta carte de membre du club positiviste, va falloir aller jouer du saxophone - ou du poème - avec tes potes les grands singes.

Devinette:
que devient un chimpanzé si on le place dans un zoo brésilien ?


de bausson joachim
19 Jan 2006 14:39:16

> que devient un chimpanzé si on le place dans un zoo brésilien'

un psychanalyste allemand ?


de Raphaël Edelman
19 Jan 2006 14:55:11

> blablabla, j'adore ces phrases par-ci par-là des gens du Terrier qui font comme si leurs connaissances venaient toujours d'une étude complètement hardcore extensive et hyper pro de leur sujet ! Eh oui, personne ici ne prononce une seule phrase sur Aristote sans avoir passé 6 ans à le lire en version grecque intégrale, c'est évident.

je vois pas le rapport avec l'intervention de Julien, à qui tu réponds, et qui a la gentillesse de nous faire partager Bataille dans le texte.

> Moi je suis franchement pour les vulgarisations (je disqualifie d'avance les jeux de mots élitistes à quoi ce terme pourrait donner lieu) et je me fous de toutes les autorités d'origine, comme dit Lyotard : les pensées sont des nuages, et les nuages n'appartiennent à personne, donc chacun peut en prendre la quantité qu'il veut.

eh bien pour ça il y a la télévision, les manuels scolaires et aussi Science et vie.

> Tournure qui rappelle les Il est interdit de, où l'interdicteur se cache derrière l'impersonnalité pour performer son prochain - mais en fait, il n'y a pas de missions (données par la Non-Personne divine ou un truc dans le genre')

Bataille a un goût pour le style archaïque. Mais sa parodie du biblique et du philosophique est assez subversive car souvent paradoxale par rapport au propos. Qui ne le voit pas fait dire à l'auteur son contraire.

> intégralement conditionné par ses déterminants' Pas évident de dire que oui. Ethologie du chant des oiseaux qui, contrairement aux idées reçues de milliers d'années d'inattention de l'homme aux espèces environnantes, montre que les chants diffèrent d'individu en individu ; laissant concevoir une liberté au sein d'une activité déterminée par le phénotype, l'apprentissage et l'environnement.

La contingence n'est pas encore la liberté. Il faudrait que l'oiseau puisse choisir de se taire.

> Que sait-on si certaines mouches sont speed et d'autres lentes voire apathiques?

La façon dont tu parles des mouches est inapplicable à l'homme. Rien n'est moins représentatif de la subjectivité que de dire d'un enfant qu'il est speed ou apathique etc.

> elles aussi. Nous avons des perceptions : elles aussi. Nous avons des représentations mentales, sur lesquelles nous pensons : pourquoi pas elles, sous une autre forme que notre pensée consciente'

Des représentations mentales sous une autre forme que la pensée consciente ne sont pas des représentations mentales mais des stimuli.

> de la matière sans finalité. Le privilège de l'espèce humaine entre toutes les autres, c'est d'avoir la possibilité de savoir qu'on est une partie d'un tout terriblement fertile. Nous pouvons entre autres faire preuve d'empathie envers tout ce qui en est à notre égard incapable ! Et cela, c'est très beau !

Ce sur quoi tu tombes, c'est un magnifique anthropomorphisme.

raf



de Philippe De Jonckheere
19 Jan 2006 14:55:43

> hardcore extensive et hyper pro de leur sujet ! Eh oui, personne ici ne prononce une seule phrase sur Aristote sans avoir passé 6 ans à le lire en version grecque intégrale, c'est évident.

C'est tout à fait faux, régulièrement je dis du mal de Cartier Bresson sur cette liste et je connais très très mal ses images. si cela se trouve c'est même très bien les photos d'HCB. si cela se trouve.

Amicalement

Phil


de Raphaël Edelman
19 Jan 2006 15:15:49

> C'est pour tout cela que je n'aime pas beaucoup notre espèce et que je cherche à la contredire dans son insistance à pratiquer un spécisme éhonté et destructeur, appauvrissant le travail de millions d'années d'évolution. Et c'est pour tout cela que la citation de Bataille sur les mouches m'avait tant fait réagir et semblé inadmissible. Je préférerais descendre des égyptiens panthéistes que des divers humanistes et théocentristes, dont les folies me coupent de ma propre nature animale.

Tu n'aimes pas notre espèce sauf les égyptiens, si j'ai bien compris, que tu imagines certainement comme des êtres purs, non salis par l'héritage «judéochrétien». Je doute profondément de la soit-disant proximité des hommes avec la nature dans certaines civilisations. C'est pour moi un racisme inversé. Pendant des siècles, on a présenté certains peuples comme primitifs et aujourd'hui les mêmes rayonnent par ce primitivisme. Louche ! Oui l'homme est dans la nature, mais toute civilisation utilise la représentation de la nature à des fins transcendantes, religieuses, poétiques et nulle ne peut prétendre à une certaine empathie, comme tu le disais.

raf



de François Coquet
19 Jan 2006 15:17:47

> hmmm, intéressant: de quel côté du fil de la définition est-on censé tirer, est-ce de la viande qui parle ou de la parole incarnée?

Du point de vue de l'évolution, la réponse est claire : du côté de la viande qui parle (un moment, la viande humaine, ou pré-humaine, comme tu préfères, s'est mise à parler - quand je dis "un moment", ce moment peut avoir duré quelques millénaires).

> Note que ma déclaration est conjuguée au présent.

Au présent, l'espèce humaine se distingue sans problème des autres espèces animales - et n'en reste pas moins une espèce animale -. Bon. Ensuite?

> La paléo-anthropologie est aussi apte à nous éclairer sur ce qu'est oupas un homme (j'ai bien dit un homme) que la biologie.

?

> Comprends cette phrase comme tu veux;

Je ne la comprends pas.

> mais si tu prends ta carte de membre du club positiviste,

je comprends encore moins

> va falloir aller jouer du saxophone - ou du poème - avec tes potes les grands singes.

Tsss... si je te demande de prendre ta carte de membre des témoins de Jéhovah, et d'aller faire des concerts chez les créationnistes américains, on reste au même niveau d'argumentaire. Ensuite ?

> que devient un chimpanzé si on le place dans un zoo brésilien?

Mauvaise devinette, dont la réponse est : ça dépend dans une certaine mesure de son passé individuel -et aussi de la capacité du zoo brésilien à rendre la vie vivable pour ce chimpanzé. Mais pour autant, il reste un chimpanzé. Et puis?

F.



de L.L. de Mars
19 Jan 2006 15:18:53

>> Comprends cette phrase comme tu veux;
>Je ne la comprends pas.


Vu. Et pas que celle-là; tes réponses au reste sont une étonnante suite d'à-côté... Je ne m'imaginais pas aussi illisible : un des autres miracles intra-territoriaux qui tombe, la communication (c'est pas pour toi cette réflexion, à moins que t'aies retourné ta veste linguistique, mais j'en doute; c'est pour Ludovic).

Je donne un (un seul) exemple:

« Du point de vue de l'évolution, la réponse est claire : du côté de la viande qui parle (un moment, la viande humaine, ou pré-humaine, comme tu préfères, s'est mise à parler - quand je dis "un moment", ce moment peut avoir duré quelques millénaires). »

ne répond absolument à ce que je disais de la définition, et du sens par lequel nous tentions de la tirer; mais bien de savoir si nous tirions une anthropologie vers la parole ou depuis la parole, là où la paléo-anthropologie nous condamne à des cloisonnements morphologiques inutilisables devant «l'humanité», nous plantant la parole DANS le sapiens sans fonder la radicalité d'une coupure... et du coup, ce n'est pas dans la linéarité des complexifications qu'elle se pose (par soucis de mimétisme avec le modèle évolutif), mais dans l'étendue d'une contemporainéité structurelle; même si le linguiste ne sait pas grand-chose des premières conditions d'apparitions du langage ni de sa formulation, il y a au moins une chose qui lui soit certaine (cf. Benveniste): il n'y a pas de langue plus ou moins complexe. Ma réflexion - sous la forme d'une question que je voulais amusante, mais c'est raté - évoquait la nécessité de penser notre anthropologie à côté des modélisations biologiques.
Ce que je pense? Je pense que précédé de tes convictions à mon sujet et incapable de me lire vraiment, tu as donné à «parole incarnée» un sens religieux là où il n'y en avait pas. Le reste est à l'avenant.

Tant pis pour moi, ça commence déjà à me gonfler, je vais pas tout reformuler. Je vais te laisser ton cheval, tu as l'air bien assis dessus, c'est très bon pour ton égo, et je vais aller corriger les quelques coquilles sur les pages de Jivezi.

L.L.d.M.


de Raphaël Edelman
19 Jan 2006 15:31:49


>alexandrins ont développé un judaïsme hellénophone. Les chrétiens coptes ont fondé leur église schismatique, après la défaite de l'arianisme. Bref, c'est un pays où tout se mélange et dans la religion égyptienne je ne (re)découvre pas du tout un animisme mais quelque chose de beaucoup plus composite.

Tiens, si tu aimes le syncrétisme
http://www.nouvelleacropole.org/articles/article.asp'id=178
raf


de Ludovic Bablon
19 Jan 2006 15:46:09


>>Le Macédonien Alexandre y opéré un tournant idéologique étonnant : il s'est divinisé au cours d'un pélerinage dans le désert (bizarre idée pour un grec).
>Tu veux dire que c'est plus compréhensible chez un nazaréen?

non, je n'ai pas voulu dire ça !! Pourquoi penser que?
ça se passait à l'oasis de Siwa, dans le désert lybique, où se trouvait un sanctuaire oraculaire d'Ammon (Rê), identifié par les Grecs à Zeus ; le prêtre parlant pour l'oracle aurait appelé Alexandre du nom de "fils de Zeus". ça aurait un petit peu marqué le fébrile Alexandre. Ensuite sous les Ptolémées Alexandre a été honoré comme dieu. Il y avait un culte, un temple (son tombeau le Sima), etc.
Comme dit, les Egyptiens avaient aussi une tendance moniste.
Qui a repris l'idée du monothéïsme à qui, je l'ignore, et ça doit être bien compliqué. Mais merci de ne pas voir des sous-entendus à tout propos.


de Ludovic Bablon
19 Jan 2006 15:47:13


> Tu n'aimes pas notre espèce sauf les égyptiens, si j'ai bien compris, que tu imagines certainement comme des êtres purs, non salis par l'héritage "judéochrétien".

nan nan nan, ça suffit quant aux insinuations, je ne fais pas d'amalgame entre la culture d'une population et un concept de race inexistant, si c'est ce que tu veux dire. On descend au niveau du rapport aux animaux, des gréco-romains et des chrétiens (même si nos toponymes comme rappelle Julien sont celtes et francs (par ex "bernard" = ours hardi en langue franque), et ce sont des cultures qui mettent l'homme ou Dieu au centre et n'accordent pas d'importance centrale à l'animal.
Je n'ai vraiment pas parlé de "salir" ni de "pureté", Dieu m'en garde. Au contraire j'aime les mixs et les hybridations ! Et même si comme me l'a fait comprendre Laurent je suis ignare en culture juive je n'ignore pas que l'Egypte a été un centre intellectuel judaïque important (Bible des Septante) comme elle l'a été aussi pour la science gréco-romaine (Eratosthène, Claude Ptolémée...).

> Je doute profondément de la soit-disant proximité des hommes avec la nature dans certaines civilisations.

En l'occurence en Egypte ça a l'air clair que les animaux ont un statut particulier puisque les hommes se reconnaissent en communauté avec leur nature, mais...

> C'est pour moi un racisme inversé. Pendant des siècles, on a présenté certains peuples comme primitifs et aujourd'hui les mêmes rayonnent par ce primitivisme. Louche !

... mais là je suis d'accord, mais...

> Oui l'homme est dans la nature, mais toute civilisation utilise la représentation de la nature à des fins transcendantes, religieuses, poétiques et nulle ne peut prétendre à une certaine empathie, comme tu le disais.

mais je crois que ça fait une différence d'être en Egypte antique avec des dieux à têtes de singes ou en Inde avec des vaches sacrées et des singes dans les temples, au lieu d'être en terre de monothéïsme, mettons l'Islam, avec un Dieu absent, hors-nature et non-représentable même sous forme humaine.
Remarque : les religions à animaux me semblent plus honnêtes sur notre propre condition, maintenant je peux être séduit par d'autres choses dans les religions, et de toutes façons je les crois toutes biaisées, pensant qu'il n'y a pas de forces qui viennent de l'extérieur.


de bausson joachim
19 Jan 2006 15:55:34


Ludovic,
je suis désolé d'avoir à écrire cela, mais le fait que tu puisse écrire être "assez d'accord" (par exemple) avec une phrase de Bataille me semble bien accuser ce que tu as à perdre à te résoudre à ne pas lire l'un de ses livres dans l'heure (-on lâche tout pour lire Bataille, il me semble, même ses romans en cours... on ne fait plus rien, on ne pense plus rien sans Bataille, en fait, je crois...-). Je ne l'ai moi-même que peu lu (quelques livres souvent) et j'aime follement dire des conneries sur Aristote (ça encore plus souvent, tu vois'). Ce que je veux dire, c'est qu'être "assez d'accord" avec une citation extraite de n'importe quelle page de cette oeuvre sans s'être donner le temps de faire l'épreuve de sa traversée, c'est assurément se risquer à dire une belle connerie... puisqu'il n'est pas de phrase de Bataille que l'on puisse si facilement extraire du jeu de mise en crise constante de l'assertion que chacun de ses textes produit. Ce qui est sûr, avec Bataille, c'est qu'il ne dit jamais si simplement ce qu'il dit, c'est qu'il n'écrit pas une phrase qui ne puisse s'avérer grevée par la force violente, générale, qui la pousserait à sa propre destruction, c'est que toute l'oeuvre se trouve prise dans un jeu constant de simulacres, de reprises, d'enchaînements contradictoires dont il n'est pas question d'oublier la puissance pour pouvoir rapidement, tristement (libé-téléramaément) se faire son petit avis. Bataille, c'est bien des Textes, tu vois, c'est du puissament compliqué. Voilà. (Il y aurait tant à dire sur la phrase chez Bataille, l'affirmation...). Que te dire, sinon que Bataille inquiète depuis cinquante ans toute pensée conséquente (je pense à Blanchot, Deleuze, Derrida, Lacan,etc.), qu'il a fondé une esthétique qui travaille certainement ce qui se fait de mieux ces jours chez les colleurs d'couleurs, d'images (as-tu déjà croisé la revue DOCUMENTS?), qu'on ne se remet pas de la lecture de Madame Edwarda, et qu'après ça ton avis sur cinq citations... Quant aux belles phrases que tu commets sur la religion (-encore une fois, excuse-moi... je suis un garçon assez doux en général-), il me semble que si tu t'y attaches (-si tu t'attaches longtemps à défendre ce matérialisme-athée-républicain-inculte qui n'est pas au niveau des questions qu'il affronte-), tu te promets à une seule chose : rester largement excéder par le fameux Georges Bataille, rester trop en deça, longtemps.
Et t'embrasse chaleureusement,
Joachim
P.S : tu tues deux mouches et je te prête Acéphale?



de L.L. de Mars
19 Jan 2006 16:15:20

>les religions, et de toutes façons je les crois toutes biaisées, pensant qu'il n'y a pas de forces qui viennent de l'extérieur.

«la musique est un cri qui vient de l'intérieuuur»

B. Lavilliers


de L.L. de Mars
19 Jan 2006 16:16:44

>P.S : tu tues deux mouches et je te prête Acéphale

Les sacrifices battent de l'aile, à ce que je vois...



de Ludovic Bablon
19 Jan 2006 16:19:54

> que d'anthropomorphismes, pauvres mouches. Une bibliographie entomologique, ou tu n'as pas non plus le temps de lire ça?

Note que depuis que tu m'en a parlé j'ai lu les passages concernant les mouches dans Fabre et c'était bien le genre de choses que je cherche !! Donc merci au passage et si tu en as d'autres je veux bien.
Maintenant je crois qu'une grande partie du savoir zoologique ne me donnera pas ce que je cherche, car pendant très, très longtemps, toute intériorité a été déniée à l'animal.
Et mettons maintenant que je te repose cette question : l'animal, sauf sapiens sapiens, serait dépourvu selon toi de toute intériorité ? Je crois que c'est le centre de ce que je vise concernant le statut de l'animal.
Pour l'instant les critiques qui m'ont été faites ne me répondent pas sur ce sujet, on me parle d'une différence surnaturelle inexplicable entre homme et animal, on me parle de langage, mais on ne règle pas ce faisant les problèmes considérables que posent ces apports : par exemple
- A quelle date l'homme parlant s'est-il détaché des animaux muets ? et pour quelles raisons ?
- Pourquoi, alors que les animaux possèdent (comme nous l'avons tous observé) un regard, des sens, une mobilité, une autonomie, leur serait-il dénié toute intériorité ' Ne s'agit-il pas d'un postulat a priori d'origine religieuse, sourcé dans l'univers intellectuel monothéïste, redéfini par Descartes (animaux-machines) et imperturbablement maintenu par des béhaviouristes persuadés qu'en réalité, dans la boîte noire, il n'y a rien que du noir ?
L'éthologie a souvent été tournée en dérision. On caricature facilement l'éthologue en le vannant comme ami des bêtes un peu niais, donnant sans cesse dans de l'anthropomorphisme. Il y aurait comme une interdiction de principe à dire qu'un animal est aussi un autre, respectable, comme nous. A mon avis c'est en passe d'évoluer : l'éthologie a rassemblé trop de données troublantes, contre le béhaviourisme auquel semble adhérer implicitement rapahel avec son "Des représentations mentales sous une autre forme que la pensée consciente ne sont pas des représentations mentales mais des stimuli." A vrai dire, avec cette pratique malhonnête de voir des stimulis partout où on veut se cacher autre chose, on pourrait aussi bien dire qu'on poste tous par réflexes des messages faits de stimulis réactifs et mécaniques. Et ça nous avancerait à quoi' A nier ce que nous faisons, après avoir nier ce que font les animaux.
A noter qu'il ne s'agit pas non plus de dénier à l'homme ses compétences exceptionnelles.

>- un virus
>Alice

tu n'as pas de quoi répondre?

> Disons que ça dépend du champ : prenons juste un cheval...

non justement, pas juste un cheval, j'aurais vraiment voulu savoir si tu reconnaissais des différences entre les animaux, et lesquelles, sur quels critères. Peut-être le sujet ne t'intéresse pas assez, dans ce cas tant pis.

> nourriture,compagnie, métaphore littéraire, moyen de transport, objet d'étude physiologique, objet à penser métaphysique, exemplification circonstantielle de ce qui fait la vie, modèle pour le dessin, source indirecte d'alimentation (le fameux miel de cheval), présence inquiétante, présence chaleureuse, acteur involontaire de film porno. Il sera dans mon champ de vision. Ou pas (on y revient, au «ou pas»)

tu ne le vois que dans un rapport humain donc. C'est triste, c'est pauvre. As-tu déjà regardé deux animaux entre eux ? On ne peut pas RIEN y comprendre - sachant qu'il faut se garder des projections naïves.

> le statut pluriel animal, mais bien celui singulier de l'homme; on peut bien déplacer la frontière avec nous continuellement (pour ma part je vois un authentique inconvénient à établir une discontinuité entre l'animal et le végétal),

moi aussi !

> mais à l'intérieur de l'autre, absolument autre, catégorie. Ce que sont les animaux, ça dépendra du zoologue, du zoophile ou du chasseur, des époques et des lieux où se déplacera avec eux ce jeu de fontières interne, mais une chose seule est sûre: un homme n'est pas un animal.

bon, je suis d'acord avec François pour revenir sur cette assertion qui me semble bien roide, et sinon :

> ça dépendra de [l'humain qui s'en occupe]"

''' ça me semble scandaleux : non, le statut de l'animal est en-soi, il ne dépend pas d'un extérieur !!! Ah ça non !! Avant et sans nous il n'y a rien, en fait ' Moi je crois que la matière et le reste de la vie existent parfaitement sans nous, n'ont pas besoin de nous pour exister dans le statut qui est le leur.

PS : sur judéo-chrétien, ok - maintenant je crois que tu m'as compris quand même? Le théocentrisme est le trait sémantique commun concerné par mon propos. Et n'oublions pas l'Islam.
sur le judaïsme et l'interdiction de tuer : la considération est négative, une interdiction c'est déjà ça, mais ça n'est pas une reconnaissance de parenté. Au contraire ça serait plutôt un argument de séparation, les animaux sont animaux parce qu'ils tuent, l'homme n'est pas animal parce qu'il ne tue pas (mais bon il ne peut pas s'empêcher puisque c'est quand même un animal...) --> déni, on dira ce qu'on voudra pour moi c'est du déni.
Un truc intéressant au passage : les Ptolémées employaient les juifs d'Alexandrie comme soldats. Il avait aussi des mercenaires gaulois ! Incroyables mic-macs de ces régions à ces époques. Mais comme quoi les juifs tuaient des animaux, humains en l'occurence.


de Ludovic Bablon
19 Jan 2006 16:34:50

>Tiens, si tu aimes le syncrétisme
http://www.nouvelleacropole.org/articles/article.asp'id=178

oui ça ne nous fait pas avancer.
Pour répondre au Dr C qui contestait l'intérêt de cette discussion : je pense que cette discussion est intéressante, car notre statut dépend de deux choses, autour de nous : les choses qui concernent la divinité ; les choses qui concernent la nature. C'est évidemment une question d'art, intensément, de philosophie bien sûr, et de politique enfin. Par exemple, suivant nos conceptions des rapports entre divinité/humanité/animalité, on aura un tout autre rapport à l'espace.
Pour un croyant, l'humanité est au-dessus de l'animalité en raison du caractère supérieur et créateur de la divinité. C'est un tableau du réel qui permet notre domination sur l'espace terrestre.
Pour un athée matérialiste, l'humanité est dans l'animalité et la divinité est son rêve pathologique d'en être séparé. Il découle de cela que le droit de propriété est injuste à la source - que tout l'espace terrestre est l'espace des êtres vivants qui en ont besoin, ce qui inclut l'homme mais également tous les animaux et végétaux et "inclassables". J'en arrive pour ma part à un anarchisme étendu : je suis pour conférer (=reconnaître) des droits non-humains, dont l'humain serait le garant : il s'agirait de nous interdire de déposséder l'ensemble des vivants à notre seul profit. Cette approche pose énormément de problèmes (droit à la vie des formes de vie qui nous tuent ?).
De même la reconnaissance de notre animalité nous amène à nous penser, en partie, dans le cadre des primates : or ceux-ci sont hiérarchiques, ce qui pourrait invalider à la base l'égalitarisme, idéal mais inatteignable en raison de notre nature profonde.
Autre secteur intensément concerné : la sexualité. L'ami dont j'ai parlé l'autre fois, Réginald, soutient la thèse d'une bissexualité fondamentale chez l'être humain, en arguant que nous serions un mélange éthologique entre l'éthos des chimpanzés, qui règlent les conflits sociaux par la violence, et celui des bonobos, qui les règlent par la sexualité (le cas échéant homo). ça pourrait servir à ressituer dans la perspective de l'histoire naturelle tout ce qui a trait aux deux forces Eros et Thanatos (cf Freud, Norman Brown, G. Bataille').


de Raphaël Edelman
19 Jan 2006 17:03:21

> > zoophile ou du chasseur, des époques et des lieux où se déplacera avec eux ce jeu de fontières interne, mais une chose seule est sûre: un homme n'est pas un animal.
> Du point de vue de l'évolution des espèces, cette certitude, euh, semble discutable.

Du point de vue de l'évolution nous sommes des bactéries, des procaryotes.

raf



de François Coquet
19 Jan 2006 17:23:17

> Du point de vue de l'évolution nous sommes des bactéries, des procaryotes.

Ni l'un, ni l'autre. Parce que, justement, il y a eu évolution.

F.



de Dr C.
19 Jan 2006 17:25:41

A mon sens le vrai problème que pose la Nature c'est qu'elle n'a pas de frontière: la Nature ça ne peut être que la totalité, ou alors elle n'existe pas pour parler comme LLDM. Les distinctions naturel/artificiel, naturel/culturel ne tiennent tout simplement pas: la culture c'est de la Nature, l'artificiel c'est de la Nature aussi. Et comme la Nature-Matière-Totalité est un chaos, elle ne contient au fond ni ordre ni hiérarchie (cf. Sade: "toute ma vie j'ai cherché à offenser la Nature etc..."). On peut s'amuser à couper dans les pratiques de telle ou telle espèce animale ou idéaliser les biotopes pour se trouver une morale, ça n'est pas de l'être, ça ne s'impose pas du tout à moi. Michel Serres par exemple veut nous faire avaler la Nature comme sujet de droit: malheureusement je crains qu'il confonde Michel Serres et la Nature, comme la plupart des jusnaturalistes confondent leur surmoi et une métaphysique de la Nature. C'est juste des humains qui s'appuient là dessus pour me faire gober leur morale.

S'agissant d'une distinction animal/humain qui s'appuierait sur le langage, je ne peux pas être d'accord : il est quasiment démontré que certains primates sont aptes au langage non articulé, et même les dauphins...La frontière est très mince entre certains esprits animaux et les notres. De surcroît, les humains ont bien des choses en commun avec diverses espèces animales, à commencer par la pulsion. Deleuze + Bergson (Matière et Mémoire, l'anti-oedipe) caractérisent peut être suffisamment l'humain: l'écart, et l'image - le paysage - que contient sa mémoire (laissons tomber le cône de matière) à la fois couplages et production machiniques qui le rend unique. Dans les sociétés animales peu ou pas d'écart, et un même paysage pour tous les individus. Ca n'est pas une question de langage, mais d'organisation psychique induite - amorcée - socialement. Et ça aussi, c'est de la Nature.

Maintenant, LB, pour te délasser, je te conseille le "Phenomena" de Dario Argento, l'histoire d'une jeune fille qui entre en contact télépathique avec les insectes.

Dr C



de Raphaël Edelman
19 Jan 2006 17:34:17

>Remarque : les religions à animaux me semblent plus honnêtes sur notre propre condition, maintenant je peux être séduit par d'autres choses dans les religions, et de toutes façons je les crois toutes biaisées, pensant qu'il n'y a pas de forces qui viennent de l'extérieur.

On est tout de même passé d'une discussion sur l'empathie avec la nature aux différents modes de représentation de la religion. Ce n'est pas rien. Quant au dieu absent (ce qui doit être curieux pour un musulman) ou hors-nature et non représentable, je vois pas en quoi il est malhonnête sur notre condition. Je crois qu'il y a là un gouffre spirituellement fécond. Enfin les religions sont biaisées parce qu'il n'y a pas de force qui vienne de l'extérieur, dis-tu. J'aimerais comprendre.

raf


de Réginald de Potesta de Waleffe
19 Jan 2006 17:39:41

Bonjour, je me présenterai plus tard, ici "Réginald" dont parle Ludovic. Je découvre qu'on me cite, alors il faut que je complète :-) Je me présenterai plus tard.

Les comportoments homosexuels sont communs à toutes les espèces, même les chimpanzés qui jouent plus souvent sur l'expression de la force (ils en ont beaucoup), ça ne veut pas dire que l'homosexualité est animale et que l'homme doit se défaire de son animalité (homosexuelle).

> Un aspect du grand problème s'est pourtant bien retrouvé dans ce mail: "Pour un croyant, l'humanité est au-dessus de l'animalité en raison du caractère supérieur et créateur de la divinité. C'est un tableau du réel qui permet notre domination sur l'espace terrestre."

Et pour les non-croyants, ils en restent imprégnés, d'ailleurs ces derniers ne représentent pas 15% de la population mondiale.

Il est important d'avoir de l'estime de soi, sans pour autant développer un complexe de supériorité, mais peut-être déjà de se voir meilleur que l'on est vraiment ne fût ce que pour la visée, en prenant soin tout de foi d'éviter la mauvaise foi qui nous amènerait à perdre la face.


de L.L. de Mars
19 Jan 2006 17:51:42

>> que d'anthropomorphismes, pauvres mouches. Une bibliographie entomologique, ou tu n'as pas non plus le temps de lire ça?
>Note que depuis que tu m'en a parlé j'ai lu les passages concernant les mouches dans Fabre et c'était bien le genre de choses que je cherche !! Donc merci au passage et si tu en as d'autres je veux bien.

Il en a lu quelques passages... «Souvenirs entomologiques», 2500 pages dans la collection Bouquins, sinon douze volumes... Et puis il en voudrait bien d'autres... Qui cherchait à définir ce qu'était un rigolo, déjà?

PS : sur judéo-chrétien, ok - maintenant je crois que tu m'as compris quand même?

Forcément, puisque le langage sert à communiquer. Non?

> l'animal. Pour l'instant les critiques qui m'ont été faites ne me répondent pas sur ce sujet, on me parle d'une différence surnaturelle inexplicable entre homme et animal

Tu ne sais pas lire.
Et on s'étonne que dans ce genre de conversations je tourne les talons en finissant par «allez donc vous faire foutre».

Va te faire foutre, Ludovic. J'ai encore perdu une journée, je vais plutôt faire la causette avec des morts, ce sera plus gratifiant.


de Ludovic Bablon
19 Jan 2006 20:17:08

> la Nature ça ne peut être que la totalité, ou alors elle n'existe pas pour parler comme LLDM. Les distinctions naturel/artificiel, naturel/culturel ne tiennent tout simplement pas

passons là-dessus parce que je n'en ai tout simplement pas parlé et que ça ne concerne pas les questions soulevées. Je crois que l'opposition pertinente serait immanent/transcendant, concernant le statut de l'animal.

> la culture c'est de la Nature, l'artificiel c'est de la Nature aussi. Et comme la Nature-Matière-Totalité est un chaos, elle ne contient au fond ni ordre ni hiérarchie

si la reprise du terme hiérarchie est volontaire, je ne comprends pas bien ; j'ai suggéré que nous appartenions à une famille d'espèces hiérarchiquement organisées ; on peut remarquer que dans l'histoire de la nature humaine (pour dire cette horreur de façon plaisante), l'ordre a massivement été mis par les pères et les rois ; même en démocratie égalitaire il y a toujours certains plus égaux que d'autres ; nous serions donc un animal ET hiérarchique ET égalitaire (réseau pères2pairs).

> malheureusement je crains qu'il confonde Michel Serres et la Nature, comme la plupart des jusnaturalistes confondent leur surmoi et une métaphysique de la Nature. C'est juste des humains qui s'appuient là dessus pour me faire gober leur morale.

Je ne sais pas trop comment te lire, je vois comment tu réagis pour dire non, mais je me demande ce que tu penses positivement de tout cela. Tu admets une transcendance' Une divinité' Une non-naturalité de l'homme'

> primates sont aptes au langage non articulé, et même les dauphins...La frontière est très mince entre certains esprits animaux et les notres.

Oui c'est aussi ce que j'ai lu.

> Ca n'est pas une question de langage, mais d'organisation psychique induite - amorcée - socialement. Et ça aussi, c'est de la Nature.

Oui ça m'évoque d'autres arguments forts issus des données, pour reconsidérer l'animal : les transmissions technologiques par exemple, qui ont du être une caractéristique de l'anthropisation, se retrouvent dans BEAUCOUP d'espèces très différentes (pas juste le cas célèbre des mésanges d'Angleterre décapsuleuses de bouteilles de lait). Sachant qu'une utilisation d'outil n'est pas toujours paramétrée génétiquement, et qu'elle implique une connaissance sémantique de l'objet traité et de l'outil utilisé, on peut en conclure que certains animaux ont :
- des états mentaux
- une intériorité
- une intelligence et une capacité à la gérer librement.
Ce qui est impressionnant c'est qu'ils arrivent à cela sans connaitre le latin et sans avoir la foi.

> Maintenant, LB, pour te délasser, je te conseille le "Phenomena" de Dario Argento, l'histoire d'une jeune fille qui entre en contact télépathique avec les insectes.

Ah merci gentil docteur fourbe ! Je vais le choper.
Vu The Fly I et II bien sûr, vraiment répugnant dans son total manque d'empahie avec la mouche envisagée comme monstre et Grand Autre. Sous-estimant par principe tout ce qui nous apparente à elles (recevoir du réel des impressions sensibles par exemple, voilà quelque chose que nous partageons, sans contradiction possible. Nous les voyons et elles nous voient. Mais qu'est-ce que voir dans les deux cas')


de Julien Pauthe
19 Jan 2006 20:47:34

> Comme dit, les Egyptiens avaient aussi une tendance moniste. Qui a repris l'idée du monothéïsme à qui, je l'ignore, et ça doit être bien compliqué. Mais merci de ne pas voir des sous-entendus à tout propos.

Freud avait une théorie à ce sujet, voir son L'Homme Moïse et la religion monothéiste (1939), où il développe l'hypothèse de l'origine égyptienne de Moïse, ainsi qu'un très curieux parallèle sur le meurtre du père (renvoyant à Totem et tabou).

J.


de bausson joachim
19 Jan 2006 21:01:15

> Il est important d'avoir de l'estime de soi, sans pour autant développer un complexe de supériorité, mais peut-être déjà de se voir meilleur que l'on est vraiment ne fût ce que pour la visée, en prenant soin tout de foi d'éviter la mauvaise foi qui nous amènerait à perdre la face.

Eh, la dernière fois qu'on m'a parlé comme ça c'était un con-seil-ler d'o-rien-ta-tion genre psychologue scolaire... J'en ai encore des sueurs froides, mec, tu vois'... trauma... y'a des trucs que j'men remets pas... les souvenirs, ça t'arrache chaud des fois... p'têt' un copain de ma mère : le mec q'u'a des souvenirs que du lycée, tu vois... enfin, de ces machins de mémoire... je creverai d'une tumeur...


de Raphaël Edelman
19 Jan 2006 22:37:43

> inexplicable entre homme et animal, on me parle de langage, mais on ne règle pas ce faisant les problèmes considérables que posent ces apports : par exemple - A quelle date l'homme parlant s'est-il détaché des animaux muets? et pour quelles raisons?

TU parles de surnaturel et de langage. Pour la date je n'ai pas de réponse. Cela s'est fait pendant un si long moment.

> Pourquoi, alors que les animaux possèdent (comme nous l'avons tous observé) un regard, des sens, une mobilité, une autonomie, leur serait-il dénié toute intériorité? Ne s'agit-il pas d'un postulat a priori d'origine religieuse, sourcé dans l'univers intellectuel monothéïste, redéfini par Descartes (animaux-machines) et imperturbablement maintenu par des béhaviouristes persuadés qu'en réalité, dans la boîte noire, il n'y a rien que du noir

Il n' y a qu'une réponse évolutionniste à ça. Si dieu l'a voulu, qu'en savons nous? Il est évident que l'intériorité possède un soubassement physique, savoir un système neuronal particulièrement complexe. Mais le phénomène de l'intériorité qui en résulte ne peut se penser sans la religion, effectivement. la métaphysique que tu dénigre est une tentative de s'orienter dans cette intériorité.

> Et ça nous avancerait à quoi' A nier ce que nous faisons, après avoir nier ce que font les animaux. A noter qu'il ne s'agit pas non plus de dénier à l'homme ses compétences exceptionnelles.

je suis béhavioriste avec les animaux, sans vergogne, ce qui revient au même que d'être éthologue. Par contre "Des représentations mentales sous une autre forme que la pensée consciente ne sont pas des représentations mentales mais des stimuli" est un énoncé bien trop idéaliste pour être béhavioriste. Alors tu peux me traiter d'idéaliste, ça me fera plaisir.

> non justement, pas juste un cheval, j'aurais vraiment voulu savoir si tu reconnaissais des différences entre les animaux, et lesquelles, sur quels critères. Peut-être le sujet ne t'intéresse pas assez, dans ce cas tant pis.

Justement. sur quel critère veux-tu faire une différence avec les animaux? Si c'est celui de l'intériorité, du degré de conscience ou de liberté, tu te places d'emblée du point de vue de l'homme.

> Le théocentrisme est le trait sémantique commun concerné par mon propos. Et n'oublions pas l'Islam.

Le théocentrime? Y a-t-il des civilisations sans dieux? Tu veux dire monothéisme?

les Ptolémées employaient les juifs d'Alexandrie comme soldats. Il avait aussi des mercenaires gaulois ! Incroyables mic-macs de ces régions à ces époques. Mais comme quoi les juifs tuaient des animaux, humains en l'occurence.

C'est étrange cette tendance à vouloir faire du juif un sur-homme. Ce devrait-être le seul humain capable d'appliquer la loi mosaïque sans condition ?

raf



de Francois Coquet
19 Jan 2006 22:36:08

>C'est étrange cette tendance à vouloir faire du juif un sur-homme. Ce devrait-être le seul humain capable d'appliquer la loi mosaïque sans condition?

Ou le - singulier curieux - seul humain pour qui cette question ait un sens?

F.



de Raphaël Edelman
19 Jan 2006 22:44:26

>Autre secteur intensément concerné : la sexualité. L'ami dont j'ai parlé l'autre fois, Réginald, soutient la thèse d'une bissexualité fondamentale chez l'être humain, en arguant que nous serions un mélange éthologique entre l'éthos des chimpanzés, qui règlent les conflits sociaux par la violence, et celui des bonobos, qui les règlent par la sexualité (le cas échéant homo). ça pourrait servir à ressituer dans la perspective de l'histoire naturelle tout ce qui a trait aux deux forces Eros et Thanatos (cf Freud, Norman Brown, G. Bataille').

C'est vraiment très amusant
raf



de Raphaël Edelman
19 Jan 2006 22:48:29

>Ni l'un, ni l'autre. Parce que, justement, il y a eu évolution.

oui, c'était pour ironiser sur ton : un homme est un animal du point de vue de l'évolution. Récapitulatif :

>Du point de vue de l'évolution nous sommes des bactéries, des procaryotes.

raf (que personne ne me comprend parce qu'on le croit perfide et béhavioriste)


de Francois Coquet
19 Jan 2006 22:49:04

> raf (que personne ne me comprend parce qu'on le croit perfide et béhavioriste)


Ah, c'est donc pour ça?

F.


de L.L. de Mars
19 Jan 2006 22:49:46

> Les comportoments homosexuels sont communs à toutes les espèces, même les chimpanzés qui jouent plus souvent sur l'expression de la force

Des singes mâles qui s'enculent, ça ne fait pas des singes homosexuels. Ce sont juste des singes mâles qui s'enculent.
À moins que pour les antispécistes l'homosexualité soit juste une des localisations de la génitalité?
On tire donc un trait aussi, après la linguistique (puisque même notre Docteur C., pourtant pas soupçonnable d'antispécisme malgré son épouvantable tête de cheval, superpose communication animale et langage humain), sur un siècle de psychanalyse?
Certains bonobos combattent-ils ces pratiques? En inventent-ils d'autres?

il en faut des efforts sur le chausse-pied antispéciste pour forcer les catégories à pénétrer cette modélisation-là de l'animalité, hein...


de Raphaël Edelman
19 Jan 2006 23:03:48

> Les distinctions naturel/artificiel, naturel/culturel ne tiennent tout simplement pas: la culture c'est de la Nature, l'artificiel c'est de la Nature aussi. Et comme la Nature-Matière-Totalité est un chaos, elle ne contient au fond ni ordre ni hiérarchie (cf. Sade: "toute ma vie j'ai cherché à offenser la Nature etc...").

Il y a eu une discussion sur la discrétisation du réel où il semblait que nous étions d'accord pour dire qu'elle était fondée sur lui. Il offrait les moyens de distinguer à l'intérieur de lui. Mais selon toi, c'est un magma informe ? A vrai dire, j'aimerais mieux comprendre. la référence à Sade m'y invite.

raf



de Ludovic Bablon
19 Jan 2006 23:03:50

> TU parles de surnaturel et de langage. Pour la date je n'ai pas de réponse. Cela s'est fait pendant un si long moment.

En tout cas la littéralité des textes sacrés sur lesquels se sont appuyées les traditions dont nous sommes descendants n'ont pas du tout conçu les choses comme ça. Au 16è un scientifique chrétien calcule que l'univers a 6000 ans, et à l'époque ça parait énorme. Au moment de la naissance d'une science préhistorique les premiers préhistoriens sont tournés en dérision et les fossiles sont appelés des cailloux. Au moment de la naissance de l'éthologie les Vrais Scientifiques purs et durs ont ricané. Jusqu'à ce que ces recherchent produisent des résultats tels qu'ils ont balayé les Vrais qui se sont avérés faux.

> Il n' y a qu'une réponse évolutionniste à ça. Si dieu l'a voulu, qu'en savons nous?

Es-tu croyant?
Je n'aime pas trop la récupération de l'évolutionnisme par les esprits religieux. D'abord tous les religieux ont dit non, puis quand il a été trop incontestable qu'en fait c'était oui, ils ont élaboré des manières religieuses de dire oui.
Là-dessus je te renvoie au bouquin "Les Matérialismes (et leurs détracteurs)", op.cit. (Athané, Lecointre, chez Syllepse.)
Par ailleurs n'es-tu pas une des personnes que j'aie lue te référant à Nietzsche'' Donc généalogie de la morale ou pas' Critique radicale des arrière-mondes ou pas?

> Il est évident que l'intériorité possède un soubassement physique, savoir un système neuronal particulièrement complexe. Mais le phénomène de l'intériorité qui en résulte ne peut se penser sans la religion, effectivement. la métaphysique que tu dénigre est une tentative de s'orienter dans cette intériorité.

en sciences je crois bien qu'on applique une règle de parcimonie. La métaphysique ne me semble pas requise par l'observation des animaux et l'inférence comme quoi ils possèdent une intériorité.

> je suis béhavioriste avec les animaux, sans vergogne, ce qui revient au même que d'être éthologue.

Je ne vois pas pourquoi, peux-tu expliquer? En quoi ça reviendrait au même? Bien entendu les oppositions sont majeures et très significatives des présupposés. Le regard porté est différent ; les méthodes d'étude et d'approche sont RADICALEMENT différentes (le labo contre l'étude in situ ; en labo, aucun behaviouriste n'aurait pu observer les transmissions culturelles des études de longue durée in situ dans les écosystèmes réels des singes. Autant étudier la sexualité humaine sous le seul angle de la sexualité carcérale !)

> Par contre "Des représentations mentales sous une autre forme que la pensée consciente ne sont pas des représentations mentales mais des stimuli" est un énoncé bien trop idéaliste pour être béhavioriste. Alors tu peux me traiter d'idéaliste, ça me fera plaisir.

Euh, a priori tu m'es sympathique, je regrette d'avoir à te le dire !!! :-) On peut n'être pas d'accord sans s'étriper, et en discuter paisiblement.

> Justement. sur quel critère veux-tu faire une différence avec les animaux' Si c'est celui de l'intériorité, du degré de conscience ou de liberté, tu te places d'emblée du point de vue de l'homme.

1/ je m'adressais à Laurent,
2/ ma phrase était "j'aurais vraiment voulu savoir si tu reconnaissais des différences entre les animaux", donc ENTRE et non AVEC.
Mettons que je te le demande à toi raphaël : fais-tu des différences "ontologiques" entre les animaux, sur par exemple les critères de possession ou pas d'un système nerveux, d'un cortex, de pattes et d'ailes, de mode alimentaire, de place dans les chaines alimentaires, etc ?
Quant à moi j'en fais, le rapport à la douleur et le droit de ne pas en subir gratuitement ne sont pas les mêmes suivant qu'on parle de bactéries sans nerfs ou de vertébrés avec nerfs, d'animaux sociaux vivant en couples ou en colonies (rapport indivi/collectif totalement différent), etc.
Ces distinctions semblent importantes parce qu'elles induisent, ou pas, des capacités (intellectuelles, émotionnelles) et des droits (dans comment l'humain les traite).

> Le théocentrime? Y a-t-il des civilisations sans dieux? Tu veux dire monothéisme?

Je veux dire que c'est la même chose, dans un monothéïsme Dieu peut-être retiré (ex, tsimtsoum comme m'a expliqué Laurent (orthographe ?), il n'en est pas moins fondateur et source originelle.
Je crois qu'on va réaliser la première civilisation réellement athée, oui, à terme. ça vient.

> C'est étrange cette tendance à vouloir faire du juif un sur-homme. Ce devrait-être le seul humain capable d'appliquer la loi mosaïque sanscondition?

C'est une manie''
"Le" juif? tu crois que je dirais ça?Ou que je serais un antisémite super prudent?
Je n'ai rien demandé aux juifs sous Ptolémée, je me borne à faire un lien entre ce que vient de m'apprendre laurent (sur la chasse interdite) et ce que je viens d'apprendre dans un livre sur l'Egypte gréco-romaine. Je ne savais pas qu'il y avait eu des juifs employés comme soldats par des monarques hellénistiques. Idem pour les gaulois importés ! Simplement curieux !
Sérieux, enlève-toi de la tête ces idées tu veux bien? C'est lassant.
Je vois dans la charte : "La liste n'est pas destinée à:
(...)
- La moindre expression de censure que ce soit
(...)"
Faire des insinuations à l'antisémitisme systématiquement chaque fois qu'il est question de population juive, de judaïsme, de Dieu, etc, ça frise la censure. On peut parler de l'histoire des peuples et des pouvoirs, dont les juifs font partie, on n'y gagnera que des connaissances.
Cordialement,
ludovic.


de Raphaël Edelman
19 Jan 2006 23:23:51

> même en démocratie égalitaire il y a toujours certains plus égaux que d'autres ; nous serions donc un animal ET hiérarchique ET égalitaire (réseau pères2pairs).

Il n'y a pas d'égalité chez l'animal. Je me demande même s'il y a une hiérarchie à proprement parler. A moins de projeter nos idéologies aristocratiques sur le système prédateur-proie.

> on peut en conclure que certains animaux ont :
- des états mentaux
- une intériorité
- une intelligence et une capacité à la gérer librement.
Ce qui est impressionnant c'est qu'ils arrivent à cela sans connaitre le latin et sans avoir la foi.

L'outillage n'est pas ce qui caractérise proprement l'homme. Ca ne peut pas être un argument pour en faire un animal.

raf



de Ludovic Bablon
19 Jan 2006 23:18:18

> il en faut des efforts sur le chausse-pied antispéciste pour forcer les catégories à pénétrer cette modélisation-là de l'animalité, hein...

Ecoute, je suis disponible pour changer mes idées si tu as quelque chose de convaincant à me dire.

1/ La psychanalyse fait appel, dans sa psychodynamique, à des pulsions.
Question :
- D'où viennent-elles?
--> Mon hypothèse : en dernière analyse, du fait que l'homme est un animal sexué et social.

2/ Le corps de l'être humain varie de sorte qu'on en appelle certains des hommes et d'autres des femmes ; on sait qu'il existe aussi divers types (Robert Stoller, pour ceux qui aiment lire des livres, fait le point là-dessus dans son ouvrage "La perversion, forme érotique de la haine") d'hermaphrodisme génétique et phénotypique (plusieurs cas posibles) et de non-correspondance entre l'identité corporelle et l'identité psychologique vécue mais ces formes sont minoritaires.

Question:
- D'après toi, quelle est la cause première du dimorphisme sexuel?

3/ Tu refuses une explication primatologique de l'homosexualité (en fait, Réginald évoque la bissexualité).
Question:
- Comment s'explique-t-elle?

4/ La biologie évolutionniste, l'éthologie, et la préhistoire, entre autres, réinsèrent, après des milliers d'années de conceptions différentes (d'origine religieuse), l'homme dans l'histoire naturelle des animaux.
Question:
- Quels arguments peux-tu avancer pour affirmer une différence radicale de "nature" (ou donne le terme qui te semble convenable en fonction de ce que tu comprends de la question) entre "l'homme" d'une part, les "animaux" de l'autre.

--> Pour info d'après moi le meilleur argument pour affirmer cette séparation était celui du projet divin appliqué à la seule humanité (lui conférant langage et âme dont seraient dépourvus les animaux), et cet argument est caduc comme les paradigmes religieux qui l'ont fait naître.


de L.L. de Mars
19 Jan 2006 23:24:32

> L'outillage n'est pas ce qui caractérise proprement l'homme. Ca ne peut pas être un argument pour en faire un animal.

le faisceau des traits a été évoqué par moi, puis oublié sous deux tonnes de mantras positivistes (il n'y a hélas aucune contradictions dans les termes); d'une manière générale, il suffira à quiconque serait soucieux de répondre au courrier logorrhéïque et infantile (dis papa comment ça marche un lapin?) qui vient de tomber dans ma boîte aux lettres de se reporter à ce qui a été dit AVANT.

À moins de croire, comme sur un plateau de télé, que c'est le dernier qui cause qui a raison.

Même méthode sur ce fil que le mois dernier: l'usure, l'invasion, la répétition maniaque, la surdité jusqu'à l'idiotie. Pas d'autres vacances en perspective Ludovic?

L.L.d.M.


de Ludovic Bablon
19 Jan 2006 23:29:45

> L'outillage n'est pas ce qui caractérise proprement l'homme. Ca ne peut pas être un argument pour en faire un animal.

Je ne formule pas ça ainsi comme tu sais : il ne s'agit pas "d'en faire" un animal ou non, mais de dire ce qui est, comme c'est. Si on a de bons arguments dans un sens plutôt que dans l'autre, il faut accepter, c'est le jeu de l'étude.
Je dirais donc que l'utilisation d'outils et la modification de l'envirronnement par l'activité du corps, présentes chez sapiens sapiens et aussi chez la loutre, le castor, les oiseaux nidificateurs, les araignées, etc, sont un argument qui va dans le sens d'une communauté d'expérience. Nous construisons des abris (nous discutons dans le terrier où nous sommes arrivés après avoir cliqué sur une image de singe à l'ordinateur...) comme tous les corps fragiles en construisent pour se protéger du milieu et développer un micro-milieu plus propice.
"L'outillage n'est pas ce qui caractérise" --> Oui, à mon sens il est impossible de caractériser l'homme sur des critères uniques et décisifs, et ça me semble justement une marque de notre commune animalité. Le propre de l'homme' Rien de déterminant, justement. De là l'idée d'enrichir notre vision du monde en reconsidérant les apports animaux à la culture, à la technologie, à la société, au sens. (Déjà concrètement réalisé, l'aéronautique, les radars, les automates...)

Une question : quelles seraient les bonnes raison de refuser notre animalité, si une telle chose existait? Serait-ce offensant? Rabaissant? J'ai le sentiment que tu t'opposes à cette idée animale, sans comprendre en dernier ressort pourquoi.


de L.L. de Mars
19 Jan 2006 23:34:08

> 1/ La psychanalyse fait appel, dans sa psychodynamique, à des pulsions.

Hm. Merde, à force de glisser sur tes conneries, j'en rate les passages les plus fascinants...

Ludovic, la dynamique des pulsions a été rejetée par Freud lui-même qui avait admis s'être laissé aveugler par la volonté de faire coïncider le modèle psychanalytique avec les modèles dominants (pour des raisons de politique territoriale des savoirs évidente) : homéostasie quand tu nous tiens...

Putain, pourquoi je réponds encore? Dans dix courriers de litanie, tu vas nous ressortir ta dynamique des pulsions. «Mais tu m'as pas réponduuuu»...

Je me jure de plus lire, et puis je lis quand même, ça m'énerve au plus au point (comme toutes les tirades d'illuminés braillards), et je réponds.

Un bain chaud, c'est ça qu'il me faut, un bon bain chaud. Et lâcher cette putain de boîte aux lettres.


de Ludovic Bablon
19 Jan 2006 23:43:46

> Même méthode sur ce fil que le mois dernier: l'usure, l'invasion, la répétition maniaque, la surdité jusqu'à l'idiotie. Pas d'autres vacances en perspective Ludovic?

Je préférerais que tu me répondes vraiment au lieu de mettre ton autorité au service de la fin de la discussion.
Je crois sincèrement que les enjeux sont importants et entrent dans le cadre de la liste.
La discussion est partie du calcul ; or a-t-on dit, pour compter, il faut d'abord discrétiser ; pour ce, il faut être vivant, disposer de ce qu'on appelera faute de mieux un "esprit" et avoir un intérêt à reconnaître les objets comme détachés du continuum et en quelque façon autonomes ; de là, la question de la pensée animale, de son vécu du monde, de sa construction de sens. Pour des raisons peu claires, et contre les données scientifiques, l'intérorité a été déniée à l'animal - les mouches sont toutes les mêmes et les chevaux sont des pierres comme tout le monde ; avec cela, je ne suis pas d'accord, et j'essaie d'argumenter en ce sens.

Tes réactions ont été d'éluder ; de passer mes questions sur le statut que tu accordes aux divers animaux, puisque tu leur refuses ce que je leur accorde ; pour un connaisseur en zoologie/entomologie ça ne semble pas sérieux.

Ah, je vois que tu réponds sur la psychodynamique... en chassant l'idée et laissant le vide plutôt qu'un apport. Est-ce que je me trompe si je dis qu'en psychanalyse on fait quand même appel à des "énergies", dont déplaçant logiquement la question, je te demande toujours la source ?

Maintenant, redis-moi de ne plus en parler, je me tairai.

Ludovic.



de Raphaël Edelman
19 Jan 2006 23:58:03

> des cailloux. Au moment de la naissance de l'éthologie les Vrais Scientifiques purs et durs ont ricané. Jusqu'à ce que ces recherchent produisent des résultats tels qu'ils ont balayé les Vrais qui se sont avérés faux.

Non j'ai dit que la mutation de l'animal à l'homme avait pris trop de temps pour parler de "date". Autrement dit, je n'en sais rien.

> Es-tu croyant? Je n'aime pas trop la récupération de l'évolutionnisme par les esprits religieux. D'abord tous les religieux ont dit non, puis quand il a été trop incontestable qu'en fait c'était oui, ils ont élaboré des manières religieuses de dire oui.

oui

> Par ailleurs n'es-tu pas une des personnes que j'aie lue te référant à Nietzsche'' Donc généalogie de la morale ou pas' Critique radicale des arrière-mondes ou pas?

ou pas

> .La métaphysique ne me semble pas requise par l'observation des animaux et l'inférence comme quoi ils possèdent une intériorité.

eh bien si

> en labo, aucun behaviouriste n'aurait pu observer les transmissions culturelles des études de longue durée in situ dans les écosystèmes réels des singes. Autant étudier la sexualité humaine sous le seul angle de la sexualité carcérale !)

Ah d'accord. L'éthologue est sur le terrain et le béhavioriste au labo.
D'accord. J'opposais l'éthologue et le béhavioriste au phénoménologue, ce qui me paraissait approprié à la quesion de l'intériorité.
Justement. sur quel critère veux-tu faire une différence avec les animaux? Si c'est celui de l'intériorité, du degré de conscience ou de liberté, tu te places d'emblée du point de vue de l'homme.

>1/ je m'adressais à Laurent,

t'as qu'à lui écrire en privé si je te gêne.

> fais-tu des différences "ontologiques" entre les animaux, sur par exemple les critères de possession ou pas d'un système nerveux, d'un cortex, de pattes et d'ailes, de mode alimentaire, de place dans les chaines alimentaires, etc?

oui

> différent), etc. Ces distinctions semblent importantes parce qu'elles induisent, ou pas, des capacités (intellectuelles, émotionnelles) et des droits (dans comment l'humain les traite).

Tu veux fonder un sorte de morale physique?

> (orthographe'')), il n'en est pas moins fondateur et source originelle. Je crois qu'on va réaliser la première civilisation réellement athée, oui, à terme. ça vient.

Sauf si l'athéisme est une religion. Peut-être même une religion monothéiste.

> C'est une manie'' "Le" juif ' tu crois que je dirais ça' Ou que je serais un antisémite super prudent?

C'est toi qui en fait une manie. T'ai-je traité d'antisémite? Tu sors des poncifs sur les juifs qui commettent le meurtre en dépit des commandements. Qu'est-ce que tu veux que je te dise.

> Dieu, etc, ça frise la censure. On peut parler de l'histoire des peuples et des pouvoirs, dont les juifs font partie, on n'y gagnera que des connaissances. Cordialement, ludovic.

Je ne te censure pas sur les juifs ni sur autre chose. je te dis ce que je pense, ce qui ne me paraît pas hors charte. Je disais à Laurent en privé, et il m'a conseillé de le dire, donc je le dis, on confond trop les attaques contre les phrases aves des attaques contre des personnes. Je suis en croisade, sur la liste, contre les propos insouciants par contre ludovic.

Très cordialement.
raf



de Raphaël Edelman
20 Jan 2006 00:17:41

> Je dirais donc que l'utilisation d'outils et la modification de l'envirronnement par l'activité du corps, présentes chez sapiens sapiens et aussi chez la loutre, le castor, les oiseaux nidificateurs, les araignées, etc, sont un argument qui va dans le sens d'une communauté d'expérience.

Non. Ni entre l'homme et la loutre. Et ni entre la loutre et l'araignée non plus.

> De là l'idée d'enrichir notre vision du monde en reconsidérant les apports animaux à la culture, à la technologie, à la société, au sens. (Déjà concrètement réalisé, l'aéronautique, les radars, les automates...)

je n'ai rien contre

>Rabaissant? J'ai le sentiment que tu t'opposes à cette idée animale, sans comprendre en dernier ressort pourquoi.

hou la la, 12 :15, déjà. Faut que je dorme. Bonne nuit.

raf

ps : sur mon refus de n'être qu'un animal, je répondrai demain, si tu veux bien.


de Ludovic Bablon
20 Jan 2006 00:47:46

> Non j'ai dit que la mutation de l'animal à l'homme avait pris trop de temps pour parler de "date". Autrement dit, je n'en sais rien.

Ok, c'est une info. J'en sais rien non plus ! Mais j'ai lu des reconstitutions hypothétiques intéressantes. Derek Denton ou Leroi-Gourhan. Mais sur la question du langage c'était pas précis.

>>Nietzsche'' Donc généalogie de la morale ou pas? Critique radicale des arrière-mondes ou pas?
>ou pas

Réponse un peu ambigüe. L'argumentaire nietzschéen m'a paru saisissant. Dominé dans cette vie, le faible s'invente un monde d'après, d'où il juge le monde actuel et le dévalorise. Il développe une vision noire de la vie, sur laquelle il s'appuie pour renverser la domination ; ce qui aurait fonctionné historiquement dans le cas du christianisme, d'abord interdit et durement réprimé par l'Empire païen, puis le renversant et l'éliminant (à Alexandrie, destruction violente des temples de Sarapis, d'Isis etc, et leur remplacement par des monastères ; meurtre de la philosophe païenne Hypathie par des fanatiques aux ordres du patriarche Cyrille...)
Mais il y a beaucoup de choses pas claires dans cette généalogie. Nietzsche pense-t-il que la force peut s'appliquer sans limites et faire des victimes, et que c'est admissible' Si toute morale est justiciable de cette généalogie, quels sont alors les critères d'évaluation du comportement? ça me dépasse...

>> La métaphysique ne me semble pas requise par l'observation des animaux et l'inférence comme quoi ils possèdent une intériorité.
>eh bien si

Puis-je te demander pourquoi ?

> J'opposais l'éthologue et le béhavioriste au phénoménologue, ce qui me paraissait approprié à la quesion de l'intériorité.

Je suis complètement ignorant de la phénoménologie. J'ai essayé d'y accéder mais ça n'a rien donné. Si tu veux expliquer je t'écoute.

>t'as qu'à lui écrire en privé si je te gêne.

Je ne voulais pas dire ça, mais que je lui posais vraiment une question à lui destinée.

> > fais-tu des différences "ontologiques" entre les animaux, sur par exemple les critères de possession ou pas d'un système nerveux, d'un cortex, de pattes et d'ailes, de mode alimentaire, de place dans les chaines alimentaires, etc?
>oui

Tu as parlé brillamment du Gorgias, tes réponses limitées maintenant à un seul mot évoquent un peu les réponses des sophistes quand ils ne trouvent plus les mots. Soit tu trouves que la discussion est en-dessous de toi et de la liste, dans ce cas abandonnons, soit tu ne te prêtes pas au jeu et je le regrette.

>Tu veux fonder un sorte de morale physique?

C'est vrai qu'à l'horizon il pourrait y avoir ça mais ce n'est vraiment qu'une hypothèse, une suggestion. D'après moi ça vaut le coup d'être tenté, ça vaudrait mieux que des lois morales révélées, et ça pourrait donner de la profondeur aux morales conventionnalistes (pourquoi tel consensus plutôt que tel autre? En raison de données éthologiques dépassant la seule humanité.)
J'ai oublié de rappeler que le premier animaliste (j'appelle ainsi ceux qui désirent une reconnaissance du vécu animal) a peut-être été Darwin, dans son livre sur les émotions chez les animaux. En réalité je doute qu'ils aient une vie mentale faite d'énoncés constatifs (pensée de cheval : "oh oh, voici de l'orge, je vais me régaler!!"), par contre nous aurions du mal à leur dénier le vécu de la peur, du plaisir, de l'aggressivité, et l'expression physique de ces émotions par des cris, des attitudes, une gestuelle, des émissions d'odeurs et toutes sortes d'autres signaux.
On sait que le chat qui se frotte à la jambe ne le fait pas, contrairement à ce qu'y voit le naïf antropomorphisme, par affection envers son maître, mais pour déposer son odeur. Néanmoins le ronronnement concomittant, qui n'a pas a priori de raison d'être adaptative, semble être une marque d'aise et de bien-être, et est intégré dans un système de communication affective homme/chat. C'est un quiproquo, en partie, le chat n'étant pas à l'homme ce que l'homme est au chat ; pourtant il y a véritablement interaction ; il y a quelque chose à penser là-dedans.

> Sauf si l'athéisme est une religion. Peut-être même une religion monothéiste.

Tss ! Une musulmane m'avait fait le coup, ça ne résiste pas à la discussion. C'est un peu ce qu'on dit quand le sac est vide d'arguments ! L'athéisme ne repose sur aucune révélation, il les disqualifie toutes comme créations humano-humaines (vieille idée : évhémérisme au 3è siècle avant JC, appliqué au paganisme grec, repris au 18è contre le dogme chrétien). Il n'énonce aucun dogme, il les empêche tous. Il n'a pas de culte et pas de fidèles, il s'épargne les appels désespérés à des données inconnaissables et mystérieuses, il laisse planer le doute là où le savoir est impossible.
Tu penses qu'une attitude areligieuse est impossible?

> C'est toi qui en fait une manie. T'ai-je traité d'antisémite ' Tu sors des poncifs sur les juifs qui commettent le meurtre en dépit des commandements. Qu'est-ce que tu veux que je te dise.

C'est factuel et sans arrière-pensées, ça dit bien qu'il n'y a pas d'exception, chaque humain peut tuer et être soldat, avoir un comportement d'agressivité utilitaire sourcée d'après moi dans l'animalité, c'est bien regrettable. Je ne sais pas si les juifs soldats de Ptolémée étaient croyants ; j'ignore si c'étaient des descendants de ceux que le Pharaon avait fait ses esclaves? Il y a pu avoir un syncrétisme bizarre éloignant les juifs d'Alexandrie des commandements bibliques? Je sais qu'ils demandaient aux Empereurs romains d'avoir les mêmes privilèges que les grecs. Les macédoniens les avaient mieux traités, car ils avaient donné ces privilèges ; les plus dominés dans ce contexte étaient les égyptiens de souche, à l'exception de l'aristocratie sacerdotale. Un peu plus tard les juifs s'étant révoltés, Trajan les a fait massacrer, en 115-117 ap JC, et les grecs s'y sont mis. Un peu plus tard, vers 200, Caracalla a durement réprimé la jeunesse alexandrine. C'était une vraie poudrière cosmopolite, pleine de tensions en tous sens.

> Je suis en croisade, sur la liste, contre les propos insouciants par contre ludovic.

Très bien.
Comme dit, je suis ouvert pour faire évoluer ces idées.
Je me souviens de ma résistance quand j'ai lu le Que sais-je sur le cerveau par Paul Chauchard. C'était inadmissible pour moi à l'époque : le monde mental expliqué par des faits matériels, en l'occurence neuronaux '' L'état dépressif lié à des conneries chimiques' ça me révoltait. Puis j'ai lu d'autres choses et maintenant je crois que je suis de ce côté-là, réflexion faite. Et on ne peut pas arrêter de réfléchir, il y a toujours des problèmes, des limites, des exceptions, des faits nouveaux qui perturbent les compréhensions établies.

ludovic.


de bausson joachim
20 Jan 2006 02:20:55

> Ah, je vois que tu réponds sur la psychodynamique... en chassant l'idée et laissant le vide plutôt qu'un apport. Est-ce que je me trompe si je dis qu'en psychanalyse on fait quand même appel à des "énergies", dont déplaçant logiquement la question, je te demande toujours la source?

1H43 (les yeux cernés). Deux ou trois choses :
1. Le souci du fondement (de la source) est justement, il me semble, un souci bien métaphysique, Ludovic. (je te renvoie à Spinoza et à ses très belles pages du Traité de la réforme de l'entendement où il "repond" à Descartes sur ce point, où il démontre l'impossibilité d'établir, de distinguer un fondement originel)
(Raf, je dis pas trop de bêtises')

2. Ce qui importe à la psychanalyse, ce sont les motions substitutives à la pulsion. On ne voit, on n'a jamais, en propre, la pulsion - et le sujet est sujet, je dirais, en ceci justement qu'il se constitue dans et par une économie infinie de la substitution (-disons : des jeux de renvois sans fin de signifiants-). Bref, les psychanalystes se moquent de la source comme d'une guigne, et ils font bien.
puis :

3. Je ne peux me dire croyant, Ludovic. Mais es-tu bien-sûr de savoir reconnaître les puissances de l'inactuel? Lorsque tu dis les religions désuettes ou dépassées (ou quelquechose comme ça - tu excuseras ma fatigue, n'est-ce pas?), eh ben, moi, ça me fait sourire : parce que les religions, justement, ne se dépassent que pour le regard du profane, parce qu'elles ont toujours déjà su répondre à tout cela, parce que ce qui te permet de penser quoi que soit comme "dépassé", c'est bien encore l'histoire entière de la métaphysique, par ce que, enfin (un "enfin" par ce qu'il est maintenant 2h14), il est des plans d'actualité, il est d'inactuelles actualités, qui n'ont rien à voir avec ton présent et qui se jouent, non pas ailleurs, mais...
Joachim

P.S : la mort de Dieu est un meurtre, n'est-ce pas? Or, on ne peut tuer que l'incarné... Alors, le Séparé?... (j'arrête, je commence à voir des montagnes et un serpent et des soleils qui se lèvent...)
Bonne nuit


de Ludovic Bablon
20 Jan 2006 03:20:45


>la mort de Dieu est un meurtre, n'est-ce pas? Or, on ne peut tuer que l'incarné... Alors, le Séparé?... (j'arrête, je commence à voir des montagnes et un serpent et des soleils qui se lèvent...)

*1/ pas de la métaphysique mais de l'histoire ! et naturelle, l'histoire ! Je ne suis pas tellement en recherche du seul point d'origine, mais des chaînes de nous jusqu'au début, en remontant le courant - et c'est le voyage qui est intéressant, pas juste l'arrivée. D'ailleurs si cette demande de réponse n'est pas méta-physique puisque je me situe dans un cadre matérialiste immanentiste que je voudrais strict (posant d'abord la matière, puis une organisation vivante de cette matière, puis une sensibilité issue de cette vie, puis une pensée issue de cette sensibilité... le tout sans faire appel à une extériorité spirituelle, pensant que s'il y a spiritualité elle est d'ici, de l'intérieur du monde), elle est réellement religieuse au sens étymologique, à savoir que je demande à connaître les liens qui unissent les êtres et leurs propriétés.
2/ mais à la limite, si les psychanalystes s'en moquent, peu importe, la question reste ouverte non,'d'où ça vient, comment ça s'explique en amont, à quoi ça tient? ça n'est pas posé au milieu du vide? pourquoi des désirs, pourquoi des besoins?
3/ tu sais Joachim j'ai beau dire j'ai aussi un sacré penchant pour les fariboles religieuses, dans toutes les cultures à divinités il y a tellement de récits superbes et d'images... édifiantes... parce que la condition humaine, comme la condition animale, est réceptive à ce qui l'entoure, c'est ce qui sépare les femmes, les loutres et les serpents, des cailloux, des étoiles et des gazs. N'empêche, humain trop humain : trop de religions sont mortes sans descendance avec leurs dieux, trop de fois les religions universelles sont restées cantonnées à des influences locales dans des populations données, et trop de fois enfin les pensées religieuses se sont opposées à des progrès dans le savoir ou les moeurs, cherchant à détruire tout ce qui allait à leur encontre. Les bons côtés des religions, je pense qu'on peut les laïciser sans rien y perdre (ça donne des arts, des fêtes, des extases, on ne perd rien, on élargit même les possibilités de jouissance) et les mauvais, on les laisse disparaître (le dogmatisme, le spécisme, l'essentialisme, les mondes figés une fois pour toutes, les dolorismes, les rigorismes moraux...)
3h19, pleine forme !!!
;-)
Il est vrai que je n'ai pas compris ton "économie infinie de la substitution" : qu'est-ce que ça veut dire?


de L.L. de Mars
20 Jan 2006 03:25:30

>1/ pas de la métaphysique mais de l'histoire !

Comme si l'histoire n'était pas transcendantale... Serait-ce une naturalité des faits? Est-ce une boulaie sauvage?



de: Philippe De Jonckheere
20 Jan 2006 09:14:24

> L'outillage n'est pas ce qui caractérise proprement l'homme. Ca ne peut pas être un argument pour en faire un animal.

ainsi on prête de la psychologie aux castors à cause de leurs architectures



de Raphaël Edelman
20 Jan 2006 10:30:41

>Une question : quelles seraient les bonnes raison de refuser notre animalité, si une telle chose existait ' Serait-ce offensant ' Rabaissant ' J'ai le sentiment que tu t'opposes à cette idée animale, sans comprendre en dernier ressort pourquoi.

Je n’ai aucune raison de nier que nous avons un corps avec ses fonctions animales. Mais si je ne refuse pas notre animalité, je dis que ce n’est pas suffisant. Ce corps n’est pas vécu par moi de manière neutre. J’y projette mon savoir, mes craintes. Je le vis de façon parfois médicale, parfois esthétique. J’ai toute une histoire avec ce corps que j’ai détesté, puis supporté et qui me reste mystérieux. C’est une véritable matrice à fantasmes ce corps. Il en est de même avec l’animalité plus globalement. Mon contact avec cette animalité est encore plus conceptuel. C’est d’abord l’animalité de ma culture. Le monde animal pour moi, à quatre ans, devait ressembler à des bêtes sur colorées avec un air débonnaire. Pour Epicure, c’est un vrai guêpier. Il y a l’animalité du zoologue, celle de l’aventurier. Tout cela pour dire que l’animalité que je parais refuser est une chose bien complexe.
Philosophiquement, je pourrais dire que du point de vue de l’intelligence l’homme est le plus intelligent des animaux, même s’il est encore particulièrement stupide. Mais il ne s’agit pas que d’être capable de faire de la physique nucléaire. L’intelligence est surtout une capacité d’invention, une souplesse, une habileté. Rousseau, comme Epicure, attire notre attention sur le fait que l’homme est le plus inapte à l’existence des animaux. Son agilité est nulle et sa vulnérabilité immense. Il n’a aucune qualité propre. Ce qu’il fait, c’est imiter. Il emprunte, combine, ruse. Peu à peu on se rend compte que l’intelligence suppose une certaine liberté. La liberté, c’est peut être notre nullité devenue un horizon de possibilité. Plus prosaïquement, être libre c’est être cause de son action. Tu me diras, comme Spinoza, mais notre liberté n’est que l’ignorance de notre détermination. Sans doute sommes-nous animalement déterminés, mais avec de telles possibilités de dérivation de ces déterminismes que nous parvenons à être réellement créatifs et pas simplement des automates régis par l’instinct. Nous parvenons par exemple à traverser la temporalité immédiate, ce qui est fondamental dans la création artistique.
Et pour finir, cet autre élément, lié aux précédents : la singularité consciente. Je ne puis être une fourmis, ni même un chien, tant ma dépendance à l’égard de mon espèce et du monde est mentalement brisée. Je vis chaque instant dans une solitude extrême, dans la décision et la responsabilité, dans l’angoisse de ma perte et de celle du monde, avec la mort dans chacune de mes veines. C’est simplement la racine de notre liberté. Vouloir la nier pour une osmose grégaire avec la nature ou ses proches, par confort moral, c’est simplement renoncer à soi. Voilà, j’oppose moins l’homme à l’animal que ce soi là.


de L.L. de Mars
20 Jan 2006 11:24:27

> façon parfois médicale, parfois esthétique. J’ai toute une histoire avec ce corps que j’ai détesté, puis supporté et qui me reste mystérieux. C’est une véritable matrice à fantasmes ce corps.

à force de nous rester calés dans le cul dans une sarabande pathétiquement imitative, nos animaux domestiques ont développé des maladies psychosomatiques; c'était l'occasion inespérée de développer le sujet qu'ils sont censés être non? Hé bien toujours pas. Pas de névrose animale à l'horizon... pas de conversion hystérique à poils durs... l'épiderme animal reste terriblement muet (je renvoie aux courriers précédants éclairant la notion de signifiants dans la conversion et la différence radicale avec les maladies psychosomatiques. J'espère que tu archives tes messages!)

> Epicure, c’est un vrai guêpier. Il y a l’animalité du zoologue, celle de l’aventurier.

Celle du prêtre égyptien; ces transformations à la fois territoriales (partage ou coupure des champs avec l'altérité animale), économique, morphologiques, sont aussi des traits dérivés de la singularité humaine, des traits propres à la singularité de son mode de transformation (je le répète pour ceux que ça intéresse encore: un faisceau de traits ; arrêtons avec les fantasmes superstitieux de causalité unique); pour le pompile, l'araignée n'a pas quitté (aucune araignée) et ne quittera jamais sa place d'hôte pour ses larves. Certains entomologistes amoureux, dont je suis, se prennent de tendresse pour la fourmi parce qu'elle peut entourer de soins si inutiles ses larves que parfois elle les tue. Des gestes inutiles, épatant!*... Le rêve se dissipe vite devant le partage étendu à l'infini dans le temps et l'espace de cette inutilité là-aussi par toutes les fourmis (pas de sujet) et seulement par elle (pas d'extension inventive du monde, leurs pucerons-mêmes ne font pas de geste inutiles) et seulement ce geste inutile-là.

> l’existence des animaux. Son agilité est nulle et sa vulnérabilité immense. Il n’a aucune qualité propre. Ce qu’il fait, c’est imiter.

mais non; s'il imitait, nos automobiles se déhancheraient maladroitement sur des ridicules parodies de pattes, comme les gadgets de Georges Lucas. D'autre part, c'est écarter radicalement le concept du champ des objets (je dirais, de façon étendue: une pensée est un objet). Qu'imite la maïeutique comme pratique ? La dissemblance (Didi-Huberman) comme concept ? Le poème comme manifestation extême du sujet dans son discours ? Et je rajoute un énorme : etc.

> c’est simplement renoncer à soi. Voilà, j’oppose moins l’homme à l’animal que ce soi là.

le sujet adventif sans espèce, c'est ce que j'en ai dit dans ce même fil, à son tout tout début; est-ce que ça signifie que c'est plus clair quand tu le dis ? C'est vexant...

L.L.d.M.


* épatant parce qu'on les traque, évidemment (c'est l'amour qui veut ça); la vérité est probablement autre.


de Raphaël Edelman
20 Jan 2006 12:35:14

> Mais il y a beaucoup de choses pas claires dans cette généalogie. Nietzsche pense-t-il que la force peut s'appliquer sans limites et faire des victimes, et que c'est admissible? Si toute morale est justiciable de cette généalogie, quels sont alors les critères d'évaluation du comportement? ça me dépasse...

Nietzsche, je l'ai déjà dit, reprend la théorie de Calliclès dans le Gorgias de Platon. Mais il la reconsière dans un nouveau contexte. Ce n'est plus le sophiste contre le platonisme mais le vitaliste contre les lumières. Et à juste titre. Nietzsche est indigné contre la violence du puritanisme positiviste et industriel, contre la discipline militaire. Il dénonce une forme de violence qui se fait passer pour un progrès de la civilisation. Ensuite, on peut se demander si, dans un autre contexte, Nietzsche n'est pas scandaleux. Evidemment, un chef d'entreprise ultra libéral pourrait ,s'il le voulait, au même titre qu'un tyran, se revendiquer de Nietzsche. Mais c'est du détournement. L'ambition de Nietzsche était de reconquérir notre vitalité et notre créativité, pas d'asservir ou d'assassiner les gens.

>> en sciences je crois bien qu'on applique une règle de parcimonie. La métaphysique ne me semble pas requise par l'observation des animaux et l'inférence comme quoi ils possèdent une intériorité? eh bien si
>Puis-je te demander pourquoi ?

Parce qu'en physique il n'y a pas d'intériorité. Ce ne sont que des faits externes, des comportements qui l'intéressent. L'intériorité reste un thème métaphysique.

> Je suis complètement ignorant de la phénoménologie. J'ai essayé d'y accéder mais ça n'a rien donné. Si tu veux expliquer je t'écoute.

Ca serait long. Mais en gros le phénoménologue (Husserl) s'oppose au positiviste (comte). Ce dernier prétend observer des faits bruts et se passer de la métaphysique. Il croit au rapport direct et mesurable à l'être. Par contre le phénoménologue lui opposera que cet être n'est que l'être d'un apparaître par lui constitué. Les faits objectifs sont construits et non donnés. Ce qui va donc monopoliser l'attention du phénomènologue c'est la vie de son esprit, le déploiement de son intériorité, avant toute tentative de parler du monde.

raf


de Dr C.
20 Jan 2006 13:59:01

> On tire donc un trait aussi, après la linguistique (puisque même notre Docteur C., pourtant pas soupçonnable d'antispécisme malgré son épouvantable tête de cheval, superpose communication animale et langage humain)

Est-ce que le langage est suffisant pour caractériser l'homme? Est-ce que "communication animale" suffit pour caractériser les modes d'échanges entre toutes les espèces 'animales' existantes? Je ne confonds pas langage et communication animale,
je dis simplement que quelques rares espèces animales (certains primates, les dauphins) sembleraient pratiquer - ou être aptes à pratiquer - des modes d'échanges plus proches du langage que ce que l'on entend généralement par communication animale:

http://www.dauphinlibre.be/langage.htm#1.%20LA%20FONCTION%20DU%20LANGAGE%A0

Qu'est-ce qui te gène là dedans?
Dr C



de Dr C.
20 Jan 2006 14:36:02

> Il offrait les moyens de distinguer à l'intérieur de lui. Mais selon toi, c'est un magma informe ' A vrai dire, j'aimerais mieux comprendre. la référence à Sade m'y invite.

Ce n'est pas la question de la discrétisation du réel qui m'occupe là, mais la question de la Nature en tant qu'être séparé et ordonné.

Quand je dis que la Nature est un chaos, je veux dire qu'elle n'a pas de finalités (spatiales et temporelles) déterminables et prévisibles, qu'ontologiquement elle n'induit aucun sens, a fortiori aucune valeur. Sade a beau essayer d'agir contre-nature (d'imaginer des actions contre-nature), comment pourrait-il y parvenir dès lors que tout ce qu'il est et fait s'y inclut nécessairement. Je ne sais pas si cette interprétation est tout à fait orthodoxe.

Ainsi il n'y a rien à induire de la Nature, elle ne peut être que Totalité, mais ceci n'exclut pas qu'on puisse discrétiser la matière, si?

Dr C.



de Raphaël Edelman
20 Jan 2006 15:03:31

> Tu as parlé brillamment du Gorgias, tes réponses limitées maintenant à un seul mot évoquent un peu les réponses des sophistes quand ils ne trouvent plus les mots. Soit tu trouves que la discussion est en-dessous de toi et de la liste, dans ce cas abandonnons, soit tu ne te prêtes pas au jeu et je le regrette.

Ludovic. Je réponds oui, je fais une différence ontologique entre les animaux sur les critères de possession etc. Ensuite, si je ne me prêtais pas au jeu, je mettrais ton courrier à la corbeille sans prendre la peine de le baliser. Enfin, te rends-tu compte de ce que tu exiges de tes interlocuteurs? Une discussion c'est aussi de la retenue, de l'écoute, de la parcimonie. Je ne vais pas passer ma journée à écrire des fiches sur les multipes directions que tu ouvres sans faire attention aux réactions antécédentes.

> Il n'a pas de culte et pas de fidèles, il s'épargne les appels désespérés à des données inconnaissables et mystérieuses, il laisse planer le doute là où le savoir est impossible. Tu penses qu'une attitude areligieuse est impossible?

je le pense. Si l'athéisme est la doctrine consistant à nier l'existence de Dieu, j'ajoute qu'il faut l'avoir conçu. Athée était une insulte interne à la religion. C'était le reproche de ne pas en faire assez. Mais peu importe les arguments réthoriques ou historiques. Anthropologiquement, l'homme est croyant, en Dieux ou des divinités, ou en la santé, au progrès ou à la science. Attendons le surhomme qui n'aura plus de Dieu, il se possédera lui-même comme tel. Quant à cet être mou dont tu me parles, sans dogme, ni culte, ni fidèle, imperméable au mystère et sans curiosité, j'espère ne jamais le rencontrer.

> Et on ne peut pas arrêter de réfléchir, il y a toujours des problèmes, des limites, des exceptions, des faits nouveaux qui perturbent les compréhensions établies. ludovic.

Oui mais tout ça c'est chimique, n'est-ce pas, rien d'autre. T'as attrapé le virus cognitiviste.


de Raphaël Edelman
20 Jan 2006 15:11:18

> D'ailleurs si cette demande de réponse n'est pas méta-physique puisque je me situe dans un cadre matérialiste immanentiste que je voudrais strict (posant d'abord la matière, puis une organisation vivante de cette matière, puis une sensibilité issue de cette vie, puis une pensée issue de cette sensibilité... le tout sans faire appel à une extériorité spirituelle, pensant que s'il y a spiritualité elle est d'ici, de l'intérieur du monde), elle est réellement religieuse au sens étymologique, à savoir que je demande à connaître les liens qui unissent les êtres et leurs propriétés.

Tout est métaphysique là dedans : le vocabulaire, les dogmes. Tout y est.


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