SUJET : DEUIL NATIONAL (ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES
2002)
----- Original Message -----
From: "lldemars"
Sent: Saturday, April 27, 2002 11:16 AM
Subject: [terrier] art, tour d'ivoire et autres biduleries
>Euh, avec 5 millions de voix lepénistes, ne t'apparaît-il
pas que poser cette question recouvre justement une des données du problème,
qu'on pourrait appeler le syndrome de la tour d'ivoire ?
Tiens, tiens, et comment s'érige-t-elle, cette tour d'ivoire? Comment se
fait-il, par exemple, qu'un garçon si défavorable que toi - semble-t-il
- à l'érection d'une tour d'ivoire ait pourtant les clés
de la mienne. Donc? Donc ce que tu appelles tour d'ivoire ne cherche qu'à
stigmatiser ce que tu aurais avec moi appelé il y a dix jours des affinités
électives. Alors qu'on me foute la paix avec ça; je cherche depuis
toujours à vivre entouré de gens dont je puisse être fier,
dont je n'ai jamais à rougir.
Si mes raisons étaient de fuir au quotidien tout frottement avec le national-socialisme
ou quoique ce ce soit d'aussi assassin, en quoi cette fuite ne serait pas louable?
En quoi le fait de choisir des amis aussi difficiles que vous sur la qualité
de votre bonheur est une forme de cécité? C'est plutôt une
forme d'éveil qui y conduit.
Ce qui n'est pas très éveillé, c'est de venir maintenant
me faire l'éloge de l'expérience; je peux évoquer pendant
des années ce que je sais de l'organisation du fascisme en europe et ailleurs
(je n'ai pas eu besoin de faire le tour du monde pour écrire "Matamoros")
et n'avoir affaire qu'à des sourdingues pour qui tout ça est blabla
de paranoïaque.
Et là, il se passe quoi, maintenant? Pour mériter d'être entendu,
il faudrait que j'ai au moins quelque chose de pourri dans mon royaume, quelques
amis nazis comme lepen a ses domestiques nègres, c'est ça? Il n'y
a pas l'esquisse d'une pensée nazifiante autour de moi parce que ma vie
entière a rendu ça impossible.
>du moment, mais je la répète quand même
: la pénétration du FN va de pair avec l'abandon du terrain social
de la part de ceux qui devraient l'occuper.
Je te rappelle que l'artiste n'a pas à "occuper le terrain social"; il
n'y a que les institutionnels qui s'acharnent à confondre les deux (travail
artistique et travail social) pour instrumentaliser le premier.
>D'ailleurs, je retourne illico sur ledit terrain, sans
beaucoup d'espoir de réouvrir mon e-mail d'ici demain.
François, il faut que tu te calmes avec tes catégories de l'entendement
aussi binaires qu'un roulement de tambour.
Arrête.
Respire.
Réfléchis.
Depuis quelques jours tu ne te ressembles pas. Qu'un esprit aussi vif que le tiens
puisse appeler "le terrain" ce qui ressortit de l'action physique collective,
et en écarter le reste (le mail compris), me semble inquiétant.
Commences-tu peu à peu à diviser toi-aussi le monde entre ceux qui
causent et ceux qui agissent, hm?
Lepen a déjà gagné ces élections s'il réussit
à convaincre tout le monde qu'une société doit légitimer
la suprématie du groupe qui y exprime le mieux sa puissance et non sa raison.
L.L.d.M.
----- Original Message -----
From: "Julien Pauthe"
Sent: Saturday, April 27, 2002 10:52 PM
Subject: [terrier] Re: [terrier] Culture française...
> Par exemple une langue est en général
le fruit d'un metissage constant.
Non, pas forcément : il y a des langues très fermées (basque
par exemple), d'autres qui évoluent plus ou moins vite, avec des périodes
de métissage et des périodes de replit. C'est un terrain assez
complexe et il faudrait un ethno-linguiste pour répondre à tes
interrogations...
Hagège faisait remarquer que nous perdons actuellement beaucoup de langues
(essentiellement langues natales de peuples rattrapés par l'expansion
occidentale en Amérique du Sud et du Nord, ou encore en Asie, en Sibérie,
etc. : langues "indigènes"). D'autres se créent, qui sont surtout
des langues "véhiculaires" servant au commerce et aux déplacements
à de larges échelles, singulièrement en Afrique : elles
ne sont parlées que dans ce cadre et se forment par agglomérat
et emprunts à diverses langues nationales, régionales ou ethniques.
L'anglais du business international, chez ceux dont ce n'est pas la langue natale
(et qui sont dépourvus de curiosité littéraire ou linguistique)
finit par ressembler à ces langues véhiculaires : un vocabulaire
restreint et de larges emprunts ; il s'éloigne de plus en plus de l'anglais
littéraire comme de l'anglais quotidien, que ce soit dans le Royaume-Uni
ou aux USA. Le métissage est surtout le fait des langues nationales (liées
à un pays et à son histoire, et donc aux strates qui forment une
nation). Mais les emprunts ne viennent pas de la seule proximité actuelle
avec d'autres peuples. Par exemple le français à deux strates
de latin en lui : la première vient de l'époque gallo-romaine
et du très long travail de déformation et de mélange (à
des langues celtes et germaniques en premier lieu, puis arabes, ibériques,
etc.) qui donneront la langue française ; le second est beaucoup plus
volontaire et tardif : en voulant relever la langue française et la codifier,
les humanistes des XVe et XVIe siècles ont forgé un vaste corpus
de néologismes à base de latin et de grec.
Pour s'y retrouver, concernant le français, un très bon outil
:
Dictionnaire historique de la langue française, d'Alain Rey (<http://www.chez.com/languefrancaise/biblio/Robert-historique.htm>)
qui est bien plus qu'un dictionnaire d'éthymologie : une histoire des
mots, des familles lexicales, etc. composant le français moderne.
> Pourquoi accepter redinguotte issus de riding coat
et francisé, pourquoi refuser «nominé» issus d'une
désinance anglosaxone sur un mot d'origine française ?
Je n'ai pas de religion à ce sujet, je suis assez perplexe aussi. Il
me semble néanmoins qu'une éthique de la langue pourrait se dessiner
: refuser les anglicismes lorsqu'ils ne font que prendre la place d'un ou plusieurs
mots français sans y apporter la moindre nuance (au contraire la détruisant)
et les accepter, voire les adapter, lorsqu'ils apportent une notion, une nuance
jusqu'ici absente. Il faut aussi voir que les anglicismes du français
sont souvent incompréhensibles à un anglophone (n'essayez pas
de demander le parking le plus proche depuis votre voiture à un passant
londonien...) et donc francisés. Le spleen n'est pas le blues qui n'est
pas la déprime qui n'est pas le cafard...
Pour "nomimer/nominé", venus de l'anglais "to nominate" et de son dérivé
"nominee", je ne vois vraiment pas l'usage : on peut être nommé,
désigné, promu, primé, honoré, couronné...
C'est le même cas pour "générer" qui vient remplacer engendrer,
sans rien apporter mais en mettant en péril le sens exact de dégénéré...
On a aussi le consultant (en entreprise) qu'on devrait appeler un conseiller
avant que le sens originel du mot (quelqu'un qui se rend chez un médecin
; le patient étant celui que l'on soigne : nuance) ne disparaisse.
> Je sais bien que c'est un peu éloigné de ce qu'est réellement
le FN, mais cette notion de défense d'une cuture ou d'une identité
française est quand même au coeur d'une vision fantasmatique de
ce qu'est le FN et qui pousse certains à voter FN.
Ça me semble au contraire tout proche de ce qu'est le FN : une pensée
réactionnaire crispée sur un âge d'or (de la langue, des
relations sociales, du peuplement éthnique, etc.) qui n'a jamais existé.
Mais on ne peut démontrer cette illusion qu'en faisant preuve de précision
et de pédagogie, car le FN a des théoriciens loins d'être
incultes, toujours pervers et retors, qu'il est difficile parfois de contredire.
Je ne sais trop ce qu'ils disent de la langue, mis-à-part qu'ils se drapent
dans leur programme dans une défense de la langue française tout
ce qu'il y a de plus consensuelle aujourd'hui. Mais on les lit discuter dans
ce même programme de l'origine du peuplement de la France, qui viendrait
de souches celtes, germaniques et latines et n'aurait que peu varié depuis.
Or l'histoire du peuplement est particulièrement compliquée (qui
passe aussi par la linguistique, au travers de l'onomastique des villes, fleuves,
etc) : prétendre à plusieurs siècles d'immobilisme est
stupide, prouver le contraire peut se révéler long et fastidieux.
Sur toutes ces questions je vois, pour ma part deux écueils :
1) discuter avec le FN ;
2) ne lui opposer qu'une bienveillante défense du métissage et
de l'interculturalité. Il faut réfuter le FN et ses théoriciens
sans entrer dans leur jeu (dans la discussion avec eux) et il faut le faire
avec précision et rigueur en démontant leurs assertions. Le dilemne
est que le temps que cela demande, ils l'emploient à répendre
leurs idées et à créer cet absurde sentiment obsidional
qui emporte nos contemporains... Pas gagné : il nous faudrait dans les
médias de très bons vulgarisateurs, dotés d'une grande
culture générale et doués d'une certaine plasticité
d'esprit. Ce n'est ni ce qu'on y observe, ni ce que l'éducation nationale
s'est employée à produire ces dernières décennies.
Julien-le-pessimiste-rentrant-de-manif
----- Original Message -----
From: "Eric Loillieux"
Sent: Sunday, April 28, 2002 12:09 AM
Subject: Re: [terrier] art, tour d'ivoire et autres biduleries
> Même si je répugne, souvent, à associer ma pratique de
l'art au militantisme, je vais sans doute devoir y concéder dans les jours
à venir.
L'art militant n'est pas une manière d'occuper le terrain social? Quelle
est la source de la phrase "je te rappelle que l'artiste n'a pas a occuper le
terrain social?"? Est-ce: "Le petit précis lldmesque de la bienséance,
à l'intention des empêcheurs de penser autrement que tel qu'il est
précisé dans le petit précis lldmesque de la bienséance"?
Sur quelles Tables est-ce donc gravé? Et s'il a envie, lui, l'artiste,
d'occuper le terrain social, il est alors un salopiaud d'instrumentalisé
de l'institution?
D'ailleurs de plus en plus, quand Johnny Halliday passe à la télévision,
on lui demande son avis sur le monde, et Emmanuelle Béart travaille avec
médecins sans frontières...Ne sont-ce pas des artistes?
Eric L. (pas pour mettre de l'huile sur le feu, mais pour avoir des éclaircissement
sur ce que lldm entend par "art militant", et ce que François entend par
"occuper le terrain social".)
----- Original Message -----
From: "lldemars"
Sent: Sunday, April 28, 2002 12:54 AM
Subject: Re: [terrier] art, tour d'ivoire et autres biduleries
>> Même si je répugne, souvent, à
associer ma pratique de l'art au
>> militantisme, je vais sans doute devoir y concéder dans les jours
à
venir.
>L'art militant n'est pas une manière d'occuper le terrain social?
Relis la phrase précédente, et joue au jeu des précautions:
notre auteur a glissé des tas de précautions dans la phrase ci-dessus,
sauras-tu les retrouver?
Pour ce qui est d'un art militant, la question est de savoir s'il peut rester
de l'art en se mettant au service d'un discours constitué dont les composantes
et le sens lui sont extérieurs. La seule façon de sortir de cette
impasse (où je me trouve encore dans ma pratique de ces derniers jours
qui est gelée) est d'imaginer une militance de pratique et non une militance
de slogan, une manière, si tu préfères, de trouver un geste
artistique qui ne doive pas renoncer à sa singularité, à
sa spécificité, pour toucher à la militance, sa nature étant
soluble dans l'adéquation à une "raison sociale".
>Quelle est la source de la phrase "je te rappelle que
l'artiste n'a pas a occuper le terrain social?"? Est-ce: "Le petit précis
lldmesque de la bienséance, à l'intention des empêcheurs de
penser autrement que tel qu'il est précisé dans le petit précis
lldmesque de la bienséance"? Sur quellesTables est-ce donc gravé?
Éric, je n'en ai jamais douté, tu es un impossible provocateur ;
avec un Loillieux et un Bouche sur cette liste, j'ai pas fini de souffrir. Cette
liste existe depuis trois ans; j'y expose continuellement les principes d'une
théorie du sujet, j'y renvoie régulièrement à des
articles, des compte-rendus d'expos, des pièces en lignes, qui éclairent
cette théorie du sujet. Tu me fais l'effet d'un type qui débarquerait
sur une liste lacanienne et lancerait à son admin "ben, vous causez toujours
comme si c'était entendu, mais l'inconscient c'est une hypothèse,
non?". À ton avis, que te suggérerait-il?
>Et s'il a envie, lui, l'artiste, d'occuper le terrain
social, il est alors un salopiaud d'instrumentalisé de l'institution?
Il y a pas mal de victimes qui n'ont même pas besoin de bourreaux pour s'imaginer
des règles, des impératifs, une domination. Comme il y a des artistes
qui pompiérisent sans que personne ne les y force. Que dire?
>Eric L. (pas pour mettre de l'huile sur le feu,
tu parles
L.L.d.M.
----- Original Message -----
From: "Eric Loillieux"
Sent: Sunday, April 28, 2002 12:15 PM
Subject: Re: [terrier] art, tour d'ivoire et autres biduleries
> Relis la phrase précédente, et joue au
jeu des précautions: notre auteur a glissé des tas de précautions
dans la phrase ci-dessus, sauras-tu les retrouver?
"même, si, répugne, souvent, associer, ma, vais, sans doute, concéder".
C'est l'autre phrase qui manquait peut-être de précautions.
> Pour ce qui est d'un art militant, la question est
de savoir s'il peut rester de l'art en se mettant au service d'un discours constitué
dont les composantes et le sens lui sont extérieurs. La seule façon
de sortir de cette impasse (où je me trouve encore dans ma pratique de
ces derniers jours qui est gelée) est d'imaginer une militance de pratique
et non une militance de slogan, une manière, si tu préfères,
de trouver un geste artistique qui ne doive pas renoncer à sa singularité,
à sa spécificité, pour toucher à la militance, sa
nature étant soluble dans l'adéquation à une "raison sociale".
OK, voilà la réponse. Et tu y arrives? Je te le demande parce que
j'ai pour ma part le sentiment que la seule manière d'être intègre,
voire même éventuellement (je fais un concours de précautions)
efficace, est de faire (artistiquement parlant) strictement la meme chose que
d'habitude: soit ta pratique est déjà intrinsèquement un
questionnement du sujet et un processus d'individuation, et dans ce cas sa part
militante n'est pas à discuter, soit tu fais de la musique d'ameublement
et de la peinture pour dessus de canapés et dans ce cas le militantisme
dans l'art n'est probablement pas ton problème.
Quant à savoir s'il faut plutôt recréer l'atelier de litho
des Bx-Arts de Paris en mai 68, voilà qui peut venir en plus mais certainement
pas en remplacement. Tu es illustrateur, n'est-ce pas? Pourquoi ne nous pondrais-tu
pas quelques affichettes, si ça te démanges? C'est dans ce registre
que tu cherches déja peut-être?
Ne peut-on pas dire: mon travail est en soi une opposition radicale à tous
système de négation de l'individu, s'il agit il le fait en lutte
de fond perpétuelle et pas ponctuellement en réaction à un
évenement particulier. Et si j'ai la nécessité de davantage
coller à l'immédiateté brûlante j'utilise ce que m'a
appris ma pratique de l'art à des formes d'expressions percutantes qui
n'en seront pas (de l'art).
> Éric, je n'en ai jamais douté, tu es
un impossible provocateur ; avec un Loillieux et un Bouche sur cette liste, j'ai
pas fini de souffrir.
Tout le monde souffre, ici. Et toi en plus tu aimes ça.
> Cette liste existe depuis trois ans; j'y expose continuellement
les principes d'une théorie du sujet, j'y renvoie régulièrement
à des articles, des compte-rendus d'expos, des pièces en lignes,
qui éclairent cette théorie du sujet. Tu me fais l'effet d'un
type qui débarquerait sur une liste lacanienne et lancerait à
son admin "ben, vous causez toujours comme si c'était entendu, mais l'inconscient
c'est une hypothèse, non?". À ton avis, que te suggérerait-il?
D'aller glaner ailleurs d'autres couilles à casser, peut-être...Ou
de mettre un smiley ;-) quand il y'a ironie?
> Il y a pas mal de victimes qui n'ont même pas
besoin de bourreaux pour s'imaginer des règles, des impératifs,
une domination. Comme il y a des artistes qui pompiérisent sans que personne
ne les y force. Que dire?
Que ceux-là trouveront encore leur compte quelque soit le résultat
du second
tour...?
>> Eric L. (pas pour mettre de l'huile sur le feu,
> tu parles
Eh ben, heureusement que j'avais précisé...Si on peut plus rigoler.
Eric L.
--
----- Original Message -----
From: "Julien Pauthe"
Sent: Sunday, April 28, 2002 12:51 PM
Subject: [terrier] Re: [terrier] Re: [terrier] Re: [terrier] Culture française...
> Julien, ce que tu dis là est juste. J'ajouterai
pourtant une notion qui me semble manquante, celle de l'autre.
Je ne peux parler de tout à la fois, Marc... J'essaye déjà
de ne pas m'embrouiller dans mes propres réflexions.
> Pour ma part, je ne sens pas plus d'exotisme dans les
gestes d' un chaman que dans ceux de mon voisin de palier.
Pour ma part les gestes d'un chaman m'intéressent plus (tels que je peux
les lire dans l'ethnologie ou la poésie amérindienne) que ceux de
mon voisin de palier qui est un "sataniste" écoutant du death metal très
fort, collectionnant des figurines de gobelins qu'il peint amoureusement, ne possédant
pas de livres mais une télé (je sais : je suis allé boire
une bière chez lui, parce que c'est un gars sympa qui m'a aidé à
décoincer mon sommier de la cage d'escalier). Mais pour l'exotisme, il
est surtout historique : j'en profite pour te conseiller "Les Chamanes de la préhistoire"
de Jean Clottes et David Lewis-Williams (pas l'édition Seuil, chère,
mais l'autre -je sais plus chez qui- moins chère et avec le dossier de
la controverse) qui s'attaquent après vingt ans de silence dans la discipline
à l'analyse de l'art pariétal : tu verra que le chamanisme est sans
doute à l'origine de beaucoup de choses en Europe aussi.
> A force de pointer les singularités de notre
histoire communautaire, on en oublie les invariants de construction.
Ah, là c'est Laurent qui doit parler : moi je fais les généalogies
foireuses et lui fait l'inactuel douteux... Non, sans rire, je n'oublie rien (cf.
référence ci-dessus) , Marc, mais ce n'était pas vraiment
casé dans la démarche là.
> Petit jeu idiot à l'attention de ceux qui fustigent
l'ignorance américaine. En moins d'une heure, établir une liste
la plus exhaustive des cinquante états qui composent la fédération
américaine. Idem pour le continent africain.
Je ne fustige pas plus l'ignorance "américaine" que la slovaque ou la bretonne
: je pointe un contre-modèle de médias. J'ai fait ton petit jeu
vite fait dans ma tête : pas brillant-brillant.
Après vérification sur la mappemonde de ma cuisine, je connais à
peu près aussi mal la géographie africaine que nord-américaine
(oublier l'Ontario...). Pour l'Afrique le nord et l'ouest ne me posent pas de
problème, après ça se complique : j'ai des noms pour les
pourtours, je les place assez mal et le centre me reste obscur. Pour l'Amérique
c'est curieux : le sous-continent du sud ne me pose aucun problème, mais
pour les États de l'Union revient le problème : je connais bien
les pourtours mais au centre c'est le bordel.
J
----- Original Message -----
From: "Thierry Bouche"
Sent: Sunday, April 28, 2002 1:30 PM
Subject: Re[2]: [terrier] Culture française...
> Le dimanche 28 avril 2002, à 10:01:08, FiLH
FiLH écrivit :
> F> Enfin est-ce que quelqu'un sur cette liste à un sentiment
un peu déterminé sur son «appartenance» à un
machin ?
je me sens français, et par dessus tout écrivain français.
Je me sens français peut-être parce que je suis un pur produit
de la république jacobine, parents parisiens, deux ou trois générations
plus haut on trouve de tout, du juif russe, de l'auvergnat, du catalan et je
ne sais quoi. Je vis dans une ville où je n'ai aucune attache et qui
me sort par les yeux.
Je me sens aussi méditerranéen, mais pas vraiment européen
: on mange trop mal en Allemagne, il fait trop humide un peu partout. Je me
sens chez moi en Espagne ou en Grèce, pas du tout à Lille. Je
crois que la nourriture a vraiment un impact considérable sur la possibilité
de s'arrêter quelque part, de s'y sentir en sécurité ou
pas.
J'envisage sérieusement d'émigrer (plus près de l'eau salée),
ça ne changera rien à ce que j'ai dit plus haut. Je m'inscris
dans une
tradition intellectuelle qui a fleuri ici, et ça restera à jamais
ma référence...
Cordialement,
Thierry
----- Original Message -----
From: "lldemars"
Sent: Sunday, April 28, 2002 1:36 PM
Subject: [terrier] Re: [terrier] consternée...
> > connaître leur langue). Notamment 2 sites
de juifs racistes (je savais même pas que ça existait).
>En quoi le fait d'être juif serait garant d'une immunité contre
la connerie ? Je présume que le pourcentage de connards et racistes et
le même chez les juifs qu'ailleurs !
je pense (elle me corrigera) que Caroiline voulait dire "je ne pensais pas qu'il
existait des sites Juifs racistes" et non "je ne pensais pas qu'il existait
des Juifs racistes". Le penser, ce serait, encore, du racisme, évidemment.
L.L.d.M.
----- Original Message -----
From: "lldemars"
Sent: Sunday, April 28, 2002 1:51 PM
Subject: Re: [terrier] art, tour d'ivoire et autres biduleries
>OK, voilà la réponse. Et tu y arrives?
Je te le demande parce que j'ai pour ma part le sentiment que la seule manière
d'être intègre, voire même éventuellement (je fais un
concours de précautions) efficace, est de faire (artistiquement parlant)
strictement la meme chose que d'habitude: soit ta pratique est déjà
intrinsèquement un questionnement du sujet et un processus d'individuation,
et dans ce cas sa part militante n'est pas à discuter,
sa part critique et politique est indiscutable, oui, en ce sens. Militante, c'est
une autre affaire
>Quant à savoir s'il faut plutôt recréer
l'atelier de litho des Bx-Arts de Paris en mai 68, voilà qui peut venir
en plus mais certainement pas en remplacement. Tu es illustrateur, n'est-ce pas?
Pourquoi ne nous pondrais-tu pas quelques affichettes, si ça te démanges?
C'est dans ce registre que tu cherches déja peut-être?
je suis effectivement, ces temps-ci, en train de faire ce genre de choses (micro-videos,
affiches, réunions, etc.) mais ça pose un problème de fond,
que soulignent très bien tes formulations: je suis dans la situation très
inconfortable où la question qui se pose est celle de "l'évidence".
En effet, une oeuvre d'art n'a pas pour vocation d'être monosémique,
intelligible, mais au contraire sa nature est ambiguë, paradoxale, ouverte.
C'est son moyen de souligner que les vertus des questions outrepassent largement
la possibilité d'y répondre, et, d'une certaine façon, de
nous rappeler que s'il est une vérité, elle n'est que du sujet.
La militance est un problème d'information, de parole publique, d'entendement
immédiat. Ce qui fait de mes actions récentes des aveux de passage
à l'hors-champ artistique, ou plutôt à l'instrumentalisation
de mes moyens usuels à d'autres fins qu'eux-mêmes, et qui nous ramène
à ta juste (mais au fond assez tragique) formulation:
>Et si j'ai la nécessité de davantage coller
à l'immédiateté brûlante j'utilise ce que m'a appris
ma pratique de l'art à des formes d'expressions percutantes qui n'en seront
pas (de l'art).
Il n'y a pas à larmoyer sur l'impuissance de l'art à résoudre
notre tourmente circonstantielle parce que, tout simplement, ce n'est pas un de
ses fondements, une de ses définitions. La pratique de l'art est probablement
le creuset de questions inactuelles, de recherche ontologique, de définition
anthropologique, de même qu'elle est surtout l'expression de l'intelligence
humaine sous d'autres espèces que linguistiques. Et peut-être, tout
bêtement, que l'actualité - la circonstanciation - est un problème
qui ne peut quitter la sphère linguistique. Ce qui veut dire qu'un art
militant, avant de se mettre au service d'une cause, se met d'abord au service
du langage et de ses articulations; l'image, par exemple, y sera par le moyen
de l'inscription ou de l'analogie (rébus, collage etc.) associée
à du discours. Elle délèguera une part de son opacité,
de son ambiguité, aux exigences de clarté qu'on impute au discours.
L.L.d.M.
----- Original Message -----
From: "erwan.tanguy"
Sent: Sunday, April 28, 2002 4:41 PM
Subject: [terrier] Fw: de la voix politique
de la voix politiquedans les messages reçus
----- Original Message -----
From: François Bon
To: François Bon
Sent: Sunday, April 28, 2002 5:26 PM
Subject: de la voix politique
par exception, je fais circuler ce texte de Jean-Luc Nancy, reçu de
Bruno Tackels, et qui monte le débat d'un cran
FB
LA VOIX QUI A MANQUÉ, CELLE QUI DOIT PARLER
Une voix a manqué, une seule : la voix qui eût été
celle d¹une gauche, certes moins éparpillée (et surtout
pas éparpillée dans un tel ridicule !), mais surtout d¹une
gauche politique. Si la campagne était aussi dérisoire, c¹est
qu¹elle n¹était pas politique. Elle ne l¹était
pas parce que la droite et la gauche ont l¹une et l¹autre consenti
à ce que s¹efface l¹instance de la politique. Elles y ont
consenti parce qu¹elles n¹ont pas aperçu l¹urgence
de penser à neuf cette " politique " tombée dans le discrédit
ou censée vaincue par l¹économie. La voix qui a manqué
est la voix d¹une pensée. On lit ici ou là que le PS devrait
cesser d¹être un parti d¹intellos : si l¹ intello est
le cultureux de salon, bien sûr, mais le travail de pensée n¹a
rien d¹intello. Il a manqué une pensée et donc une voix
de la politique.
La politique n¹est ni la stratégie des partis pour conquérir
ou contrôler l¹Etat, ni la vision épique du destin d¹une
Nation. Elle se tient au point d¹un " tout " de l¹existence en
commun qui n¹est pas un tout totalisant, qui est en un sens un point
vide (c¹est le trait propre de la démocratie : comme le disait
à peu près Michelet, son seul monument doit être une
place vide où les gens peuvent s¹assembler). Mais en ce point,
elle nomme ou plutôt elle phrase l¹unité de ce tout sans
totalisation : elle lui donne un ton, une tenue, une voix.
Par exemple, elle pourrait donner une voix à ce que " France " peut
vouloir dire en tant que pays où se rassemblent tant de cultures aux
voix différentes. Ou bien, à ce qu¹ " Europe " peut vouloir
dire d¹autre que zone de libre-échange. Ou à ce que "
monde " peut vouloir dire d¹autre qu¹exploitation généralisée
et aggravée. Donner une voix à ce que peut vouloir dire être
ici, vivre ici, en France, en Europe, dans le monde, ici et maintenant. Etre
un homme politique, c¹est trouver une voix pour cela. C¹est exactement
ce qui fut oublié. C¹est donc exactement pour cela qu¹une
voix hargneuse et vulgaire vient éructer : " ici, c¹est chez
nous " en faisant entendre que " nous " serions la nation sacrée,
bien entendu introuvable et définissable seulement comme ni l¹Europe,
ni le Monde, et tout juste la France de Jeanne d¹ArcS(pourquoi pas la
Gaule ?).
Il n¹est pas étonnant que la voix qu¹on dit fasciste se
fasse entendre lorsque la voix politique se tait. Car le fascisme représente
le revers de la politique : la prétention à remplir d¹une
substance épaisse et fantasmatique (l¹authenticité nationale)
l¹espace ouvert qui doit servir à la rencontre des gens, des
gens réels et non des sujets " authentiques ".
Le mutisme de la voix politique n¹est pas une faute à imputer
à quiconque. C¹est un événement qui vient déjà
de loin, et il ne faut surtout pas chercher à retrouver des voix perdues.
Il faut en trouver une, il faut inventer un ton et un phrasé, des
tons, des accents, des timbres et des rythmes qui soient les nôtres,
ici et maintenant. Peut-être fallait-il qu¹un coup de tonnerre
assourdissant nous réouvre les oreilles pour des voix nouvelles, inouïes.
Mais pour le moment, dans l¹urgence immédiate, cette voix, la
nôtre, peut faire entendre au moins un cri : elle peut, elle doit couvrir
et rendre inaudible la voix anti-politique. En votant contre le FN, on ne
vote pour rien ni pour personne d¹autre : on fait entendre la voix politique,
la politique en tant que notre voix, contre la vocifération.
Jean-Luc Nancy
----- Original Message -----
From: "lldemars"
Sent: Monday, April 29, 2002 1:14 AM
Subject: [terrier] besoin de votre avis
<http://www.atol.fr/lldemars2/3affiches/>
trois projets d'affiches; je voudrais votre avis dessus avant de les tirer, ajuster
les slogans, la maquette, d'autres détails. J'attends avec impatience vos
commentaires.
Merci
L.L.d.M.
----- Original Message -----
From: "Julien Pauthe"
Sent: Monday, April 29, 2002 7:04 AM
Subject: Re: [terrier] besoin de votre avis
> <http://www.atol.fr/lldemars2/3affiches/> >>
trois projets d'affiches; je voudrais votre avis dessus avant de les tirer, >
ajuster les slogans, la maquette, d'autres détails.
> J'attends avec impatience vos commentaires. > Merci
Pas mal. J'aime surtout la première. Si tu veux les diffuser largement
(ainsi que la page d'accueil du Terrier), Libération et Le Monde font des
compilations des diverses réactions (affiches, tracts, etc.) : reactions@liberation.fr
<mailto:reactions@liberation.fr> (visibles là : <http://www.liberation.fr/presidentielle/actu/affiches01.php>)
et là : <http://www.lemonde.fr/visu_port-folio/0,5870,28158--,00.html>
A +
J
----- Original Message -----
From: "Julien Pauthe"
Sent: Monday, April 29, 2002 7:08 AM
Subject: [terrier] Re: [terrier] terrier] Culture française...
> Pour ce qui est d'appartenir spécifiquement à la communauté
française, je crois que je m'en fous comme d'une guigne. J'aurais pu être
danois, belge ou portugais, ça n'aurait rien eu de dramatique.
Mais pour moi non plus ça n'aurait rien de "dramatique" d'être portugais
(enfin, depuis la révolution des oeillets, parce qu'avant...), mais je
suppose que ma culture, au sens le plus large du terme, en serait changée
(rien que par le fait de sans doute connaître par coeur plus de poèmes
de Pessoa que de Rimbaud).
J
----- Original Message -----
From: "Francois Coquet"
Sent: Monday, April 29, 2002 7:33 AM
Subject: Re: [terrier] besoin de votre avis
> J'attends avec impatience vos commentaires.
Même les miens ?
Bien : sur les affiches 2 et 3 , le message est ambigü (on pourrait les interpréter
à parfait contre-sens comme des nostalgies du temps où le nazisme
était autre chose qu'un mot), et même s'il est lu correctement, il
fonctionne exclusivement sur la peur, en excluant toute réaction, toute
résistance ("nous sommes perdus"). Or, au risque de choquer une fois de
plus, il me semble que si urgence il y a, c'est précisément celle
d'organiser une résistance au fascisme, et notamment à ce qui en
fait le lit. Enfin, ces affiches -qui reprennent, fallait s'y attendre, le parallèle
avec le nazisme- ne s'adressent qu'à des convaincus.
En ce qui concerne la première, elle me semble très, très
réussie techniquement. C'est d'ailleurs bien mon problème, parce
que si je dois la contester, c'est plus politique : j'aurais assez envie de la
plagier en mettant, à la place du rectangle blanc, la trombine à
Chirac, et avec le slogan "si c'est votre seul horizon, craignez qu'on vous le
remplace". Un partout, la balle au centre ?
Je reviendrai sur l'histoire de la tour d'ivoire quand j'aurai le temps d'argumenter
un peu sérieusement. Juste trois remarques lapidaires : -j'avais précisé
qu'il s'agissait d'un constat, pas d'une critique, et j'ajoute, encore moins d'une
attaque personnelle (ce constat me touche autant que toi) ;
-le terme "tout d'ivoire" était particulièrement malheureux, j'y
reviendrai ;
-je maintiens toutefois que l'heure est à l'action ; on peut me dire que
ce n'est pas dans le domaine du rationnel (mais celui du rapport de force), mais
croire que voter Chirac est la solution du problème, en tout cas focaliser
là-dessus, ne me semble pas non plus excessivement rationnel.
Toujours très amicalement, quoi qu'il en soit.
François
----- Original Message -----
From: "lldemars"
Sent: Monday, April 29, 2002 11:25 AM
Subject: Re: [terrier] besoin de votre avis
>Bien : sur les affiches 2 et 3 , le message est ambigü
(on pourrait les interpréter à parfait contre-sens comme des nostalgies
du temps où le nazisme était autre chose qu'un mot), et même
s'il est lu correctement, il fonctionne exclusivement sur la peur, en excluant
toute réaction, toute résistance ("nous sommes perdus").
Nous sommes perdus SI. J'avais au départ écrit: "tout est à
refaire si ce n'est plus qu'un mot"; et là, ça me semblait ambigü.
Que choisir, selon vous?
> Or, au risque de choquer une fois de plus, il me semble
que si urgence il y a, c'est précisément celle d'organiser une résistance
au fascisme, et notamment à ce qui en fait le lit.
Ce qui en fait le lit, c'est l'ignorance. Résister? Oui: c'est-à
dire en expliquant aux manifestants, par groupes de 5, 10 (au-delà toute
parole est impossible) ce qu'est le nazisme. Ils l'ignorent. Absolument. Et s'il
s'agissait seulement d'anthropologie! Même l'histoire leur échappe.
Ce n'est qu'un mot, qui n'a pas plus d'ancrage dans la réalité pour
eux que "étranger" ou "race" dans celle d'un lepéniste. Leurs slogans
sont l'expression de cette ignorance, de ce rapport dualiste au monde, de l'incapacité
à saisir qu'ils sont impliqués humainement dans la substance du
nazisme.
Je lis sur des affiches "abstention; le combat est dans la rue, pas dans les urnes".
Ceux qui diffusent ces affiches ont le goût du sang, et se réjouissent
à l'idée que Lepen au pouvoir soit pour eux l'occasion d'aller en
découdre avec les dragons.
Iss sont prêts pour la lutte? Qu'ils se le disent bien : leurs adversaires
n'attendent que ça; et ils sont armés. Entraînés. C'est
leur vision du monde. Et ils sont plus ignorants encore qu'eux, ce qui les cautérisera
contre toute tentation de voir en un opposant la moindre trace de fraternité.
> Enfin, ces affiches -qui reprennent, fallait s'y attendre,
le parallèle avec le nazisme- ne s'adressent qu'à des convaincus.
ah? Ce n'est évident pour moi que parce que j'y travaille depuis de nombreuses
années. Ça ne coule pas de source. Sinon, c'est quoi, plus loin,
l'analogie des convaincus qui, dans la rue, chantent en ce moment "Lepen salaud
le peuple aura ta peau?"? Lepen=salaud=fasciste=ss?
>contester, c'est plus politique : j'aurais assez envie
de la plagier en mettant, à la place du rectangle blanc, la trombine à
Chirac,
Mais enfin, c'est idiot François ; si Chirac n'apparait pas dans mon affiche,
c'est parce qu'il n'existe pas dans ce qui se joue dans ce vote.
>et avec le slogan "si c'est votre seul horizon, craignez
qu'on vous le remplace". Un partout, la balle au centre ?
L'horizon, pour moi, c'est de pouvoir en imaginer encore un dans l'espace critique
du pouvoir en place. En ce sens, et en ce sens seulement, Chirac présente
un horizon là où abstention, votes blancs et autres faridondelles
passionnelles relèvent de l'érection d'un mur qui, brutalement,
rendra tout horizon impossible puisqu'on ne discute pas avec un gouvernement
national-socialiste.
>-je maintiens toutefois que l'heure est à l'action
;
définir, redéfinir encore, faire ce que nous savons faire le mieux,
écrire, faire des oeuvres d'art, prendre notre temps pour penser, c'est
de l'action. Parler c'est agir. Penser c'est agir.
J'ai constaté lors de la réunion au Bon Accueil l'immense et rassurant
empire de la douceur (notamment pour éteindre les crises passionnelles
qui commençaient à naître). Je ne veux rien d'autre, plus
jamais rien d'autre.
L.L.d.M.
----- Original Message -----
From: "erwan.tanguy"
Sent: Monday, April 29, 2002 11:54 AM
Subject: [terrier] Fw: [remue.net] Daeninckx hier au Zenith
Daeninckx hier au Zenithpour ceux qui ne l'ont pas reçu
----- Original Message -----
From: le bulletin
To: bulletin
Sent: Monday, April 29, 2002 12:26 PM
Subject: [remue.net] Daeninckx hier au Zenith
(repris d'Amnistia.net) Dimanche 28 avril, plus de 8.000 personnes se sont
rassemblées au Zénith de Paris pour dire leur détermination
de faire barrage au fascisme. De très nombreux comédiens, chanteurs,
musiciens, écrivains se sont exprimés. Didier Daeninckx, de
la rédaction d'amnistia.net a prononcé le texte qui suit.
En 1961, alors que la guerre d'Algérie faisait rage, Jean-Luc Godard,
citoyen suisse, réalisait un film, Le Petit Soldat, dont un des thèmes
était la torture.
Un député avait alors exigé l'expulsion immédiate
de Godard, cinéaste étranger.
Il s'appelait Jean-Marie Le Pen.
Qui aurait pu penser, il y a quelques mois, que les idées de ce personnage
seraient légitimées au point de passer en boucle sur tous les écrans
du pays?
Ce n'est pas que leur propre dynamique qui les a amenées au premier plan.
Il a fallu, aussi, que nous soyons dépossédés de nos
discours, de nos valeurs, de nos repères.
J'écris des romans noirs et le thème martelé ces derniers
mois, l'insécurité, m'est coutumier.
En tant qu'écrivain, j'ai besoin du crime, oui, mais du crime qui retombe
sur le bourreau et non sur sa victime!
Personne n'a eu la parole pour dire calmement que sur les 1200 meurtres annuels,
en France, la moitié sont passionnels, et que l'endroit le plus dangereux,
contrairement au fantasme, n'est pas une cité de banlieue, mais une
chambre à coucher ordinaire où rentre, à l'improviste,
la compagne ou le compagnon ahuri d'y trouver une doublure!
Personne n'a eu la parole pour rappeler que la plus effroyable des insécurités
est l'insécurité sociale.
Que les accidents du travail continuent de tuer autant que les assassins, qu'au
cours des 20 prochaines années, 100.000 travailleurs et travailleuses,
je dis bien 100.000, mourront des suites de l'intoxication à l'amiante.
Les partisans de la tolérance zéro ont ironisé sur l'objectif
de zéro SDF, alors que la misère pousse des centaines de milliers
de personnes sur le bas-côté, que des millions d'autres ne supportent
la précarité de leur existence qu'avec le secours des anti-dépresseurs,
de l'alcool, des cames dures.
Qui a pu dire que le suicide des jeunes hommes a atteint le chiffre de 800 l'année
passée, venant pour la première fois en première place, devant
le suicide des personnes âgées?
Ceux qui tentaient de dire cela étaient traités par le mépris,
taxés d'être des soixante-huitards attardés, des samaritains,
de "bonnes âmes" dont le temps était révolu.
On a voulu briser l'homme solidaire pour le transformer en homme solitaire.
Il est devenu presque impossible, devant les actes de déviance, de poser
cette simple question qui hante les romans du XIXe siècle: "Pourquoi cet
homme a-t-il volé?"
Il ne s'agit pas, pourtant, de chercher une excuse à l'acte, mais simplement
de le considérer dans toute sa dimension.
Il est possible que ce soit là parler à contre-courant. A mon
sens, la politique, ce n'est pas suivre mais précéder:
Il y a vingt ans, la gauche se battait sur le symbole de l'abolition de la
peine de mort. Les hurlements des guillotineurs ont repris de plus belle
ces derniers temps. Ils font semblant d'ignorer qu'en 1989, lors du premier
procès de Patrick Dils, qui vient d'être acquitté, l'avocat
général avait déclaré qu'il aurait, quelques
temps plus tôt, risqué sa tête?
Et puisque j'évoquais le XIXe siècle, pourquoi ne pas rappeler
qu'il y a juste 150 ans, ici, en France, un dictateur prenait le pouvoir
grâce qu suffrage populaire. Il s'appelait Napoléon III, et
le principal romancier de ce temps-là, Victor Hugo, échappait
à la mort grâce au dévouement d'une femme, Juliette Drouet.
Voici ce qu'il écrivait depuis son exil anglo-normand, à la
toute fin des "Châtiments":
J'accepte l'âpre exil, n'eut-il ni fin ni terme,
Sans chercher à savoir et sans considérer
Si quelqu'un a plié qu'on aurait cru plus ferme
Et si plusieurs s'en vont qui devraient demeurer
Si l'on n'est plus que mille, eh bien j'en suis. Si même,
Ils ne sont plus que cent, je brave encore Sylla,
S'il en demeure dix, je serai le dixième,
Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là.
Trois quarts de siècle plus tard, après des élections
populaires qui avaient porté à la tête de son pays un
autre dictateur, Bertold Brecht répondait en quelque sorte à
Hugo depuis son exil des Amériques:
"Malheur aux peuples qui ont besoin de héros".
Il faut tout entreprendre, je crois, pour faire l'économie des héros,
faire des choses peu glorieuses...
Aller voter, par exemple, pour un candidat que l'on n'a pas choisi.
C'est ce que je ferai, dimanche prochain, avec le bulletin Chirac, un acte
contraint, qui aura une seule signification: préserver l'avenir.
Certains sont tentés par le vote blanc, j'ai le sentiment que ce vote
est surtout un vote "petit blanc".
Didier Daeninckx
Zénith de Paris, 28 avril 2002
----- Original Message -----
From: "Elisabeth Çatçoury"
Sent: Monday, April 29, 2002 12:46 PM
Subject: [terrier] Communication de la Fondation pour la Mémoire de la
Déportation
Communication de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation.
Préoccupée par la tournure qu'ont prise les élections présidentielles
au premier tour, la Fondation pour la Mémoire de la Déportation
appelle solennellement à la vigilance face à la présence
de l'extrême droite nationaliste au second tour.
Elle rappelle que le Président du Front National :
* derrière l'aspect rassurant qu'il se donne actuellement a fait l'objet
de condamnations en Justice et de mesures de levée d'immunité parlementaire
pour des raisons qui démentent son discours ;
* entretient un réseau d'amitiés avec des dirigeants ou responsables
nationalistes les plus extrêmes en Allemagne (Schönhubert, ancien SS,
chargé de l'entraînement de la division SS française «
Charlemagne »), en Autriche (J.Haider), en Russie (Jirinowski), en Italie
(U.Bossi, ligue du Nord), révélant où sont ses références
politiques ;
* appuie directement ou par l'intermédiaire de ses proches collaborateurs
les thèses négationnistes, et minimise les crimes nazis en les assimilant
à de simples faits de guerre ;
* se veut le promoteur d'une rénovation nationale, rappelant la «
révolution nationale » du régime de Vichy, dont des nostalgiques
ont été une composante du Front National à sa création
;- se présente comme le recours d'une société à la
dérive, y trouvant argument pour préconiser : la remise en cause
des traités européens ; des mesures de sécurité nouvelles
(dont il faut s'attendre qu'elles s'accompagnent de dispositions relatives à
l'exercice des libertés ) ; une restriction du droit d'asile ; l'introduction
dans la constitution de la notion de préférence nationale contraire
aux principes fondateurs de la République .
Toute la démarche du candidat s'inspire de celle qu'ont utilisée
avant lui, les dirigeants des régimes totalitaires et fascistes légalement
parvenus au pouvoir : convaincre qu'il est l'ultime recours, puis imposer sa vision
d'une nouvelle « morale nationale » et d'un nouvel « ordre républicain
».
La Fondation qui s'est assignée comme but de ne pas laisser tomber dans
l'oubli les crimes commis par les nazis et leurs alliés, au nom d'une idéologie
fondée sur le racisme et le rejet de l'autre, invite tous les hommes et
toutes les femmes de bonne volonté à se remémorer ce que
furent les abus de pouvoir rendus possibles par un choix « démocratique
» hasardeux, si cher payé par l'humanité toute entière.
LA MEMOIRE DOIT RESTER « SENTINELLE DE L'ESPRIT »
----- Original Message -----
From: "Thierry Bouche"
Sent: Monday, April 29, 2002 12:55 PM
Subject: Re[2]: [terrier] besoin de votre avis
Le lundi 29 avril 2002 à 12:45:04, lldemars lldemars écrivit
:
>>ça fait penser à l'_ABC de la guerre_, de Brecht ; mais
en beaucoup moins bon.
> connais pas "l'ABC de la guerre" de Brecht; t'as des références
pour une consultation?
c'es un grand livre relié publié par les PUG (presses universitaires
de grenob'). Je verrai ce soir si je ne peux pas te scanner quelques pages significatives
(le principe est : une photo coupée dans un journal couplée avec
un quatrain)
>>Et, en effet, le message n'est pas forcément évident !
> tu veux dire, le sens de celui des deux dernières?
Même la première : que représente la case blanche, un bulletin
blanc ? l'abstention ? la face invisible de Jospin ou d'un candidat du premier
tour qui n'est pas arrivé au second ?
Et puis, « nazisme », même encadré, ça n'est qu'un
mot. La preuve, quand un mot est sale ou embarrassant, on en change, quitte à
les piquer à l'adversaire. Très difficile de savoir à qui
ça peut parler, et ce que ça va lui dire...
--
Thierry Bouche
----- Original Message -----
From: "lldemars"
Sent: Monday, April 29, 2002 1:35 PM
Subject: Re: [terrier] besoin de votre avis
>Le Pen au pouvoir, donc raffles,convois,camps de concentration...
je ne suis pas persuadée qu'un défilé d'uniformes nazis symbolise
suffisamment l'horreur dans les esprits que tu cherches à réveiller.
c'est entendu; et probablement judicieux. Si les déferlements de drapeaux
alarment, ce n'est qu'en tant qu'on peut les raccorder immédiatement aux
conséquences. Donc: utiliser plus directement les conséquences.
Merci.
L.
--
----- Original Message -----
From: "erwan.tanguy"
Sent: Monday, April 29, 2002 2:11 PM
Subject: [terrier] Fw: Mieux que des gants: pliage en 4
----- Original Message -----
Sent: Monday, April 29, 2002 3:09 PM
Subject: Fw: [Membroj de Jefo] Mieux que des gants: pliage en 4
FAIRE TOURNER
Présidentielle, 2e tour. Tout problème a sa solution On se plie
en quatre
La difficulté c'est que si beaucoup parmi nous admettent qu'il faut voter
Chirac pour bloquer Le Pen ils n'ont guère envie, vraiment, non, de faire
élire un gus qui traîne un kilomètre de casseroles derrière
lui. Question de moralité publique en quelque sorte.
C'est d'autant plus dur à avaler que la loi ne permet pas
de finasser: c'est ou l'un ou c'est l'autre. Circulez, il n'y a pas à discuter.
Vous mettez un bulletin d'un candidat éliminé au premier tour, vote
nul.
Vous mettez un bulletin blanc, vote blanc.
Vous faites un signe distinctif quelconque (du genre «Chirac, faute de mieux
» ou « Chirac, hélas »), vote nul.
Vous affichez votre mécontentement devant un tel choix lors de votre passage
dans le bureau de vote? Interdit.
La situation est donc sans issue? Marianne n'est-elle qu'une marâtre qui
se désintéresse de ses meilleurs enfants? Peut-être pas...
Car la loi n'a pas tout prévu.
Imaginez en effet que, après avoir pris vos deux bulletins (eh oui, vous
serez obligé de prendre les deux bulletins, celui de Chirac et celui de
Le Pen, car n'en prendre qu'un, ce serait faire étalage publiquement de
votre vote et la loi l'interdit) vous entriez dans l'isoloir. Là, pendant
quelques fractions de minute, bien à l'abri derrière le petit rideau
qui vous soustrait aux regards inquisiteurs, plus personne ne peut rien contre
vous. Vous êtes seul maître à bord. Evidemment, les biscuits
que vous avez entre les mains ne sont pas nombreux: une enveloppe et deux bulletins
de vote. > Il n'est qu'une seule chose que la loi ne précise pas, une
seule chose qui ne soit pas codifiée...
Le nombre de fois que vous allez plier votre bulletin avant de l'introduire dans
l'enveloppe. Aucun texte ne dit qu'il est interdit de faire plus d'un ou deux
plis. Aucun.
Ça paraît étrange mais c'est ainsi. Grosse lacune, on va le
voir.Dans le secret de l'isoloir, avant de glisser votre bullletin Chirac dans
l'enveloppe, pliez-le non pas une fois (comme cela se fait habituellement), ni
deux, ni trois, mais quatre fois.
A quatre plis vous obtiendrez un bout de papier de 3,5 cm de long sur 2,5 cm de
large (en seize surfaces) que vous glisserez sans problème dans votre enveloppe.
Si votre bulletin ne comporte aucune surcharge, aucun signe distinct, il sera
comptabilisé.
Votre vote sera parfaitement valable...Voici arrivée l'heure du dépouillement
(soyez nombreux présents dans votre bureau de vote à ce moment là).
Ces bulletins pliés en quatre, immédiatement repérables,
permettront d'évaluer la force du vote Républicain non chiraquien.
Et si, dans chaque bureau, les représentants mandatés par les partis
politiques (dûment prévenus) notent au passage ces bulletins quatre
fois pliés, le chiffre officieux de cet acte de civisme original ne restera
pas longtemps inconnu.
Et pour finir cette dure journée : Gardez votre bulletin au nom de Jean-Marie
Le Pen, et renvoyez le à l'Elysée avec, inscrit au dos :"Je vous
ai donné cette voix pour faire barrage au Front national et non par conviction
politique".
Il suffit de l'envoyer à :
M. Jacques Chirac
Palais de L'Elysée
75008 Paris
Et même pas besoin de l'affranchir, l'envoi est gratuit !
Evidemment, pour que cette affaire ait un sens, il faut que cette proposition
soit rapidement relayée par tous les canaux d'information dont nous sommes
si richement dotés.
Alors, ne perdons pas de temps...
----- Original Message -----
From: "jean-francois savang"
Sent: Monday, April 29, 2002 4:21 PM
Subject: [terrier] que des "démocrates"
Le leader de la ligue du Nord Umberto Bossi s'est montrétrès critique
envers JM Le Pen: "Le Pen donne des réponses fausses à de vraie
demandes", a-t-il affirmé, citant F.Mitterand (...)"La ligue n'est pas
contre l'Europe elle estcontre un certain type d'Europe" (...) Même le président
duMSI (néo-fasciste) a déploré les positions européennes
deson alter ego français: il l'a appelé a devenir pro-
européen pour "préparer ensemble les prochaines électionseuropéennes
de 2004. Sur le fond cependant, il n'a rientrouvé à lui reprocher.
Au Danemark la présidente du Partidu peuple danois Pia Kjaersgaard
a pris ses distances avecles bases du discours de Le Pen en faisant valoirque
"certaines déclarations de Le Pen sont horribles", queson parti n'avait
pas de contact avec le FN et ne lesoutenait pas. "Nous avons une ligne plus
douce dans notremanière de nous exprimer. Nous n'avons pas ces genshaineux,
comme chez Le Pen" a-t-elle affirmé" (...)Plusieurs commentateurs
ont vu là des prises de manoeuvrestactiques, qui témoignent
cependant de ce qu'il n'est paspopulaire de sympathiser avec le président
du FN.
En Autriche, l'homme fort du FPOe ne souhaite pas êtrecomparé
à M. Le Pen. "Si nous devions être comparés, c'estmoi
l'original. Mais c'est difficile de comparer notrestyle et les contenus de
nos programmes", explique M. JoergHaider, soulignant que lui "ne fait pas
d'excès verbaux".Il n'en reste pas moins qu'à son avis, "c'est
une victoirepour la démocratie et une claque retentissante pour lespartis
établis en France" que Le Pen soit présent au secondtour. Quant
au mouvement croissant visant à lier les partisd'extrême droite
en Europe, M. Haider juge que "ce n'estpas une question d'organisation mais
de combien depersonnes sont prêtes à changer de voie". "Les
citoyensn'accepteront plus que les gouvernements ne luttent pascontre les
problèmes de l'immigration, de la criminalitéétrangère
et de la sécurité interne" ajoute-t-il.Les véritables
félicitations sont en fait venues du leaderdes Démocrates suédois
Aftonbladet Mikael Jansson (...)auquel M Le Pen "donne le courage de (se)
battre même sinous n'avons pas les mêmes moyens pour nous faire
entendreque les autres partis".
A propos d'une sortie de l'Union européenne, propositionjugée
"irréaliste" et "démagogique" à Bruxelles, même
lechef de file des eurosceptiques au Parlement européen, ledéputé
danois Jens-Peter Bonde, n'y crois pas (...) Cequ'il prône, lui, c'est
un "front des démocrates quioeuvrent pour faire maigrir les institutions
européennesafin de ne leur laisser s'occuper que des sujets purementtransfrontaliers".
(Bulletin Qotidien, 24/04/2002)
jf
----- Original Message -----
From: "Patrick de Colomby"
To:
Un texte d'Etienne Balibar que je viens de recevoir par mail..... et qui me
paraît appoter une contribution au débat....
REFLEXIONS POUR TROIS TOURS
Par Etienne BALIBAR
23 avril 2002. Trois réflexions à chaud sur le premier tour des
élections présidentielles françaises, dans la perspective
du deuxième et de ce qu'on appelle le «troisième»
(les législatives de juin). Ces réflexions sont celles d'un abstentionniste
du premier tour, et par conséquent inséparables d'une autocritique,
je ne dis pas d'une contrition (en vacances scolaires, je n'ai pas eu la persévérance
de demander la fameuse procuration. de toute façon j'aurais probablement
voté pour Christiane Taubira, ce qui n'aurait rien changé au résultat).
1°) On parle de la noblesse, du courage de la déclaration de
Lionel Jospin et de sa décision de «se retirer de la vie politique»
pour «tirer les conclusions» de son échec. Je suis peu impressionné
par cette prétendue noblesse. J'y vois une dérobade.
Du chef politique de la «gauche plurielle», et même de la
gauche tout court, avec ses dissidences, les électeurs en plein désarroi
étaient en droit d'attendre non pas une démission maisune première
réflexion sur les causes de la défaite même si elles ne
se résument pas à la responsabilité de son gouvernement
(qu'elles incluent évidemment), et une indication de ce qu'il faut faire
pour en appeler immédiatement de cette défaite, qui n'est pas
«la sienne»mais la nôtre. Quel sens donner au vote pour Chirac?
Ce nom lui brûlait-il les lèvres? Sur quelles bases et sur quels
thèmes mener activement campagne au deuxième tour (et non pas
«assister» au duel des droites)? Comment penser une relance de la
cohabitation inéluctable si, comme on peut le souhaiter, la gauche sociologiquement
majoritaire le redevient aussi électoralement après les législatives?
Au lieu de cela, notre De Gaulle au petit pied, blessé d'être demeuré
incompris dans son action, se retire en laissant les troupes au milieu du gué,
aux prises avec le combat des successeurs, et sans faire le moindre effort pour
mobiliser les électeurs et les militants, repenser les perspectives et
résoudre les contradictions, bref pour servir le «peuple de gauche»
(et le peuple tout court), comme il s'est vanté de l'avoir toujours fait,
en sacrifiant au besoin ses ambitions et ses sentiments personnels. Perdre une
bataille n'est pas infamant, si la lutte continue. Pour laver l'affront, si
affront il y a, il faut que Lionel Jospin diffère son retrait jusqu'au
lendemain des législatives, et que d'ici là, au rang qu'il voudra
mais en première ligne, il s'emploie à les faire gagner par la
gauche.
2°) Il va de soi que Chirac doit emporter l'élection présidentielle
avec un maximum de voix, en sorte que comme l'a très bien dit Dominique
Strauss-Kahn Le Pen fasse le plus petit score possible au deuxième tour.
Mais pour cela il faut que Le Pen soit battu, et non pas ignoré ou méprisé,
en comptant sur l'avance arithmétique pour faire la différence.
Il faut qu'il perde des voix. Et donc il faut qu'il y ait débat, il faut
que la démocratie représentative fonctionne. Si la démocratie
représentative ne fonctionne pas lorsqu'elle a affaire en son propre
sein aux anti-démocrates, aux anti-parlementaristes (au «peuple
des démons», comme disait à peu près le philosophe
Kant), elle est déjà foutue.
Mais il faut aussi et le paradoxe n'est qu'apparent - que dans ce débat
Le Pen fasse le plus mal possible à la classe politique, si elle doit
s'y régénérer. En particulier sur les deux points où
il touche juste, c'est-à-dire où son discours et son influence
constituent les symptômes de problèmes réels de la société
et de l'Etat, si aberrantes, dangereuses, ignobles que soient les «solutions»
qu'il en propose. L'un de ces problèmes touche plus particulièrement
la droite, et notamment Jacques Chirac (mais pas seulement.): c'est celui de
la corruption personnelle et institutionnelle (politico-économique) de
la vie politique. Ne parlons pas d'affaires, parlons de système, ou de
structure.
L'autre touche plus particulièrement la gauche, et notamment Lionel Jospin
(mais pas seulement. ou plus exactement c'est à gauche que, par définition,
il y a scandale): c'est le problème du mépris du peuple, et de
l'indifférence pratique pour ses souffrances matérielles et morales,
pour l'aggravation de ses conditions d'existence. «L'insécurité»
en fait partie, mais elle n'est qu'un aspect. Troisième génération
de chômeurs de longue durée qui «arrive» (sic) sur
le «marché du travail» ! Effondrement des services publics
dans les banlieues-ghettos! Renversement de la politique scolaire et culturelle
au profit quasi-exclusif des «héritiers», comme disait Bourdieu!
Vivement donc que Le Pen nous mette à tous le nez dans la m., si puant
qu'il soit lui-même.
3°) Il faut que les questions de politique internationale et notamment européenne
occupent une place déterminante dans la campagne. On voit déjà
venir le profil bas. Or Hubert Védrine est peut-être le seul ministre
à avoir vraiment tiré son épingle du jeu de la «cohabitation»,
en particulier par ses discours et ses initiatives courageuses sur la question
du Proche-Orient, ses tentatives pour faire marcher l'Europe sur la scène
internationale dans le sens de l'indépendance et de la responsabilité,
du partenariat euro-méditerranéen. Oui, mais les Français
attendent toujours qu'on leur explique à quoi sert, à qui sert
l'euro (qu'ils n'ont pas refusé, on le sait).
L'Etat national social est mort, irréversiblement, et l'Europe socialen'est
toujours qu'un slogan sur papier glacé. Après le «sortez
les sortants» de poujadiste mémoire, ledit souverainisme républicain
s'apprête à son tour à prêcher le «ni droite
ni gauche», à suggérer l'abstention, voire à laisser
passer à l'extrême droite certains des électeurs qu'il a
ralliés sur des rodomontades passéistes. La gauche dans sa majorité
n'est pas divisée sur la nécessité de relancer la question
sociale et l'action collective au
niveau supra-national, et de donner ainsi enfin un sens politique à la
construction européenne. Elle n'est divisée que sur les moyens:
les uns veulent «la lutte des classes», les autres veulent «les
réformes». Ou sur les mots: les uns sont «contre» la
mondialisation, les autres veulent une «autre» mondialisation.
Ils ont deux mois devant eux nous avons deux mois devant nous - pour trouver,
non pas une formule magique de compromis, mais une base de discussion publique
concrète, qui permette aussi la convergence, de toute urgence, avec les
autres forces de gauche européennes. Car (l'a-t-on remarqué?)
la montée des droites n'est pas notre privilège, à nous
les Français (qui ne faisons jamais rien comme tout le monde.). C'est
un phénomène européen. Et qui, de Copenhague à Rome
en passant par Vienne, Bucarest, Budapest, Anvers, La Haye, Berne, Paris, et
la Saxe, va vite, très vite.
----- Original Message -----
From: "FiLH"
Sent: Monday, April 29, 2002 7:00 PM
Subject: [terrier] Arte
Ce soir au journal d'Arte, une affirmation claire et sans ambiguité de
leur attachement à la démocratie et à l'europe.
Assorti de reportages toute cette semaine sur l'extrème-droite.
Je sais bien que LLdM déteste la télé, mais c'est intéressant
de voir enfin une télévision déclarer et appliquer une politique
éditoriale digne de ce nom.:
FiLH.
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