SUJET : DEUIL NATIONAL (ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES 2002)


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From: "lldemars"  
Sent: Saturday, April 27, 2002 11:16 AM
Subject: [terrier] art, tour d'ivoire et autres biduleries


>Euh, avec 5 millions de voix lepénistes, ne t'apparaît-il pas que poser cette question recouvre justement une des données du problème, qu'on pourrait appeler le syndrome de la tour d'ivoire ?

Tiens, tiens, et comment s'érige-t-elle, cette tour d'ivoire? Comment se fait-il, par exemple, qu'un garçon si défavorable que toi - semble-t-il - à l'érection d'une tour d'ivoire ait pourtant les clés de la mienne. Donc? Donc ce que tu appelles tour d'ivoire ne cherche qu'à stigmatiser ce que tu aurais avec moi appelé il y a dix jours des affinités électives. Alors qu'on me foute la paix avec ça; je cherche depuis toujours à vivre entouré de gens dont je puisse être fier, dont je n'ai jamais à rougir.
Si mes raisons étaient de fuir au quotidien tout frottement avec le national-socialisme ou quoique ce ce soit d'aussi assassin, en quoi cette fuite ne serait pas louable? En quoi le fait de choisir des amis aussi difficiles que vous sur la qualité de votre bonheur est une forme de cécité? C'est plutôt une forme d'éveil qui y conduit.
Ce qui n'est pas très éveillé, c'est de venir maintenant me faire l'éloge de l'expérience; je peux évoquer pendant des années ce que je sais de l'organisation du fascisme en europe et ailleurs (je n'ai pas eu besoin de faire le tour du monde pour écrire "Matamoros") et n'avoir affaire qu'à des sourdingues pour qui tout ça est blabla de paranoïaque.
Et là, il se passe quoi, maintenant? Pour mériter d'être entendu, il faudrait que j'ai au moins quelque chose de pourri dans mon royaume, quelques amis nazis comme lepen a ses domestiques nègres, c'est ça? Il n'y a pas l'esquisse d'une pensée nazifiante autour de moi parce que ma vie entière a rendu ça impossible.

>du moment, mais je la répète quand même : la pénétration du FN va de pair avec l'abandon du terrain social de la part de ceux qui devraient l'occuper.

Je te rappelle que l'artiste n'a pas à "occuper le terrain social"; il n'y a que les institutionnels qui s'acharnent à confondre les deux (travail artistique et travail social) pour instrumentaliser le premier.

>D'ailleurs, je retourne illico sur ledit terrain, sans beaucoup d'espoir de réouvrir mon e-mail d'ici demain.

François, il faut que tu te calmes avec tes catégories de l'entendement aussi binaires qu'un roulement de tambour.
Arrête.
Respire.
Réfléchis.
Depuis quelques jours tu ne te ressembles pas. Qu'un esprit aussi vif que le tiens puisse appeler "le terrain" ce qui ressortit de l'action physique collective, et en écarter le reste (le mail compris), me semble inquiétant. Commences-tu peu à peu à diviser toi-aussi le monde entre ceux qui causent et ceux qui agissent, hm?
Lepen a déjà gagné ces élections s'il réussit à convaincre tout le monde qu'une société doit légitimer la suprématie du groupe qui y exprime le mieux sa puissance et non sa raison.

L.L.d.M.


----- Original Message -----
From: "Julien Pauthe"  
Sent: Saturday, April 27, 2002 10:52 PM
Subject: [terrier] Re: [terrier] Culture française...


> Par exemple une langue est en général le fruit d'un metissage constant.

Non, pas forcément : il y a des langues très fermées (basque par exemple), d'autres qui évoluent plus ou moins vite, avec des périodes de métissage et des périodes de replit. C'est un terrain assez complexe et il faudrait un ethno-linguiste pour répondre à tes interrogations...
Hagège faisait remarquer que nous perdons actuellement beaucoup de langues (essentiellement langues natales de peuples rattrapés par l'expansion occidentale en Amérique du Sud et du Nord, ou encore en Asie, en Sibérie, etc. : langues "indigènes"). D'autres se créent, qui sont surtout des langues "véhiculaires" servant au commerce et aux déplacements à de larges échelles, singulièrement en Afrique : elles ne sont parlées que dans ce cadre et se forment par agglomérat et emprunts à diverses langues nationales, régionales ou ethniques. L'anglais du business international, chez ceux dont ce n'est pas la langue natale (et qui sont dépourvus de curiosité littéraire ou linguistique) finit par ressembler à ces langues véhiculaires : un vocabulaire restreint et de larges emprunts ; il s'éloigne de plus en plus de l'anglais littéraire comme de l'anglais quotidien, que ce soit dans le Royaume-Uni ou aux USA. Le métissage est surtout le fait des langues nationales (liées à un pays et à son histoire, et donc aux strates qui forment une nation). Mais les emprunts ne viennent pas de la seule proximité actuelle avec d'autres peuples. Par exemple le français à deux strates de latin en lui : la première vient de l'époque gallo-romaine et du très long travail de déformation et de mélange (à des langues celtes et germaniques en premier lieu, puis arabes, ibériques, etc.) qui donneront la langue française ; le second est beaucoup plus volontaire et tardif : en voulant relever la langue française et la codifier, les humanistes des XVe et XVIe siècles ont forgé un vaste corpus de néologismes à base de latin et de grec.
Pour s'y retrouver, concernant le français, un très bon outil :
Dictionnaire historique de la langue française, d'Alain Rey (<http://www.chez.com/languefrancaise/biblio/Robert-historique.htm>) qui est bien plus qu'un dictionnaire d'éthymologie : une histoire des mots, des familles lexicales, etc. composant le français moderne.

> Pourquoi accepter redinguotte issus de riding coat et francisé, pourquoi refuser «nominé» issus d'une désinance anglosaxone sur un mot d'origine française ?

Je n'ai pas de religion à ce sujet, je suis assez perplexe aussi. Il me semble néanmoins qu'une éthique de la langue pourrait se dessiner : refuser les anglicismes lorsqu'ils ne font que prendre la place d'un ou plusieurs mots français sans y apporter la moindre nuance (au contraire la détruisant) et les accepter, voire les adapter, lorsqu'ils apportent une notion, une nuance jusqu'ici absente. Il faut aussi voir que les anglicismes du français sont souvent incompréhensibles à un anglophone (n'essayez pas de demander le parking le plus proche depuis votre voiture à un passant londonien...) et donc francisés. Le spleen n'est pas le blues qui n'est pas la déprime qui n'est pas le cafard...
Pour "nomimer/nominé", venus de l'anglais "to nominate" et de son dérivé "nominee", je ne vois vraiment pas l'usage : on peut être nommé, désigné, promu, primé, honoré, couronné... C'est le même cas pour "générer" qui vient remplacer engendrer, sans rien apporter mais en mettant en péril le sens exact de dégénéré... On a aussi le consultant (en entreprise) qu'on devrait appeler un conseiller avant que le sens originel du mot (quelqu'un qui se rend chez un médecin ; le patient étant celui que l'on soigne : nuance) ne disparaisse.

> Je sais bien que c'est un peu éloigné de ce qu'est réellement le FN, mais cette notion de défense d'une cuture ou d'une identité française est quand même au coeur d'une vision fantasmatique de ce qu'est le FN et qui pousse certains à voter FN.

Ça me semble au contraire tout proche de ce qu'est le FN : une pensée réactionnaire crispée sur un âge d'or (de la langue, des relations sociales, du peuplement éthnique, etc.) qui n'a jamais existé. Mais on ne peut démontrer cette illusion qu'en faisant preuve de précision et de pédagogie, car le FN a des théoriciens loins d'être incultes, toujours pervers et retors, qu'il est difficile parfois de contredire. Je ne sais trop ce qu'ils disent de la langue, mis-à-part qu'ils se drapent dans leur programme dans une défense de la langue française tout ce qu'il y a de plus consensuelle aujourd'hui. Mais on les lit discuter dans ce même programme de l'origine du peuplement de la France, qui viendrait de souches celtes, germaniques et latines et n'aurait que peu varié depuis. Or l'histoire du peuplement est particulièrement compliquée (qui passe aussi par la linguistique, au travers de l'onomastique des villes, fleuves, etc) : prétendre à plusieurs siècles d'immobilisme est stupide, prouver le contraire peut se révéler long et fastidieux.
Sur toutes ces questions je vois, pour ma part deux écueils :

1) discuter avec le FN ;

2) ne lui opposer qu'une bienveillante défense du métissage et de l'interculturalité. Il faut réfuter le FN et ses théoriciens sans entrer dans leur jeu (dans la discussion avec eux) et il faut le faire avec précision et rigueur en démontant leurs assertions. Le dilemne est que le temps que cela demande, ils l'emploient à répendre leurs idées et à créer cet absurde sentiment obsidional qui emporte nos contemporains... Pas gagné : il nous faudrait dans les médias de très bons vulgarisateurs, dotés d'une grande culture générale et doués d'une certaine plasticité d'esprit. Ce n'est ni ce qu'on y observe, ni ce que l'éducation nationale s'est employée à produire ces dernières décennies.

Julien-le-pessimiste-rentrant-de-manif



----- Original Message -----
From: "Eric Loillieux"
Sent: Sunday, April 28, 2002 12:09 AM
Subject: Re: [terrier] art, tour d'ivoire et autres biduleries




> Même si je répugne, souvent, à associer ma pratique de l'art au militantisme, je vais sans doute devoir y concéder dans les jours à venir.


L'art militant n'est pas une manière d'occuper le terrain social? Quelle est la source de la phrase "je te rappelle que l'artiste n'a pas a occuper le terrain social?"? Est-ce: "Le petit précis lldmesque de la bienséance, à l'intention des empêcheurs de penser autrement que tel qu'il est précisé dans le petit précis lldmesque de la bienséance"? Sur quelles Tables est-ce donc gravé? Et s'il a envie, lui, l'artiste, d'occuper le terrain social, il est alors un salopiaud d'instrumentalisé de l'institution?
D'ailleurs de plus en plus, quand Johnny Halliday passe à la télévision, on lui demande son avis sur le monde, et Emmanuelle Béart travaille avec médecins sans frontières...Ne sont-ce pas des artistes?

Eric L. (pas pour mettre de l'huile sur le feu, mais pour avoir des éclaircissement sur ce que lldm entend par "art militant", et ce que François entend par "occuper le terrain social".)



----- Original Message -----
From: "lldemars"  
Sent: Sunday, April 28, 2002 12:54 AM
Subject: Re: [terrier] art, tour d'ivoire et autres biduleries

>> Même si je répugne, souvent, à associer ma pratique de l'art au
>> militantisme, je vais sans doute devoir y concéder dans les jours à
venir.

>L'art militant n'est pas une manière d'occuper le terrain social?


Relis la phrase précédente, et joue au jeu des précautions: notre auteur a glissé des tas de précautions dans la phrase ci-dessus, sauras-tu les retrouver?
Pour ce qui est d'un art militant, la question est de savoir s'il peut rester de l'art en se mettant au service d'un discours constitué dont les composantes et le sens lui sont extérieurs. La seule façon de sortir de cette impasse (où je me trouve encore dans ma pratique de ces derniers jours qui est gelée) est d'imaginer une militance de pratique et non une militance de slogan, une manière, si tu préfères, de trouver un geste artistique qui ne doive pas renoncer à sa singularité, à sa spécificité, pour toucher à la militance, sa nature étant soluble dans l'adéquation à une "raison sociale".


>Quelle est la source de la phrase "je te rappelle que l'artiste n'a pas a occuper le terrain social?"? Est-ce: "Le petit précis lldmesque de la bienséance, à l'intention des empêcheurs de penser autrement que tel qu'il est précisé dans le petit précis lldmesque de la bienséance"? Sur quellesTables est-ce donc gravé?

Éric, je n'en ai jamais douté, tu es un impossible provocateur ; avec un Loillieux et un Bouche sur cette liste, j'ai pas fini de souffrir. Cette liste existe depuis trois ans; j'y expose continuellement les principes d'une théorie du sujet, j'y renvoie régulièrement à des articles, des compte-rendus d'expos, des pièces en lignes, qui éclairent cette théorie du sujet. Tu me fais l'effet d'un type qui débarquerait sur une liste lacanienne et lancerait à son admin "ben, vous causez toujours comme si c'était entendu, mais l'inconscient c'est une hypothèse, non?". À ton avis, que te suggérerait-il?

>Et s'il a envie, lui, l'artiste, d'occuper le terrain social, il est alors un salopiaud d'instrumentalisé de l'institution?

Il y a pas mal de victimes qui n'ont même pas besoin de bourreaux pour s'imaginer des règles, des impératifs, une domination. Comme il y a des artistes qui pompiérisent sans que personne ne les y force. Que dire?

>Eric L. (pas pour mettre de l'huile sur le feu,


tu parles


L.L.d.M.



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From: "Eric Loillieux"  
Sent: Sunday, April 28, 2002 12:15 PM
Subject: Re: [terrier] art, tour d'ivoire et autres biduleries




> Relis la phrase précédente, et joue au jeu des précautions: notre auteur a glissé des tas de précautions dans la phrase ci-dessus, sauras-tu les retrouver?

"même, si, répugne, souvent, associer, ma, vais, sans doute, concéder". C'est l'autre phrase qui manquait peut-être de précautions.

> Pour ce qui est d'un art militant, la question est de savoir s'il peut rester de l'art en se mettant au service d'un discours constitué dont les composantes et le sens lui sont extérieurs. La seule façon de sortir de cette impasse (où je me trouve encore dans ma pratique de ces derniers jours qui est gelée) est d'imaginer une militance de pratique et non une militance de slogan, une manière, si tu préfères, de trouver un geste artistique qui ne doive pas renoncer à sa singularité, à sa spécificité, pour toucher à la militance, sa nature étant soluble dans l'adéquation à une "raison sociale".

OK, voilà la réponse. Et tu y arrives? Je te le demande parce que j'ai pour ma part le sentiment que la seule manière d'être intègre, voire même éventuellement (je fais un concours de précautions) efficace, est de faire (artistiquement parlant) strictement la meme chose que d'habitude: soit ta pratique est déjà intrinsèquement un questionnement du sujet et un processus d'individuation, et dans ce cas sa part militante n'est pas à discuter, soit tu fais de la musique d'ameublement et de la peinture pour dessus de canapés et dans ce cas le militantisme dans l'art n'est probablement pas ton problème.
Quant à savoir s'il faut plutôt recréer l'atelier de litho des Bx-Arts de Paris en mai 68, voilà qui peut venir en plus mais certainement pas en remplacement. Tu es illustrateur, n'est-ce pas? Pourquoi ne nous pondrais-tu pas quelques affichettes, si ça te démanges? C'est dans ce registre que tu cherches déja peut-être?
Ne peut-on pas dire: mon travail est en soi une opposition radicale à tous système de négation de l'individu, s'il agit il le fait en lutte de fond perpétuelle et pas ponctuellement en réaction à un évenement particulier. Et si j'ai la nécessité de davantage coller à l'immédiateté brûlante j'utilise ce que m'a appris ma pratique de l'art à des formes d'expressions percutantes qui n'en seront pas (de l'art).

> Éric, je n'en ai jamais douté, tu es un impossible provocateur ; avec un Loillieux et un Bouche sur cette liste, j'ai pas fini de souffrir.

Tout le monde souffre, ici. Et toi en plus tu aimes ça.

> Cette liste existe depuis trois ans; j'y expose continuellement les principes d'une théorie du sujet, j'y renvoie régulièrement à des articles, des compte-rendus d'expos, des pièces en lignes, qui éclairent cette théorie du sujet. Tu me fais l'effet d'un type qui débarquerait sur une liste lacanienne et lancerait à son admin "ben, vous causez toujours comme si c'était entendu, mais l'inconscient c'est une hypothèse, non?". À ton avis, que te suggérerait-il?

D'aller glaner ailleurs d'autres couilles à casser, peut-être...Ou de mettre un smiley ;-) quand il y'a ironie?

> Il y a pas mal de victimes qui n'ont même pas besoin de bourreaux pour s'imaginer des règles, des impératifs, une domination. Comme il y a des artistes qui pompiérisent sans que personne ne les y force. Que dire?

Que ceux-là trouveront encore leur compte quelque soit le résultat du second
tour...?

>> Eric L. (pas pour mettre de l'huile sur le feu,
> tu parles

Eh ben, heureusement que j'avais précisé...Si on peut plus rigoler.

Eric L.
--


----- Original Message -----
From: "Julien Pauthe"  
Sent: Sunday, April 28, 2002 12:51 PM
Subject: [terrier] Re: [terrier] Re: [terrier] Re: [terrier] Culture française...



> Julien, ce que tu dis là est juste. J'ajouterai pourtant une notion qui me semble manquante, celle de l'autre.

Je ne peux parler de tout à la fois, Marc... J'essaye déjà de ne pas m'embrouiller dans mes propres réflexions.

> Pour ma part, je ne sens pas plus d'exotisme dans les gestes d' un chaman que dans ceux de mon voisin de palier.

Pour ma part les gestes d'un chaman m'intéressent plus (tels que je peux les lire dans l'ethnologie ou la poésie amérindienne) que ceux de mon voisin de palier qui est un "sataniste" écoutant du death metal très fort, collectionnant des figurines de gobelins qu'il peint amoureusement, ne possédant pas de livres mais une télé (je sais : je suis allé boire une bière chez lui, parce que c'est un gars sympa qui m'a aidé à décoincer mon sommier de la cage d'escalier). Mais pour l'exotisme, il est surtout historique : j'en profite pour te conseiller "Les Chamanes de la préhistoire" de Jean Clottes et David Lewis-Williams (pas l'édition Seuil, chère, mais l'autre -je sais plus chez qui- moins chère et avec le dossier de la controverse) qui s'attaquent après vingt ans de silence dans la discipline à l'analyse de l'art pariétal : tu verra que le chamanisme est sans doute à l'origine de beaucoup de choses en Europe aussi.

> A force de pointer les singularités de notre histoire communautaire, on en oublie les invariants de construction.

Ah, là c'est Laurent qui doit parler : moi je fais les généalogies foireuses et lui fait l'inactuel douteux... Non, sans rire, je n'oublie rien (cf. référence ci-dessus) , Marc, mais ce n'était pas vraiment casé dans la démarche là.

> Petit jeu idiot à l'attention de ceux qui fustigent l'ignorance américaine. En moins d'une heure, établir une liste la plus exhaustive des cinquante états qui composent la fédération américaine. Idem pour le continent africain.

Je ne fustige pas plus l'ignorance "américaine" que la slovaque ou la bretonne : je pointe un contre-modèle de médias. J'ai fait ton petit jeu vite fait dans ma tête : pas brillant-brillant.
Après vérification sur la mappemonde de ma cuisine, je connais à peu près aussi mal la géographie africaine que nord-américaine (oublier l'Ontario...). Pour l'Afrique le nord et l'ouest ne me posent pas de problème, après ça se complique : j'ai des noms pour les pourtours, je les place assez mal et le centre me reste obscur. Pour l'Amérique c'est curieux : le sous-continent du sud ne me pose aucun problème, mais pour les États de l'Union revient le problème : je connais bien les pourtours mais au centre c'est le bordel.

J


----- Original Message -----
From: "Thierry Bouche"  
Sent: Sunday, April 28, 2002 1:30 PM
Subject: Re[2]: [terrier] Culture française...


> Le dimanche 28 avril 2002, à 10:01:08, FiLH FiLH écrivit :
> F> Enfin est-ce que quelqu'un sur cette liste à un sentiment un peu déterminé sur son «appartenance» à un machin ?

je me sens français, et par dessus tout écrivain français.
Je me sens français peut-être parce que je suis un pur produit de la république jacobine, parents parisiens, deux ou trois générations plus haut on trouve de tout, du juif russe, de l'auvergnat, du catalan et je ne sais quoi. Je vis dans une ville où je n'ai aucune attache et qui me sort par les yeux.
Je me sens aussi méditerranéen, mais pas vraiment européen : on mange trop mal en Allemagne, il fait trop humide un peu partout. Je me sens chez moi en Espagne ou en Grèce, pas du tout à Lille. Je crois que la nourriture a vraiment un impact considérable sur la possibilité de s'arrêter quelque part, de s'y sentir en sécurité ou pas.
J'envisage sérieusement d'émigrer (plus près de l'eau salée), ça ne changera rien à ce que j'ai dit plus haut. Je m'inscris dans une
tradition intellectuelle qui a fleuri ici, et ça restera à jamais ma référence...

Cordialement,

Thierry


----- Original Message -----
From: "lldemars"  
Sent: Sunday, April 28, 2002 1:36 PM
Subject: [terrier] Re: [terrier] consternée...


> > connaître leur langue). Notamment 2 sites de juifs racistes (je savais même pas que ça existait).
>En quoi le fait d'être juif serait garant d'une immunité contre la connerie ? Je présume que le pourcentage de connards et racistes et le même chez les juifs qu'ailleurs !


je pense (elle me corrigera) que Caroiline voulait dire "je ne pensais pas qu'il existait des sites Juifs racistes" et non "je ne pensais pas qu'il existait des Juifs racistes". Le penser, ce serait, encore, du racisme, évidemment.

L.L.d.M.


----- Original Message -----
From: "lldemars"  
Sent: Sunday, April 28, 2002 1:51 PM
Subject: Re: [terrier] art, tour d'ivoire et autres biduleries


>OK, voilà la réponse. Et tu y arrives? Je te le demande parce que j'ai pour ma part le sentiment que la seule manière d'être intègre, voire même éventuellement (je fais un concours de précautions) efficace, est de faire (artistiquement parlant) strictement la meme chose que d'habitude: soit ta pratique est déjà intrinsèquement un questionnement du sujet et un processus d'individuation, et dans ce cas sa part militante n'est pas à discuter,

sa part critique et politique est indiscutable, oui, en ce sens. Militante, c'est une autre affaire

>Quant à savoir s'il faut plutôt recréer l'atelier de litho des Bx-Arts de Paris en mai 68, voilà qui peut venir en plus mais certainement pas en remplacement. Tu es illustrateur, n'est-ce pas? Pourquoi ne nous pondrais-tu pas quelques affichettes, si ça te démanges? C'est dans ce registre que tu cherches déja peut-être?

je suis effectivement, ces temps-ci, en train de faire ce genre de choses (micro-videos, affiches, réunions, etc.) mais ça pose un problème de fond, que soulignent très bien tes formulations: je suis dans la situation très inconfortable où la question qui se pose est celle de "l'évidence". En effet, une oeuvre d'art n'a pas pour vocation d'être monosémique, intelligible, mais au contraire sa nature est ambiguë, paradoxale, ouverte.
C'est son moyen de souligner que les vertus des questions outrepassent largement la possibilité d'y répondre, et, d'une certaine façon, de nous rappeler que s'il est une vérité, elle n'est que du sujet. La militance est un problème d'information, de parole publique, d'entendement immédiat. Ce qui fait de mes actions récentes des aveux de passage à l'hors-champ artistique, ou plutôt à l'instrumentalisation de mes moyens usuels à d'autres fins qu'eux-mêmes, et qui nous ramène à ta juste (mais au fond assez tragique) formulation:

>Et si j'ai la nécessité de davantage coller à l'immédiateté brûlante j'utilise ce que m'a appris ma pratique de l'art à des formes d'expressions percutantes qui n'en seront pas (de l'art).

Il n'y a pas à larmoyer sur l'impuissance de l'art à résoudre notre tourmente circonstantielle parce que, tout simplement, ce n'est pas un de ses fondements, une de ses définitions. La pratique de l'art est probablement le creuset de questions inactuelles, de recherche ontologique, de définition anthropologique, de même qu'elle est surtout l'expression de l'intelligence humaine sous d'autres espèces que linguistiques. Et peut-être, tout bêtement, que l'actualité - la circonstanciation - est un problème qui ne peut quitter la sphère linguistique. Ce qui veut dire qu'un art militant, avant de se mettre au service d'une cause, se met d'abord au service du langage et de ses articulations; l'image, par exemple, y sera par le moyen de l'inscription ou de l'analogie (rébus, collage etc.) associée à du discours. Elle délèguera une part de son opacité, de son ambiguité, aux exigences de clarté qu'on impute au discours.


L.L.d.M.


----- Original Message -----
From: "erwan.tanguy"  
Sent: Sunday, April 28, 2002 4:41 PM
Subject: [terrier] Fw: de la voix politique


de la voix politiquedans les messages reçus

----- Original Message -----
From: François Bon
To: François Bon
Sent: Sunday, April 28, 2002 5:26 PM
Subject: de la voix politique


par exception, je fais circuler ce texte de Jean-Luc Nancy, reçu de Bruno Tackels, et qui monte le débat d'un cran
FB


LA VOIX QUI A MANQUÉ, CELLE QUI DOIT PARLER
Une voix a manqué, une seule : la voix qui eût été celle d¹une gauche, certes moins éparpillée (et surtout pas éparpillée dans un tel ridicule !), mais surtout d¹une gauche politique. Si la campagne était aussi dérisoire, c¹est qu¹elle n¹était pas politique. Elle ne l¹était pas parce que la droite et la gauche ont l¹une et l¹autre consenti à ce que s¹efface l¹instance de la politique. Elles y ont consenti parce qu¹elles n¹ont pas aperçu l¹urgence de penser à neuf cette " politique " tombée dans le discrédit ou censée vaincue par l¹économie. La voix qui a manqué est la voix d¹une pensée. On lit ici ou là que le PS devrait cesser d¹être un parti d¹intellos : si l¹ intello est le cultureux de salon, bien sûr, mais le travail de pensée n¹a rien d¹intello. Il a manqué une pensée et donc une voix de la politique.
La politique n¹est ni la stratégie des partis pour conquérir ou contrôler l¹Etat, ni la vision épique du destin d¹une Nation. Elle se tient au point d¹un " tout " de l¹existence en commun qui n¹est pas un tout totalisant, qui est en un sens un point vide (c¹est le trait propre de la démocratie : comme le disait à peu près Michelet, son seul monument doit être une place vide où les gens peuvent s¹assembler). Mais en ce point, elle nomme ou plutôt elle phrase l¹unité de ce tout sans totalisation : elle lui donne un ton, une tenue, une voix.
Par exemple, elle pourrait donner une voix à ce que " France " peut vouloir dire en tant que pays où se rassemblent tant de cultures aux voix différentes. Ou bien, à ce qu¹ " Europe " peut vouloir dire d¹autre que zone de libre-échange. Ou à ce que " monde " peut vouloir dire d¹autre qu¹exploitation généralisée et aggravée. Donner une voix à ce que peut vouloir dire être ici, vivre ici, en France, en Europe, dans le monde, ici et maintenant. Etre un homme politique, c¹est trouver une voix pour cela. C¹est exactement ce qui fut oublié. C¹est donc exactement pour cela qu¹une voix hargneuse et vulgaire vient éructer : " ici, c¹est chez nous " en faisant entendre que " nous " serions la nation sacrée, bien entendu introuvable et définissable seulement comme ni l¹Europe, ni le Monde, et tout juste la France de Jeanne d¹ArcS(pourquoi pas la Gaule ?).
Il n¹est pas étonnant que la voix qu¹on dit fasciste se fasse entendre lorsque la voix politique se tait. Car le fascisme représente le revers de la politique : la prétention à remplir d¹une substance épaisse et fantasmatique (l¹authenticité nationale) l¹espace ouvert qui doit servir à la rencontre des gens, des gens réels et non des sujets " authentiques ".

Le mutisme de la voix politique n¹est pas une faute à imputer à quiconque. C¹est un événement qui vient déjà de loin, et il ne faut surtout pas chercher à retrouver des voix perdues. Il faut en trouver une, il faut inventer un ton et un phrasé, des tons, des accents, des timbres et des rythmes qui soient les nôtres, ici et maintenant. Peut-être fallait-il qu¹un coup de tonnerre assourdissant nous réouvre les oreilles pour des voix nouvelles, inouïes.

Mais pour le moment, dans l¹urgence immédiate, cette voix, la nôtre, peut faire entendre au moins un cri : elle peut, elle doit couvrir et rendre inaudible la voix anti-politique. En votant contre le FN, on ne vote pour rien ni pour personne d¹autre : on fait entendre la voix politique, la politique en tant que notre voix, contre la vocifération.

Jean-Luc Nancy



----- Original Message -----
From: "lldemars"  
Sent: Monday, April 29, 2002 1:14 AM
Subject: [terrier] besoin de votre avis


<http://www.atol.fr/lldemars2/3affiches/>

trois projets d'affiches; je voudrais votre avis dessus avant de les tirer, ajuster les slogans, la maquette, d'autres détails. J'attends avec impatience vos commentaires.
Merci


L.L.d.M.



----- Original Message -----
From: "Julien Pauthe"  
Sent: Monday, April 29, 2002 7:04 AM
Subject: Re: [terrier] besoin de votre avis



> <http://www.atol.fr/lldemars2/3affiches/> >> trois projets d'affiches; je voudrais votre avis dessus avant de les tirer, > ajuster les slogans, la maquette, d'autres détails.
> J'attends avec impatience vos commentaires. > Merci


Pas mal. J'aime surtout la première. Si tu veux les diffuser largement (ainsi que la page d'accueil du Terrier), Libération et Le Monde font des compilations des diverses réactions (affiches, tracts, etc.) : reactions@liberation.fr <mailto:reactions@liberation.fr> (visibles là : <http://www.liberation.fr/presidentielle/actu/affiches01.php>) et là : <http://www.lemonde.fr/visu_port-folio/0,5870,28158--,00.html>

A +
J



----- Original Message -----
From: "Julien Pauthe"  
Sent: Monday, April 29, 2002 7:08 AM
Subject: [terrier] Re: [terrier] terrier] Culture française...


> Pour ce qui est d'appartenir spécifiquement à la communauté française, je crois que je m'en fous comme d'une guigne. J'aurais pu être danois, belge ou portugais, ça n'aurait rien eu de dramatique.


Mais pour moi non plus ça n'aurait rien de "dramatique" d'être portugais (enfin, depuis la révolution des oeillets, parce qu'avant...), mais je suppose que ma culture, au sens le plus large du terme, en serait changée (rien que par le fait de sans doute connaître par coeur plus de poèmes de Pessoa que de Rimbaud).

J



----- Original Message -----
From: "Francois Coquet"  
Sent: Monday, April 29, 2002 7:33 AM
Subject: Re: [terrier] besoin de votre avis


> J'attends avec impatience vos commentaires.


Même les miens ?
Bien : sur les affiches 2 et 3 , le message est ambigü (on pourrait les interpréter à parfait contre-sens comme des nostalgies du temps où le nazisme était autre chose qu'un mot), et même s'il est lu correctement, il fonctionne exclusivement sur la peur, en excluant toute réaction, toute résistance ("nous sommes perdus"). Or, au risque de choquer une fois de plus, il me semble que si urgence il y a, c'est précisément celle d'organiser une résistance au fascisme, et notamment à ce qui en fait le lit. Enfin, ces affiches -qui reprennent, fallait s'y attendre, le parallèle avec le nazisme- ne s'adressent qu'à des convaincus.

En ce qui concerne la première, elle me semble très, très réussie techniquement. C'est d'ailleurs bien mon problème, parce que si je dois la contester, c'est plus politique : j'aurais assez envie de la plagier en mettant, à la place du rectangle blanc, la trombine à Chirac, et avec le slogan "si c'est votre seul horizon, craignez qu'on vous le remplace". Un partout, la balle au centre ?

Je reviendrai sur l'histoire de la tour d'ivoire quand j'aurai le temps d'argumenter un peu sérieusement. Juste trois remarques lapidaires : -j'avais précisé qu'il s'agissait d'un constat, pas d'une critique, et j'ajoute, encore moins d'une attaque personnelle (ce constat me touche autant que toi) ;
-le terme "tout d'ivoire" était particulièrement malheureux, j'y reviendrai ;
-je maintiens toutefois que l'heure est à l'action ; on peut me dire que ce n'est pas dans le domaine du rationnel (mais celui du rapport de force), mais croire que voter Chirac est la solution du problème, en tout cas focaliser là-dessus, ne me semble pas non plus excessivement rationnel.

Toujours très amicalement, quoi qu'il en soit.

François


----- Original Message -----
From: "lldemars"  
Sent: Monday, April 29, 2002 11:25 AM
Subject: Re: [terrier] besoin de votre avis


>Bien : sur les affiches 2 et 3 , le message est ambigü (on pourrait les interpréter à parfait contre-sens comme des nostalgies du temps où le nazisme était autre chose qu'un mot), et même s'il est lu correctement, il fonctionne exclusivement sur la peur, en excluant toute réaction, toute résistance ("nous sommes perdus").

Nous sommes perdus SI. J'avais au départ écrit: "tout est à refaire si ce n'est plus qu'un mot"; et là, ça me semblait ambigü. Que choisir, selon vous?

> Or, au risque de choquer une fois de plus, il me semble que si urgence il y a, c'est précisément celle d'organiser une résistance au fascisme, et notamment à ce qui en fait le lit.

Ce qui en fait le lit, c'est l'ignorance. Résister? Oui: c'est-à dire en expliquant aux manifestants, par groupes de 5, 10 (au-delà toute parole est impossible) ce qu'est le nazisme. Ils l'ignorent. Absolument. Et s'il s'agissait seulement d'anthropologie! Même l'histoire leur échappe. Ce n'est qu'un mot, qui n'a pas plus d'ancrage dans la réalité pour eux que "étranger" ou "race" dans celle d'un lepéniste. Leurs slogans sont l'expression de cette ignorance, de ce rapport dualiste au monde, de l'incapacité à saisir qu'ils sont impliqués humainement dans la substance du nazisme.
Je lis sur des affiches "abstention; le combat est dans la rue, pas dans les urnes". Ceux qui diffusent ces affiches ont le goût du sang, et se réjouissent à l'idée que Lepen au pouvoir soit pour eux l'occasion d'aller en découdre avec les dragons.
Iss sont prêts pour la lutte? Qu'ils se le disent bien : leurs adversaires n'attendent que ça; et ils sont armés. Entraînés. C'est leur vision du monde. Et ils sont plus ignorants encore qu'eux, ce qui les cautérisera contre toute tentation de voir en un opposant la moindre trace de fraternité.

> Enfin, ces affiches -qui reprennent, fallait s'y attendre, le parallèle avec le nazisme- ne s'adressent qu'à des convaincus.

ah? Ce n'est évident pour moi que parce que j'y travaille depuis de nombreuses années. Ça ne coule pas de source. Sinon, c'est quoi, plus loin, l'analogie des convaincus qui, dans la rue, chantent en ce moment "Lepen salaud le peuple aura ta peau?"? Lepen=salaud=fasciste=ss?

>contester, c'est plus politique : j'aurais assez envie de la plagier en mettant, à la place du rectangle blanc, la trombine à Chirac,

Mais enfin, c'est idiot François ; si Chirac n'apparait pas dans mon affiche, c'est parce qu'il n'existe pas dans ce qui se joue dans ce vote.

>et avec le slogan "si c'est votre seul horizon, craignez qu'on vous le remplace". Un partout, la balle au centre ?

L'horizon, pour moi, c'est de pouvoir en imaginer encore un dans l'espace critique du pouvoir en place. En ce sens, et en ce sens seulement, Chirac présente un horizon là où abstention, votes blancs et autres faridondelles passionnelles relèvent de l'érection d'un mur qui, brutalement, rendra tout horizon impossible puisqu'on ne discute pas avec un gouvernement
national-socialiste.

>-je maintiens toutefois que l'heure est à l'action ;

définir, redéfinir encore, faire ce que nous savons faire le mieux, écrire, faire des oeuvres d'art, prendre notre temps pour penser, c'est de l'action. Parler c'est agir. Penser c'est agir.
J'ai constaté lors de la réunion au Bon Accueil l'immense et rassurant empire de la douceur (notamment pour éteindre les crises passionnelles qui commençaient à naître). Je ne veux rien d'autre, plus jamais rien d'autre.

L.L.d.M.



----- Original Message -----
From: "erwan.tanguy"  
Sent: Monday, April 29, 2002 11:54 AM
Subject: [terrier] Fw: [remue.net] Daeninckx hier au Zenith


Daeninckx hier au Zenithpour ceux qui ne l'ont pas reçu

----- Original Message -----
From: le bulletin
To: bulletin
Sent: Monday, April 29, 2002 12:26 PM
Subject: [remue.net] Daeninckx hier au Zenith


(repris d'Amnistia.net) Dimanche 28 avril, plus de 8.000 personnes se sont rassemblées au Zénith de Paris pour dire leur détermination de faire barrage au fascisme. De très nombreux comédiens, chanteurs, musiciens, écrivains se sont exprimés. Didier Daeninckx, de la rédaction d'amnistia.net a prononcé le texte qui suit.

En 1961, alors que la guerre d'Algérie faisait rage, Jean-Luc Godard, citoyen suisse, réalisait un film, Le Petit Soldat, dont un des thèmes était la torture.
Un député avait alors exigé l'expulsion immédiate de Godard, cinéaste étranger.
Il s'appelait Jean-Marie Le Pen.

Qui aurait pu penser, il y a quelques mois, que les idées de ce personnage seraient légitimées au point de passer en boucle sur tous les écrans du pays?
Ce n'est pas que leur propre dynamique qui les a amenées au premier plan.
Il a fallu, aussi, que nous soyons dépossédés de nos discours, de nos valeurs, de nos repères.

J'écris des romans noirs et le thème martelé ces derniers mois, l'insécurité, m'est coutumier.
En tant qu'écrivain, j'ai besoin du crime, oui, mais du crime qui retombe sur le bourreau et non sur sa victime!
Personne n'a eu la parole pour dire calmement que sur les 1200 meurtres annuels, en France, la moitié sont passionnels, et que l'endroit le plus dangereux, contrairement au fantasme, n'est pas une cité de banlieue, mais une chambre à coucher ordinaire où rentre, à l'improviste, la compagne ou le compagnon ahuri d'y trouver une doublure!

Personne n'a eu la parole pour rappeler que la plus effroyable des insécurités est l'insécurité sociale.
Que les accidents du travail continuent de tuer autant que les assassins, qu'au cours des 20 prochaines années, 100.000 travailleurs et travailleuses, je dis bien 100.000, mourront des suites de l'intoxication à l'amiante.
Les partisans de la tolérance zéro ont ironisé sur l'objectif de zéro SDF, alors que la misère pousse des centaines de milliers de personnes sur le bas-côté, que des millions d'autres ne supportent la précarité de leur existence qu'avec le secours des anti-dépresseurs, de l'alcool, des cames dures.

Qui a pu dire que le suicide des jeunes hommes a atteint le chiffre de 800 l'année passée, venant pour la première fois en première place, devant le suicide des personnes âgées?
Ceux qui tentaient de dire cela étaient traités par le mépris, taxés d'être des soixante-huitards attardés, des samaritains, de "bonnes âmes" dont le temps était révolu.
On a voulu briser l'homme solidaire pour le transformer en homme solitaire.
Il est devenu presque impossible, devant les actes de déviance, de poser cette simple question qui hante les romans du XIXe siècle: "Pourquoi cet homme a-t-il volé?"
Il ne s'agit pas, pourtant, de chercher une excuse à l'acte, mais simplement de le considérer dans toute sa dimension.
Il est possible que ce soit là parler à contre-courant. A mon sens, la politique, ce n'est pas suivre mais précéder:

Il y a vingt ans, la gauche se battait sur le symbole de l'abolition de la peine de mort. Les hurlements des guillotineurs ont repris de plus belle ces derniers temps. Ils font semblant d'ignorer qu'en 1989, lors du premier procès de Patrick Dils, qui vient d'être acquitté, l'avocat général avait déclaré qu'il aurait, quelques temps plus tôt, risqué sa tête?

Et puisque j'évoquais le XIXe siècle, pourquoi ne pas rappeler qu'il y a juste 150 ans, ici, en France, un dictateur prenait le pouvoir grâce qu suffrage populaire. Il s'appelait Napoléon III, et le principal romancier de ce temps-là, Victor Hugo, échappait à la mort grâce au dévouement d'une femme, Juliette Drouet.

Voici ce qu'il écrivait depuis son exil anglo-normand, à la toute fin des "Châtiments":
J'accepte l'âpre exil, n'eut-il ni fin ni terme,
Sans chercher à savoir et sans considérer
Si quelqu'un a plié qu'on aurait cru plus ferme
Et si plusieurs s'en vont qui devraient demeurer
Si l'on n'est plus que mille, eh bien j'en suis. Si même,
Ils ne sont plus que cent, je brave encore Sylla,
S'il en demeure dix, je serai le dixième,
Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là.

Trois quarts de siècle plus tard, après des élections populaires qui avaient porté à la tête de son pays un autre dictateur, Bertold Brecht répondait en quelque sorte à Hugo depuis son exil des Amériques:
"Malheur aux peuples qui ont besoin de héros".

Il faut tout entreprendre, je crois, pour faire l'économie des héros, faire des choses peu glorieuses...
Aller voter, par exemple, pour un candidat que l'on n'a pas choisi.
C'est ce que je ferai, dimanche prochain, avec le bulletin Chirac, un acte contraint, qui aura une seule signification: préserver l'avenir.
Certains sont tentés par le vote blanc, j'ai le sentiment que ce vote est surtout un vote "petit blanc".

Didier Daeninckx
Zénith de Paris, 28 avril 2002



----- Original Message -----
From: "Elisabeth Çatçoury"  
Sent: Monday, April 29, 2002 12:46 PM
Subject: [terrier] Communication de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation



Communication de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation.

Préoccupée par la tournure qu'ont prise les élections présidentielles au premier tour, la Fondation pour la Mémoire de la Déportation appelle solennellement à la vigilance face à la présence de l'extrême droite nationaliste au second tour.

Elle rappelle que le Président du Front National :

* derrière l'aspect rassurant qu'il se donne actuellement a fait l'objet de condamnations en Justice et de mesures de levée d'immunité parlementaire pour des raisons qui démentent son discours ;

* entretient un réseau d'amitiés avec des dirigeants ou responsables nationalistes les plus extrêmes en Allemagne (Schönhubert, ancien SS, chargé de l'entraînement de la division SS française « Charlemagne »), en Autriche (J.Haider), en Russie (Jirinowski), en Italie (U.Bossi, ligue du Nord), révélant où sont ses références politiques ;

* appuie directement ou par l'intermédiaire de ses proches collaborateurs les thèses négationnistes, et minimise les crimes nazis en les assimilant à de simples faits de guerre ;

* se veut le promoteur d'une rénovation nationale, rappelant la « révolution nationale » du régime de Vichy, dont des nostalgiques ont été une composante du Front National à sa création ;- se présente comme le recours d'une société à la dérive, y trouvant argument pour préconiser : la remise en cause des traités européens ; des mesures de sécurité nouvelles (dont il faut s'attendre qu'elles s'accompagnent de dispositions relatives à l'exercice des libertés ) ; une restriction du droit d'asile ; l'introduction dans la constitution de la notion de préférence nationale contraire aux principes fondateurs de la République .

Toute la démarche du candidat s'inspire de celle qu'ont utilisée avant lui, les dirigeants des régimes totalitaires et fascistes légalement parvenus au pouvoir : convaincre qu'il est l'ultime recours, puis imposer sa vision d'une nouvelle « morale nationale » et d'un nouvel « ordre républicain ».
La Fondation qui s'est assignée comme but de ne pas laisser tomber dans l'oubli les crimes commis par les nazis et leurs alliés, au nom d'une idéologie fondée sur le racisme et le rejet de l'autre, invite tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté à se remémorer ce que furent les abus de pouvoir rendus possibles par un choix « démocratique » hasardeux, si cher payé par l'humanité toute entière.


LA MEMOIRE DOIT RESTER « SENTINELLE DE L'ESPRIT »


----- Original Message -----
From: "Thierry Bouche"  
Sent: Monday, April 29, 2002 12:55 PM
Subject: Re[2]: [terrier] besoin de votre avis


Le lundi 29 avril 2002 à 12:45:04, lldemars lldemars écrivit :

>>ça fait penser à l'_ABC de la guerre_, de Brecht ; mais en beaucoup moins bon.
> connais pas "l'ABC de la guerre" de Brecht; t'as des références pour une consultation?

c'es un grand livre relié publié par les PUG (presses universitaires de grenob'). Je verrai ce soir si je ne peux pas te scanner quelques pages significatives (le principe est : une photo coupée dans un journal couplée avec un quatrain)

>>Et, en effet, le message n'est pas forcément évident !
> tu veux dire, le sens de celui des deux dernières?


Même la première : que représente la case blanche, un bulletin blanc ? l'abstention ? la face invisible de Jospin ou d'un candidat du premier tour qui n'est pas arrivé au second ?

Et puis, « nazisme », même encadré, ça n'est qu'un mot. La preuve, quand un mot est sale ou embarrassant, on en change, quitte à les piquer à l'adversaire. Très difficile de savoir à qui ça peut parler, et ce que ça va lui dire...

--
Thierry Bouche


----- Original Message -----
From: "lldemars"  
Sent: Monday, April 29, 2002 1:35 PM
Subject: Re: [terrier] besoin de votre avis


>Le Pen au pouvoir, donc raffles,convois,camps de concentration... je ne suis pas persuadée qu'un défilé d'uniformes nazis symbolise suffisamment l'horreur dans les esprits que tu cherches à réveiller.


c'est entendu; et probablement judicieux. Si les déferlements de drapeaux alarment, ce n'est qu'en tant qu'on peut les raccorder immédiatement aux conséquences. Donc: utiliser plus directement les conséquences.
Merci.

L.
--


----- Original Message -----
From: "erwan.tanguy"  
Sent: Monday, April 29, 2002 2:11 PM
Subject: [terrier] Fw: Mieux que des gants: pliage en 4



----- Original Message -----
Sent: Monday, April 29, 2002 3:09 PM
Subject: Fw: [Membroj de Jefo] Mieux que des gants: pliage en 4


FAIRE TOURNER

Présidentielle, 2e tour. Tout problème a sa solution On se plie en quatre
La difficulté c'est que si beaucoup parmi nous admettent qu'il faut voter Chirac pour bloquer Le Pen ils n'ont guère envie, vraiment, non, de faire élire un gus qui traîne un kilomètre de casseroles derrière lui. Question de moralité publique en quelque sorte.
C'est d'autant plus dur à avaler que la loi ne permet pas
de finasser: c'est ou l'un ou c'est l'autre. Circulez, il n'y a pas à discuter.
Vous mettez un bulletin d'un candidat éliminé au premier tour, vote nul.
Vous mettez un bulletin blanc, vote blanc.
Vous faites un signe distinctif quelconque (du genre «Chirac, faute de mieux » ou « Chirac, hélas »), vote nul.
Vous affichez votre mécontentement devant un tel choix lors de votre passage dans le bureau de vote? Interdit.
La situation est donc sans issue? Marianne n'est-elle qu'une marâtre qui se désintéresse de ses meilleurs enfants? Peut-être pas... Car la loi n'a pas tout prévu.
Imaginez en effet que, après avoir pris vos deux bulletins (eh oui, vous serez obligé de prendre les deux bulletins, celui de Chirac et celui de Le Pen, car n'en prendre qu'un, ce serait faire étalage publiquement de votre vote et la loi l'interdit) vous entriez dans l'isoloir. Là, pendant quelques fractions de minute, bien à l'abri derrière le petit rideau qui vous soustrait aux regards inquisiteurs, plus personne ne peut rien contre vous. Vous êtes seul maître à bord. Evidemment, les biscuits que vous avez entre les mains ne sont pas nombreux: une enveloppe et deux bulletins de vote. > Il n'est qu'une seule chose que la loi ne précise pas, une seule chose qui ne soit pas codifiée...

Le nombre de fois que vous allez plier votre bulletin avant de l'introduire dans l'enveloppe. Aucun texte ne dit qu'il est interdit de faire plus d'un ou deux plis. Aucun.
Ça paraît étrange mais c'est ainsi. Grosse lacune, on va le voir.Dans le secret de l'isoloir, avant de glisser votre bullletin Chirac dans l'enveloppe, pliez-le non pas une fois (comme cela se fait habituellement), ni deux, ni trois, mais quatre fois.
A quatre plis vous obtiendrez un bout de papier de 3,5 cm de long sur 2,5 cm de large (en seize surfaces) que vous glisserez sans problème dans votre enveloppe.
Si votre bulletin ne comporte aucune surcharge, aucun signe distinct, il sera comptabilisé.

Votre vote sera parfaitement valable...Voici arrivée l'heure du dépouillement (soyez nombreux présents dans votre bureau de vote à ce moment là). Ces bulletins pliés en quatre, immédiatement repérables, permettront d'évaluer la force du vote Républicain non chiraquien. Et si, dans chaque bureau, les représentants mandatés par les partis politiques (dûment prévenus) notent au passage ces bulletins quatre fois pliés, le chiffre officieux de cet acte de civisme original ne restera pas longtemps inconnu.

Et pour finir cette dure journée : Gardez votre bulletin au nom de Jean-Marie Le Pen, et renvoyez le à l'Elysée avec, inscrit au dos :"Je vous ai donné cette voix pour faire barrage au Front national et non par conviction politique".
Il suffit de l'envoyer à :
M. Jacques Chirac
Palais de L'Elysée
75008 Paris

Et même pas besoin de l'affranchir, l'envoi est gratuit !

Evidemment, pour que cette affaire ait un sens, il faut que cette proposition soit rapidement relayée par tous les canaux d'information dont nous sommes si richement dotés.
Alors, ne perdons pas de temps...


----- Original Message -----
From: "jean-francois savang"  
Sent: Monday, April 29, 2002 4:21 PM
Subject: [terrier] que des "démocrates"


Le leader de la ligue du Nord Umberto Bossi s'est montrétrès critique envers JM Le Pen: "Le Pen donne des réponses fausses à de vraie demandes", a-t-il affirmé, citant F.Mitterand (...)"La ligue n'est pas contre l'Europe elle estcontre un certain type d'Europe" (...) Même le président duMSI (néo-fasciste) a déploré les positions européennes deson alter ego français: il l'a appelé a devenir pro-
européen pour "préparer ensemble les prochaines électionseuropéennes de 2004. Sur le fond cependant, il n'a rientrouvé à lui reprocher. Au Danemark la présidente du Partidu peuple danois Pia Kjaersgaard a pris ses distances avecles bases du discours de Le Pen en faisant valoirque "certaines déclarations de Le Pen sont horribles", queson parti n'avait pas de contact avec le FN et ne lesoutenait pas. "Nous avons une ligne plus douce dans notremanière de nous exprimer. Nous n'avons pas ces genshaineux, comme chez Le Pen" a-t-elle affirmé" (...)Plusieurs commentateurs ont vu là des prises de manoeuvrestactiques, qui témoignent cependant de ce qu'il n'est paspopulaire de sympathiser avec le président du FN.
En Autriche, l'homme fort du FPOe ne souhaite pas êtrecomparé à M. Le Pen. "Si nous devions être comparés, c'estmoi l'original. Mais c'est difficile de comparer notrestyle et les contenus de nos programmes", explique M. JoergHaider, soulignant que lui "ne fait pas d'excès verbaux".Il n'en reste pas moins qu'à son avis, "c'est une victoirepour la démocratie et une claque retentissante pour lespartis établis en France" que Le Pen soit présent au secondtour. Quant au mouvement croissant visant à lier les partisd'extrême droite en Europe, M. Haider juge que "ce n'estpas une question d'organisation mais de combien depersonnes sont prêtes à changer de voie". "Les citoyensn'accepteront plus que les gouvernements ne luttent pascontre les problèmes de l'immigration, de la criminalitéétrangère et de la sécurité interne" ajoute-t-il.Les véritables félicitations sont en fait venues du leaderdes Démocrates suédois Aftonbladet Mikael Jansson (...)auquel M Le Pen "donne le courage de (se) battre même sinous n'avons pas les mêmes moyens pour nous faire entendreque les autres partis".
A propos d'une sortie de l'Union européenne, propositionjugée "irréaliste" et "démagogique" à Bruxelles, même lechef de file des eurosceptiques au Parlement européen, ledéputé danois Jens-Peter Bonde, n'y crois pas (...) Cequ'il prône, lui, c'est un "front des démocrates quioeuvrent pour faire maigrir les institutions européennesafin de ne leur laisser s'occuper que des sujets purementtransfrontaliers".
(Bulletin Qotidien, 24/04/2002)
jf


----- Original Message -----
From: "Patrick de Colomby"
To:


Un texte d'Etienne Balibar que je viens de recevoir par mail..... et qui me
paraît appoter une contribution au débat....

REFLEXIONS POUR TROIS TOURS

Par Etienne BALIBAR


23 avril 2002. Trois réflexions à chaud sur le premier tour des élections présidentielles françaises, dans la perspective du deuxième et de ce qu'on appelle le «troisième» (les législatives de juin). Ces réflexions sont celles d'un abstentionniste du premier tour, et par conséquent inséparables d'une autocritique, je ne dis pas d'une contrition (en vacances scolaires, je n'ai pas eu la persévérance de demander la fameuse procuration. de toute façon j'aurais probablement voté pour Christiane Taubira, ce qui n'aurait rien changé au résultat).

1°) On parle de la noblesse, du courage de la déclaration de Lionel Jospin et de sa décision de «se retirer de la vie politique» pour «tirer les conclusions» de son échec. Je suis peu impressionné par cette prétendue noblesse. J'y vois une dérobade.
Du chef politique de la «gauche plurielle», et même de la gauche tout court, avec ses dissidences, les électeurs en plein désarroi étaient en droit d'attendre non pas une démission maisune première réflexion sur les causes de la défaite même si elles ne se résument pas à la responsabilité de son gouvernement (qu'elles incluent évidemment), et une indication de ce qu'il faut faire pour en appeler immédiatement de cette défaite, qui n'est pas «la sienne»mais la nôtre. Quel sens donner au vote pour Chirac? Ce nom lui brûlait-il les lèvres? Sur quelles bases et sur quels thèmes mener activement campagne au deuxième tour (et non pas «assister» au duel des droites)? Comment penser une relance de la cohabitation inéluctable si, comme on peut le souhaiter, la gauche sociologiquement majoritaire le redevient aussi électoralement après les législatives?
Au lieu de cela, notre De Gaulle au petit pied, blessé d'être demeuré incompris dans son action, se retire en laissant les troupes au milieu du gué, aux prises avec le combat des successeurs, et sans faire le moindre effort pour mobiliser les électeurs et les militants, repenser les perspectives et résoudre les contradictions, bref pour servir le «peuple de gauche» (et le peuple tout court), comme il s'est vanté de l'avoir toujours fait, en sacrifiant au besoin ses ambitions et ses sentiments personnels. Perdre une bataille n'est pas infamant, si la lutte continue. Pour laver l'affront, si affront il y a, il faut que Lionel Jospin diffère son retrait jusqu'au lendemain des législatives, et que d'ici là, au rang qu'il voudra mais en première ligne, il s'emploie à les faire gagner par la gauche.

2°) Il va de soi que Chirac doit emporter l'élection présidentielle avec un maximum de voix, en sorte que comme l'a très bien dit Dominique Strauss-Kahn Le Pen fasse le plus petit score possible au deuxième tour.
Mais pour cela il faut que Le Pen soit battu, et non pas ignoré ou méprisé, en comptant sur l'avance arithmétique pour faire la différence. Il faut qu'il perde des voix. Et donc il faut qu'il y ait débat, il faut que la démocratie représentative fonctionne. Si la démocratie représentative ne fonctionne pas lorsqu'elle a affaire en son propre sein aux anti-démocrates, aux anti-parlementaristes (au «peuple des démons», comme disait à peu près le philosophe Kant), elle est déjà foutue.
Mais il faut aussi et le paradoxe n'est qu'apparent - que dans ce débat Le Pen fasse le plus mal possible à la classe politique, si elle doit s'y régénérer. En particulier sur les deux points où il touche juste, c'est-à-dire où son discours et son influence constituent les symptômes de problèmes réels de la société et de l'Etat, si aberrantes, dangereuses, ignobles que soient les «solutions» qu'il en propose. L'un de ces problèmes touche plus particulièrement la droite, et notamment Jacques Chirac (mais pas seulement.): c'est celui de la corruption personnelle et institutionnelle (politico-économique) de la vie politique. Ne parlons pas d'affaires, parlons de système, ou de structure.
L'autre touche plus particulièrement la gauche, et notamment Lionel Jospin (mais pas seulement. ou plus exactement c'est à gauche que, par définition, il y a scandale): c'est le problème du mépris du peuple, et de l'indifférence pratique pour ses souffrances matérielles et morales, pour l'aggravation de ses conditions d'existence. «L'insécurité» en fait partie, mais elle n'est qu'un aspect. Troisième génération de chômeurs de longue durée qui «arrive» (sic) sur le «marché du travail» ! Effondrement des services publics dans les banlieues-ghettos! Renversement de la politique scolaire et culturelle au profit quasi-exclusif des «héritiers», comme disait Bourdieu! Vivement donc que Le Pen nous mette à tous le nez dans la m., si puant qu'il soit lui-même.
3°) Il faut que les questions de politique internationale et notamment européenne occupent une place déterminante dans la campagne. On voit déjà venir le profil bas. Or Hubert Védrine est peut-être le seul ministre à avoir vraiment tiré son épingle du jeu de la «cohabitation», en particulier par ses discours et ses initiatives courageuses sur la question du Proche-Orient, ses tentatives pour faire marcher l'Europe sur la scène internationale dans le sens de l'indépendance et de la responsabilité, du partenariat euro-méditerranéen. Oui, mais les Français attendent toujours qu'on leur explique à quoi sert, à qui sert l'euro (qu'ils n'ont pas refusé, on le sait).
L'Etat national social est mort, irréversiblement, et l'Europe socialen'est toujours qu'un slogan sur papier glacé. Après le «sortez les sortants» de poujadiste mémoire, ledit souverainisme républicain s'apprête à son tour à prêcher le «ni droite ni gauche», à suggérer l'abstention, voire à laisser passer à l'extrême droite certains des électeurs qu'il a ralliés sur des rodomontades passéistes. La gauche dans sa majorité n'est pas divisée sur la nécessité de relancer la question sociale et l'action collective au
niveau supra-national, et de donner ainsi enfin un sens politique à la construction européenne. Elle n'est divisée que sur les moyens: les uns veulent «la lutte des classes», les autres veulent «les réformes». Ou sur les mots: les uns sont «contre» la mondialisation, les autres veulent une «autre» mondialisation.
Ils ont deux mois devant eux nous avons deux mois devant nous - pour trouver, non pas une formule magique de compromis, mais une base de discussion publique concrète, qui permette aussi la convergence, de toute urgence, avec les autres forces de gauche européennes. Car (l'a-t-on remarqué?) la montée des droites n'est pas notre privilège, à nous les Français (qui ne faisons jamais rien comme tout le monde.). C'est un phénomène européen. Et qui, de Copenhague à Rome en passant par Vienne, Bucarest, Budapest, Anvers, La Haye, Berne, Paris, et la Saxe, va vite, très vite.


----- Original Message -----
From: "FiLH"
 
Sent: Monday, April 29, 2002 7:00 PM
Subject: [terrier] Arte

Ce soir au journal d'Arte, une affirmation claire et sans ambiguité de leur attachement à la démocratie et à l'europe.
Assorti de reportages toute cette semaine sur l'extrème-droite.
Je sais bien que LLdM déteste la télé, mais c'est intéressant de voir enfin une télévision déclarer et appliquer une politique éditoriale digne de ce nom.:

FiLH.




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