La Broutagne est ce curieux morceau
du monde tombé accidentellement dans un pli de l'histoire il
y a quelques milliers d'années dont trois bouts à peine
dépassent juste assez pour qu'on s'y prenne de temps en temps
les pieds : on y trouve des joyaux d'architecture immémoriaux
comme le gros caillou debout, le gros caillou couché, le gros
caillou à plat sur deux gros cailloux debouts, et d'authentiques
têtes de con 100 % granite à peine burinées par
le vent salé ; ils débitent, pour les touristes qui n'ont
pas le temps ou le pognon pour aller humilier de vrais opprimés
dans les réserves indiennes, des poèmes touchants d'oppression
feinte. Ce sirop lexical émouvant est reconnaissable à
son lyrisme en kit qui évoque en boucle
des rochers noirs,
des ciels lourds,
des mains calleuses,
des regards fiers,
des embruns bruns,
des sillons scions du bois et des blessures à l'âme, dès
qu'ils entendent le mot magique : brésataïau1
* « Zihegeilh forever» dans la jolie traduction syncrétique
de l'Austro-hongrois Roparz Hemon, père glorieux et aimé
du dictionnaire pudding-jacobin/jacobin-pudding |