Louvain, Musée Vander Kelen Mertens - La collection fantôme
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Je me formule deux objections à son caractère apocryphe, deux hypothèses d’une inscription possible dans les systèmes de représentation chrétiens; cette scène, au fond, peut très bien être être apparue telle quelle à un des innombrables saints dont je n’ai pas encore croisé l’hagiographie ; son détachement, en effet, aurait tout de ce repli miraculeux propre aux visites mystiques, aux révélations, aux fantasmagories. Ou encore, ceci: cette représentation pourrait être isolée d’une scène plus étendue, écartant les autres protagonistes, comme on isolerait le verbe d’une phrase pour la réduire en lui à la plus simple expression de son sens, de l’action qu’elle décrit; ceci imputerait la puissance du détachement non pas à l’institution d’un canon, mais à l’accommodement du canon à une volonté expressive particulière, un de ces exercices du paradoxe de l’image chrétienne par lesquels elle excelle à montrer les limites de tout ce qui est montrable, faire l’inimage. Un tel moment pourrait bien être, dans ce cas, celui de la dérision du Christ, dont j’ai croisé d’innombrables représentations, souvent turbulentes, ces «Christ aux outrages» brutalement dramatiques, expressifs chez les peintres du Nord ou cloisonnés comme des inventaires de figures byzantines flottantes dans les arma Christi (comme les sublimes cellules de San Marco de Fra Angelico). Assis sur un rocher ou un coffre, le Christ reçoit impassiblement crachats, marques d’humiliations, injures. Mais ici, à quoi serait-il articulé? Quelle modèle de projection, de recomposition, exige-t-il du spectateur pour intégrer son sens?

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