Je considère mes toiles comme des surfaces de projection, 
              où les choses se reflètent de manière kaléidoscopique. 
              En effet, ce qui motive le travail : environnements, événements, 
              lectures, découvertes, rencontres, s’y retrouvent mêlés 
              par les moyens de la picturalité. Les principaux acteurs 
              en sont donc matière et couleur.  
            Ce sont les propriétés même de la peinture 
              qui ont pour fonction de faire apparaître non pas la représentation 
              d’un paysage par exemple, ou l’illustration d’un 
              phénomène tel que le déplacement au sein de 
              ce paysage, mais les indications d’une ambiance particulière. 
              Ce serait comme immerger l’œil dans un relevé 
              topographique de cette ambiance, en l’y impliquant par les 
              contrastes des reliefs et des tonalités.  
            L’invitation donnée au regard consiste à faire 
              l’analyse d’une densité, plutôt que d’une 
              forme. C’est par l’approche quantitative, qualitative, 
              temporelle de la peinture, que l’idée d’un contexte 
              peut être identifiée, et que le besoin d’appréhender, 
              voire d’interpréter, peut être satisfait. 
            Dans La perfection inhérente à la vie, Agnès 
              Martin dit ceci : « Les œuvres d’art ne sont pas 
              conçues de propos délibéré. La réaction 
              dépend de celui qui regarde. En les regardant nous sommes 
              plus heureux ou plus tristes, plus en paix ou plus déprimés. 
              Une œuvre peut provoquer le désir, l’impuissance, 
              l’agressivité ou le remords. La cause de cette réaction 
              ne se trouve pas dans l’œuvre. » 
            Pour cette raison, mes recherches en peinture inclinent davantage 
              du côté de la sensation, voire du sensuel, que de celui 
              du sens et de la signification. Je ne m’attends pas à 
              trouver un ordre ou un système. La proposition fait toujours 
              état des heurts, des accidents, des hasards. L’expérience 
              du concret se cogne inévitablement à ses propres limites. 
              C’est pourquoi l’émergence d’une forme 
              se fixe en une apparition toujours fragmentaire, par rapport à 
              ce qui pourrait la déterminer. Je ne cherche pas à 
              maîtriser un résultat mais plutôt à négocier 
              un passage, en inscrivant les traces de ce déplacement.  
            E.L.  |