Articles de presse)

Un article de G.-G. Lemaire sur le numéro 8.

par Gérard-Georges Lemaire

Comme le rappelle un bref historique en fin de volume, TXT fut fondé en 1969 et connut par la suite bien des crises idéologiques qui faillirent faire disparaître la revue en 1973.

Elle a fait sa réapparition depuis sur des fondements moins dogmatiques (une « structure souple et ouverte ») ; cela rassurera certains et décevra d’autres, mais ce qui importe en fait c’est que la revue continue d’exister et qu’elle procède d’un fonctionnement non-doctrinal qui permet de divulguer et de confronter les nouvelles données d’une écriture décentrée, dans le sens où l’écriture n’est pas seulement le véhicule d’un pensé de la fiction ou de la critique, mais bel et bien un des lieux où se défont les rapports de domination et d’oppression qui passent dans et par le langage.

Sous le titre de Babil des classes dangereuses — qui est celui du fragment de Valère Novarina —, le huitième numéro de TXT est d’abord consacré à Maïakovski, poète qui symbolise la plus parfaite adéquation de l’engagement politique et de l’engagement scriptural (axiome qui n’a rien à voir avec le prétendu engagement de l’écrivain) et auquel Christian Prigent consacre une étude qui force à s’interroger sur son suicide survenu en 1930 ; étudiant l’investissement oral qui correspond chez Maïakovski à une agressivité dilapidatoire (de nature sadico-anale) et la « lutte paranoïde avec l’instance limitative, paternelle et légiférante du langage », Prigent montre comment le poète s’est heurté de front à l’ankylose de la quotidienneté, aux stéréotypes et au poids mort qui pèse sur toute révolution. « L’intervention au Komsomol de la Krasnai Presnia », conférence nouvellement traduite, prouve au moins qu’à la veille de sa « liquidation » Maïakovski avait gardé intacte sa volonté de rompre avec le passé alors que la bureaucratie réinstaurait les formes esthétiques de l’idéologie bourgeoise.

Les textes de Valère Novarina, de Jean-Pierre Verheggen (dont une « fiction », Skein, a été présentée en avril par le groupe Galax à Bruxelles), de Christian Prigent et de René Lourau ont peut-être tous un point commun : un désir forcené, une violence sans frein, une énergie tellurique qui visent l’abolition d’une écriture de la répétition, d’un spectacle narcissique de la langue, d’une recherche blanche qui n’ont d’autres buts que de perpétuer un état de chose, une préservation des titres de noblesse de l’enseignement typographié.