0023343 Faire bouillir une casserole d'eau, au point d'ébullition, y jeter les pâtes, des Penne complets, puis dans une autre casserole, faire réchauffer au bain-marie le contenu d'une briquette longue conservation de coulis de tomates, après le respect impérieux du temps de cuisson tel qu'il est préconisé sur l'emballage des pâtes, six minutes, jeter prestement (presto!) les pâtes dans une écumoire, les dresser dans une assiette, y incorporer le coulis tiède et saupoudrer de parmesan, déguster pendant que c'est encore chaud, éviter absolument de manger un tel plat refroidi.

Pâtes

 

 

 

002545 Et prenant cette photographie de mes pâtes baignant dans leur jus, à l'arrière-plan, on ne manque pas de remarquer l'extincteur de rigueur en salle de repos qui paraît émerger des pâtes floues, je me dis qu'il va être difficile, compliqué, sinon même impossible, de respecter les consignes de ne pas faire de belles photographies, non que je sois toujours ravi du résultat de toutes mes photographies, mais je serai bien en peine, en y mettant la meilleure volonté du monde, de faire le tri dans toutes ces photographies et vous épargner celles qui soient réussies, si tant est qu'elles soient belles, puisque généralement prenant une photographie, j'ai cette habitude bornée de faire en sorte qu'elle soit motivée par toutes sortes de considérations esthétiques, parfois même, j'en rougis devant vous, qu'elle présente quelque agencement de formes et de couleurs plaisant à l'oeil. Alors goûtant mes pâtes et ayant reposé l'appareil-photo sur la table à la place habituellement dévolue au verre, c'est-à-dire en tête d'assiette, je déclenche hardiment, et sans regarder dans le viseur, l'appareil, l'objectif posé à même le formica peu engageant de la table de la salle de repos et, considérant la photographie ainsi prise, je lui trouve naturellement des qualités qui me rendent perplexe quant à mes chances de parvenir à honnêtement expurger les photographies qui soient belles parmi celles que je me propose de prendre pendant les prochaines vingt-quatre heures. Ce n'est donc pas gagné.

Photographie Photographies ratées

 

 

 

004004 De retour de la cuisine, j'entame de consigner mes première notes dans le fichier de bloc-notes que j'ai ouvert à minuit et que j'ai finalement enregistré sous le nom de 22042003.txt, on s'y retrouve comme on peut dans l'arborescence de son disque dur, ce que je commence à noter de cette journée, qui commence la nuit, me voit sans cesse me prendre les pieds dans le tapis à écrire ou photographier que je suis en train d'écrire ou de photographier, d'ailleurs ce que je fais surtout c'est que j'écris que je photographie et je photographie que j'écris, pour photographier que je photographie il me faudrait un second appareil-photo, je n'ai pas pensé à me munir d'une autre appareil, suis-je distrait! (pourtant je savais bien que j'allai finir par me lancer dans ce genre de boucles), je pars donc mal équipé en terrain récursif, mais à la réflexion n+2 pour photographier que je me photographie photographiant pour bien faire il faudrait donc n appareil-photo. A la rigueur je peux écrire que j'écris et écrire que je me décris écrivant et ainsi de suite, mais quel intérêt?, on a tous compris ce que je voulais dire.

Notes Photographies de photographies Appareil-photo Boucle

 

 

005522 Je reprends mes notes, donc j'écris que j'écris pour ainsi écrire. J'écris comme un cochon, ce qui d'ailleurs me pousse à ne plus écrire avec un stylo dont force m'est de constater que je suis devenu incapable, nous y gagnons, tous, moi le premier, en lisibilité, pour ma part en relisibilité.

Ecrire

 

 

 

012535 Je m'octroie une pause, et descends au rez-de-chaussée où j'interagis, à mon corps défendant, avec un distributeur de bouteille d'eau minérale gazeuse de marque Badoit dont la gestion revient au comité d'entreprise de l'entreprise dont je suis salarié: interagis-je avec l'appareil distributeur, le comité d'entreprise ou l'entreprise elle-même, ou même encore avec l'entreprise Badoit?, il m'en coûte, littéralement, un jeton. Ces jetons sont une véritable monnaie de singe, ainsi dans mon entreprise ils coûtent cinquante centimes d'euros pièce, façon de parler pour un jeton, tandis que dans d'autres sociétés, on peut les acquérir pour moins, les même jetons, qui pareillement permettront d'acquérir une bouteille d'eau minérale fraîche ou un café bien chaud, et chose étonnante sur certaines aires de repos ou sur certaines stations-services, d'autoroute les machines à café sont pareillement opérables à l'aide d'un de ces jetons dont le prix est inabordable, un euro le jeton, rendez-vous compte. Je me souviens que descendant dans les Cévennes en voiture en compagnie d'un collègue de travail, nous avions acquis des cafés à bon marché sur une de ces aires d'autoroute à l'aide de jetons du café que nous avions d'avance du boulot, minimale résistance bien sûr, mais qui nous avait mis en joie. De façon nettement moins anodine, l'acheminement mécanique des bouteilles vers un guichet duquel, celui qui a inséré un jeton dans la fente idoine, peut récupérer (mais vous avez tous déjà utilisé un distributeur automatique, je ne vous fais pas un dessin) ce qui devient son bien, cet acheminement d'automate provoque chez moi toutes sortes de pensées douloureuses qui ont cette racine dans l'image (une gravure dans les tons bistres, rehaussés de cernes noirs) vue, dans l'hebdomadaire l'Express, à l'occasion de la mort de Mao Tsé Toung, en 1976 donc, à l'âge de onze ans et qui représentait une scène d'exécution en série par décapitation au sabre, en Chine donc, et comment dans l'alignement des condamnés agenouillés se tient tapie l'impression épouvantable que ces exécutions sont éternelles, qu'elles vont durer de façon infinie.

Eau minérale Mort Café


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