140809 Je ne suis pas différent de mes collègues qui affichent des photographies de leurs enfants, et plus rarement de leur femme, ou de leur mari, sur les parois des box qui délimitent leur espace dans la multitude ouverte et partagée de mètres carrés infinis et quadrillés. Fait curieux, c'est d'abord dans un roman, Generation X de Douglas Coupland, en 1992, que j'ai appris l'existence de ces espaces de travail partagés, appelés dans le roman, VEAL-FATTENING-PEN (box d'engraissement des veaux), espaces qui allaient désormais faire partie de mes habitudes de vie professionnelle, et, lorsqu'en 1995, en Angleterre, on me conduisit à mon premier bureau en "open space", dûment équipé d'un ordinateur, j'ai manqué de m'évanouir et d'avoir la nausée de me voir ainsi costumé et cravaté, cerné dans cet espace formaté dans des dimensions standard et rigoureusement identiques à celles des espaces de travail de mes nouveaux collègues, je revoyais sans mal le pictogramme décrivant ce type d'alvéole dans Generation X, shéma qui représentait l'espace clos que j'habitais désormais. Incroyable aussi comment ayant résolu de décorer les parois de séparation de mon alvéole, non en affichant quelques photographies de mon épouse ou de mes enfants, à l'époque, j'étais divorcé et sans enfants, non j'avais résolu donc d'afficher une reproduction d'une peinture de Cy Twombly, qui ne cessait de m'attirer remarques et questions de mes collègues à propos de ce choix décoratif, à croire que l'abstraction était la pire des subvertions, et dire que ma première idée pour dire assez ma muette mutinerie contre ce cloisonnement avait été de punaiser quelques laies de papier peint à fleur, ce dont je me félicite aujourd'hui d'en n'avoir rien fait. Etonnante chose donc, tout de même, d'avoir appréhendé une réalité, celle des alvéoles en open space, sous une forme romanesque, et plus tard dans la réalité. Travaillant de nuit, je m'offre souvent des pauses pour visiter les efforts de personalisation de mes collègues de ces espaces cloisonnés, il semble que ce soit toujours le lieu des résitances même les plus dérisoires. En Angleterre par exemple je me souviens de ce slogan imprimé en lettres grasses et en corps 72, affiché au bureau d'un collègue réputé pour finir souvent fort tard: "Personne n'a jamais dit sur son lit de mort : "ah si seulement j'avais passé plus du temps au bureau" (Nobody's last words were: " if only I could have spent more time at the office"). Je n'ai pas vraiment de bureau au travail, je suis ce que mon entreprise appelle un nomade, aussi le seul bureau que je puisse personnaliser est celui de Windows. |
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