072314 Tous ces allers-retours entre Noisy-le-Grand, la région parisienne en général, et Puiseux-en-Bray se ressemblent et paraissent se fondre en un seul et même trajet qui dure assez longtemps pour contenir en lui toutes les anecdotes, les faits curieux, les accidents, les pensées et les rêveries, les cassettes et les émissions de radio écoutées en conduisant, les arrêts en bord de route, le plus souvent pour pisser, souvent aussi pour prendre le frais et lutter plus efficacement contre la fatigue et le désir de sommeil qui me gagnaient, d'autres fois encore pour prendre des photos ou encore des notes sur toutes sortes de papier que je pouvais trouver à bord de la voiture, une fois même ne trouvant rien qui puisse faire l'affaire dans la voiture, j'avais allumé l'ordinateur portable du travail et j'avais ouvert et enregistré un petit fichier de bloc-notes, dans lequel j'avais consigné quelques détails auxquels j'avais soudain pensé et dont je savais que si je ne les notais pas, jamais, ils ne seraient souvenus, le contenu de ce fichier .txt est d'ailleurs devenu la matière d'un bloc-notes en ligne, alors est-ce étonnant que depuis cinq ans que nous vivons à Puiseux-en-Bray et que je fais deux fois par semaine ce trajet qui me sépare de Noisy-le-Grand, est-ce étonnant donc, si ce trajet me paraît de plus en plus long tant ma mémoire s'acharne inexorablement à amalgamer toutes les pensées toutes celles justement que j'ai pû connaître en conduisant lors de ce trajet. Et faisant le tri dans toutes ces photographies prises ce matin, je m'aperçois comment les commentaires que je pourrais en faire seraient déjà écrits parmi toutes les notes que j'ai déjà pû écrire à propos de ce trajet. Dont acte.

Lent Voyage 16062002.txt

 

 

072509 Ce matin plutôt qu'un autre, il faisait bon rentrer. Bon de boire un café à la station essence, de parcourir les titres des journaux par dessus l'épaule du voisin (de noter, amusé plutôt qu'amer, décidément que de relachement!, que l'omniprésence de notre gouvernement d'extrême-droite en représentation permanente remplit les pages jusqu'à recouvrir la disparation de Maurice Pialat, dont la presse populaire semble surtout se faire l'écho du mauvais caractère, moins de l'oeuvre), sur la piste de la station-service des camions garés alignés comme on serre les briques sombres qui se détachent sur un ciel délavé, bon de reprendre le volant, l'esprit rafraîchi, bon de s'arrêter à nouveau en bord de champ, souffler de nouveau, mettre son nez au vent de plaine, de constater les progrès timides de l'aube bleue, bon d'arriver à la maison, de croiser les enfants sur le "chemin de l'école", bon de s'endormir comme un cachalot qui regagne le fond de la mer, bon de se réveiller avec le courier du jour, l'ami Christian me régale d'une galette de Charlie Haden avec Gonzales Rubalcaba. (13 janvier 2003)

Café Station-service Journal Jazz

 

 

 

 

073012 Photographier la une d'un journal, on pourra aller jusqu'à engager les services d'un otage, figurant habituellement parfait pour la photographie de la une d'un journal, est-ce la une du journal ou la mine lessivée de l'otage qui fait foi? L'impression tout de même de dater ma journée plus sûrement qu'en indiquant l'heure et la date de chaque photographie. (Extrait de la Cible)

Journal

 

 

073356 Après le travail de nuit sur la route du retour la halte habituelle dans la station-essence de Cergy-Pontoise, pas tant évidemment pour reposer la monture, que pour secouer le cavalier avec un café. C'est lundi matin, il est sept heures du matin. Tout le monde est levé depuis tôt ce matin, les traits sont tirés, nous ne sommes que des hommes et nous sommes aglutinés autour de deux tables hautes à remuer nos agitateurs de café en plastique, certains parmi nous se sont achetés de ces croissants sous vide, pour d'autres c'est cigarette, pour d'autres encore le journal, un cammioneur a encore une serviette éponge autour du cou, il vient de prendre sa douche, a remis la clef au jeune gars derrière le comptoir et croque maintenant de belles dents dans un épais sandwhich partiellement extrait de son emballage de cellophane. Et je me dis que ces hommes-là sont pour la plupart aimés par des femmes. Mais qu'est-ce qu'elles nous trouvent les femmes, à lui par exemple qui mastique bruyamment son croissant, il a des miettes tout autour de la bouche. Et à lui dont la cigarette brûle le bout des doigts jaunis par les petites soeurs de cette cancerette, lui dont la cravate de représentant de commerce est à chier vraiment, et lui qui est chauve et qui lit le Parisien, et ce gros type moustachu qui lui lit l'Equipe d'un air instruit et qui fait ses remarques sur le fait qu'il faille ou non garder l'entraineur après cette débacle, il parle à un type qui est tout maigrichon, qui aimerait bien ne pas être d'accord mais qui n'arrive jamais à en placer une, lui qui a encore de la mousse à raser dans les oreilles, lui qui tousse sans arrêt, une toux matinale grasse et dont le teint cireux fait tout de même peine à voir. Ca sent le café, les cigarettes et l'aftershave, ça sent l'homme aussi, lui il ne doit pas se laver tous les jours et même un lundi matin, il n'est pas très propre. Et lui qui a travaillé aussi de nuit et la fatigue de lui arracher des baillements qui découvrent des dents grises. Vraiment qu'est-ce qu'elles peuvent nous trouver les femmes, elles ne peuvent tout de même pas aimer cette odeur, ces cheveux gras desquels il neige, ces auréoles de sueur sous les bras, elles ne peuvent tout de même pas aimer cela, ces ventres rebondis de mecs qui regardent le rugby à la téloche en rotant des ales, ces ongles rongés jusqu'au sang, ces haleines chargées dès le bon matin, ces bouches pâteuses, tout de même elles ne peuvent pas avoir envie d'embrasser des types pareils, les femmes, de recevoir ces étreintes de rustres, vraiment qu'est-ce qu'elles nous trouvent les femmes? Et j'en suis là de mes réflexions de bon matin, un lundi matin à la station-service quand je me dis que tous ces hommes autour de leurs insipides cafés de distributeurs, sont mes semblables, que pour cette raison je les aime, je les aime comme mes semblables, je me dis que je devine leurs cuisses poilues, leurs ventres, leurs torses avachis, leurs bras maigres ou au contraire adipeux, je ne peux m'empêcher de les aimer. Mais les femmes comment font-elles? J'arrive tandis qu'il fait encore nuit, le jardin est sombre qui bruisse sous une pluie sans vent. Je te fais un café, pas un bon café, du déca, du lyophilisé, je mets deux sucrettes, je ne sais pas comment tu fais pour te réjouir de boire un truc pareil le matin. Je monte, la fraîcheur matinale est partout dans la chambre, sous la couette tu es brulante et douce, tes seins sont dans mes mains, tes fesses contre mon ventre. Et toi qu'est-ce que tu me trouves, à moi qui aies un gros ventre, des cheveux gras, mauvaise haleine et qui ne sent pas bon la fatigue de la nuit, la sueur aussi un peu et qui tremble, qui s'endort tout de suite contre toi et qui sûrement doit ronfler, qu'est-ce que tu peux bien me trouver? (2 décembre 2002)

Hommes-femmes Vent Café

 

 

073543 A la station-service de Cergy-Pontoise, un appareil à rouleaux pour laver les voitures est un nouvel oxymore pour la journée, comment peut-on rêver de laver une voiture ou quoi que ce soit d'autre dans un endroit aussi crasseux? D'ailleurs des voitures qu'on lavait dans cette station, je n'en ai jamais vue une seule. Ce que j'ai vu en revanche c'était l'écran de contrôle de cette énorme machoire aux gencives de baleine débiter des messages vides de sens "Entrez votre code", "Bonjour" ou "Merci de votre visite" et de penser, songeur, que nul ne lit vraiment de tels messages, nul n'y prête attention, ces messages sont programmés à l'affichage et ils l'ont été uniquement parce que cela ne coûte rien de le faire, au même titre que les labyrinthes tubulaires à deux points de fuite construits à toute berzingue par l'ordinateur qui repose ainsi son écran. De même le 4 novembre dernier:"Tandis que je conduis pour aller au travail, je me réjouis qu'un de ces panneaux numériques habituellement destinés à relèguer des informations à la précision aussi maniaque qu'inutile — de l'autoroute A4 jusqu'à l'autotoute A86, comptez six minutes, et non cinq — sur ces panneaux donc, je me réjouis de voir que l'un d'eux est resté en carafe depuis la semaine dernière qui met en garde contre un danger qui n'a plus cours: Vent violent. Poésie involontaire, aussi, dans l'épithète qui décrit si bien le vent. Dans l'absurdité de la circulation dense, je pense au vent du dehors de Bataille"

Oxymore Crasse Vent


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