L.L. De MARS
Dix paroles

Cet ensemble de dix poèmes a été rédigé pour la plus grande partie en 2001. Certains d'entre eux sont toutefois de vieilles membranes rechappées (Chanson, Adultère). Ce sont plus ou moins des commentaires de la Loi. Plus pour Loi, moins pour commentaires.
Remaniés en 2004, ils constituent une série de chants parlés qui a fait l'objet d'un travail sonore avec le trio BoDoM (Olivier Mellano : guitare, Régïs Boulard : batterie, L.L. de Mars : voix) et que j'ai décidé, pendant quelques années d'enterrer. Mais ils sont toujours là, dans un tiroir, et je n'ai aucune envie de chercher un éditeur pour eux ; d'une part, je n'ai pas la moindre idée de ce que valent ces textes. D'autre part, je n'ai aucune envie d'avoir une conversation avec un éditeur de poésie. Alors les voilà dans le Terrier, c'est-à dire nulle part.

 

I. - Origine II - Quatre morts
III - en vain son Nom IV - L'arbre de Shabbat
V - Chanson VI - Le sac
VII - Le vol VIII - adultère
IX - Faux témoignage X - Des anges


X - Des anges

 

Corné une page de la revue Potlatch
que l’âge du monde laisse intacte
(ou facsimilée)
donc: manquée, donc: précieuse
comme tout ce qui rate
«Imbéciles: vous pouvez cesser de l’être.»

Kilémimi le titi poète à son pépère, il est bien, hein? Il est bien? C’est bien lu, ça, hein, t’en penses quoi? C’est bien lu, ça, non? Açaoui c’est bien lu, bien rythmé, oui, c’est bien lu, c’est toujours ça de moins à lire.
Corné une page du journal, janvier 99
«Vous voulez du poème? Lavez-vous la bouche avant d’embrasser mon cul»

Blockbass dans l’arrière-salle d’Héliopolis ou j’entends filer dans les glissières au long des corridors «Imbéciles, vous pouvez cesser de l’être»

L’écho démaille s’amollit dans un tas de cendres; pourtant, même si nous nous crevons les yeux,
TOUT PEUT FINIR.
Keskia après?, c’est les clowns, c’est ça?, c’est les clowns, hein, c’est ça? J’aime pas trop les clowns, moi, pas trop ça. Y’en a des biens quand même. Oui, c’est vrai, y’en a des bien, mais j’aime pas trop ça quand même. Et la musique, y’en a de la musique? Après? Y’en a? Oui, après y’en a de la musique. J’aime bien ça la musique, c’est doux. Oui, moi-aussi j’aime bien.

Blindbass sous le capot un vol ralenti d’ombres mordues par le soleil blanc «Imbécile, tu peux cesser de l’être». Hé, moi-aussi, moi-aussi je peux?
Sablier de chair ma tête se vide dans mes pompes «Adonaï Elohîm forme de la glèbe tout animal du champ, tout volatile des ciels, il les fait venir vers le glébeux pour voir ce qu’il leur criera. Tout ce que le glébeux crie à l’être vivant, c’est son nom. »

Mother blindbass toujours vigilante appuie sur le «on» de la machine à perdre son temps et je lis.
Debout, je tremble trop, alors assis.
Blanchi à tel et tel point (c’est toute la peau, déchiffrable, sous laquelle se secouent des coeurs minuscules étirés canaux, plis, remèdes) et confus à tel et tel point (une fresque typographique qu’aucun oeil ne voit épouse strictement la paroi intérieure du crâne, graffiti veineux os sillonné: «Imbécile, cesse»)

 

que                                              BAH  ——————————————
la voix part comme une                 BAH  ——————————————
Moi flaque, glébeux du retour        BAH  ——————————————
à la boue                                      BAH  ——————————————    
ravalant tous les noms                   BAH  ——————————————
des insectes                                  BAH  ——————————————
lucioles                                         BAH  ——————————————
caïmans                                        BAH  ——————————————
éponges                                        BAH  ——————————————
chiens                                           BAH  ——————————————
aspiré et dédit dans la parole inverse
de Dieu qui renonce à sa créature frétillant dans
l’indignité —aspire — retourne l’histoire

après avoir tiré la dernière ligne du Bréviaire de l’Homme du monde,
(Recto-verso, pommade apaisante pour calmer les brûlures de la sodomie hiérarchique
retournez vous faire enculer sans douleur dès la journée qui suit

Communicool, haleine fraiche contre les mensonges qui font puer de la gueule
Une seule pastille fait de l’Homme du monde un charismatique communiquant

Mappeau, ultra-fins extrêmement discrets, gants au contact chaleureux et doux pour les salissantes poignées de main au public à éduquer

De Natura Credum, bijou ravissant, porte-bonheur, inclusion dans la résine d’une araignée et d’une mouche vous soutenant dans toutes vos métaphores animalières; soyez un gagnant

Déjà le cinquantième tirage du Dictionnaire des insolences qui sauvent avec lequel vous gravirez tous les échelons en ne perdant rien de votre corrosivité naturelle; soyez subversif avec classe et dans tous les milieux)

après l’avoir tirée, un feuillet tomba du livre d’histoire:

quand uniformément furent ensachées surface et coeur de la valetaille terrestre par la trame ininterrompue des singes électrifiés, pommadés, babillons hystériques hérissant les tribunes pour s’arracher les vestiges du savoir les pieds plantés dans les bottes du savoir et le vocoder itou,
voilà que commença l’âge de la parodie; amen.

Une poignée de ces singes vaguement moins éclopés, les plus doux d’entre eux, entama la vieille ritournelle punk. Les plus doux d’entre eux n’imaginaient plus rien d’autre qui échappa à la musique de fête. Plus aucune autre parole
ne vint que la brutalité. Pour couvrir le bruit de la fête. Quelques poètes pendaient aux fils de la guirlande, et il fallait beaucoup crier pour couvrir leur chanson, on piétinait la couche blanche, infinie, des cartons d’invitations.

L’écriture du bréviaire touchait à sa fin:
poète lampion
poème inoffensivité
poésie sans conséquence
livre copain

Dans le placard de ma chambre d’enfance, je vais décrocher l’accoutrement des vieilles bestialités, celles qui étrangement m’avaient conduit un jour à la douceur.
la ritournelle, tu te souviens des premières paroles?
« J’encule les anges, j’encule les étoiles »
Hm; je vois bien que tu as oublié...
quelque chose qui s’est endormi sous un organe a commencé à s’y enkyster et prendre une sale forme

Rien d’autre à faire que plier sur lui-même le livre
et entonner le dernier chant, le suicide poétique, le degré zéro du poème
me donner l’envie d’être irrécupérable, absolument
me foutre dans une situation impossible à
défendre, tout perdre
toute perspective d’indulgence me fait saigner les gencives
je vais réentonner la rengaine,
celle qui ne peut être chantée à aucun âge, aucun
traînée du pittoresque à l’oubli
enculer un nourrisson, famille, honorabilité, poème,
voilà, commence vraiment
la dernière chanson qui fut la première,
J’encule les anges,
j’encule les étoiles,
j’encule tout ce qui es doux, aimant,
j’encule diplomates, patrons et ouvriers,
tout prestige qu’on m’octroie
tout pouvoir qui s’offre,
chaussons et héroïsme,
j’encule le culte,
j’encule l’athéisme,
la différence uniformément,
j’encule la fête,
conciliation, tolérance,
j’encule la jeunesse,
j’encule la respectabilité, la vénérabilité
la nostalgie, la nation,
j’encule la médecine, ses prêtres patauds,
son écoeurante blancheur
j’encule les amateurs d’art
et de poésie,
j’encule ceux qui me veulent du bien,
j’encule qui me comprend,
j’encule la tranquillité,
le progrès et la sauvagerie,
l’occident et la blancheur,
le bouddhisme,
j’encule enfants et amour de l’enfant,
j’encule tout ce qui est sacré comme
tout ce qui est profane,
j’encule l’amour,
surtout l’amour