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     Avant d'aborder la présentation des séries une à une, voici un texte plus général, en grande partie écrit pour l'exposition ICI-MÊME (visitable en ligne).

    Deux solides mythes politiques tracent le périmètre au sol de l'atelier imaginaire: celui de trans-nationalité, et celui d'actualité; le premier est une liturgie pour l'universalité, fantasme idéologique — religieux qui s'ignore — d'un retour aux sources; qu'il s'agisse d'une jungle ou d'un paganisme — tout dépend des prophètes — il répugne à l'objet: sa valeur étalon est le corps et sa théâtralisation, la performance et l'installation.
On voit rapidement avec lui percer sous la peau de l'universalité, celle de l'unité.

     Pas moins révoltante dans sa version géographique que temporelle, l'actualité, elle, flotte entre deux urgences, persuadée qu'un siècle pressé est un siècle rapide. Ces deux modèles ont en commun la volonté de croire que l'art est convivial, qu'il en a le devoir, et que l'atelier est au moins — et peut-être pour les mêmes raisons — un lieu aussi festif qu'une galerie un soir de vernissage. J'essaye pour ma part de vous proposer ma propre topographie de l'atelier.
     Le travail de territorialisation est le lieu où le sujet s'invente à lui-même. Le réel ne nous concerne qu'en tant que nous proposons nos propres fictions à son absence de sens ; d'une certaine manière, on pourrait dire que la seule vérité humaine tient dans les mensonges qui lui permettent d'habiter le monde ; et si l'art n'est pas un auxiliaire de vie, qu'en rien il n'est à côté d'elle comme un commentaire dans une marge, c'est parce qu'il est la vie même; qu'il est l'expression la plus assurée de la territorialisation.
Eldorado est l'archipel de ma solitude désirée.

     Les séries d'Eldorado, parfois chaînées dans une parodie de livre de voyage, représentent la plus grande partie de mon travail depuis 1993, date de la réalisation d'un premier Carnet de route (qui allait servir de matrice expérimentale aux Géographies-fiction) aux Grands Timbres d'Eldorado, en passant par les Cibolà est une île et les Cartes à découper-la destination est à l'intérieur. Pour être franc, mon dégoût du voyage et surtout des voyageurs de toute espèce (aventuriers, touristes, boussoles) s'imaginant revenir hors d'eux-mêmes là où ils n'ont que repoussé quelques kilomètres plus loins leur sac de fantasmes, a été à la base de ces premières cartes (bricolages de littoraux fictifs à l'aide de tampons d'écoliers "Jura", "Vosges", "Massif central" et "Pyrénées");

les séries s'enchaînent depuis comme une longue métaphore filée de l'atelier et du travail du peintre. Questionnement de la prétendue universalité de l'image, sa transportabilité, simulacres de l'élévation topographique par la couche ET la signalétique des couches, réévaluation, ici-encore, de l'échelle de l'oeuvre quand elle saisit d'autres systèmes de représentations, héroïsme et bavardage, politique de l'immobilité.
     La petite mécanique: application de tampons, et diverses variations sur la méthode réhaut, permutation, composition, littoraux monstrueux, matériologies et minéralogies qui rendent imperceptible le glissement d'un entendement de l'image à un autre, glacis/couches, géologies/élévations topographiques, etc.

     Vous pourrez observer aussi d'inlassables variations autour d'un seul motif, un insecte qui est pour moi échelle d'Eldorado, le plus souvent sur une manière de timbre intransportable, inexpédiable;
l'objet de peinture, ici, oscille entre la figuration dans son sens le plus traditionnel et le plus contemplatif, et la proposition d'un objet imaginaire, selon qu'il prétend donner un timbre (dont les insectes sont pour les services postaux du monde entier un motif fréquent) ou une étude d'insecte. Ce qui est, somme toute, un seul et même acte de représentation.
Cet insecte est ce que j'appellerais un objet-membrane, comme le serait la fiction si l'on voulait l'imaginer incluse entre le recto et le verso d'une page, piégée dans sa définition... imaginer en fait une fiction de la définition… Objet gelé, non-là, vérifiable par tout ce qui le désigne comme absent. Expédition du lieu-même où j'habite le monde (où mon corps répond à ma langue), ne passant pas par la symbolisation linguistique, mais par le "plein du temps".
Hormis ce déplacement d'échelle nous rappellant qu'une fourmi n'existe que dans l'horizontalité, cette figure tremblante évoque un monde qu'à force de n'imaginer que filtré par cinq sens nous finissons par croire à cinq facettes.

Rennes, Mars 2000/année 2002

L.L. De Mars

L'essentiel de ce que je pourrais raconter sur mon travail est contenu dans un entretien avec C. Petchanatz, disponible ici.

 

Une vue de l'atelier - L.L.   de MarsLES CARNETS DE CROQUIS

Ces carnets sont à ma pratique artistique ce que mon fouillis d'archives et de notes sur papier, disquettes et bandes magnétiques enregistrées sont à mon travail d'écrivain : non seulement la perpétuation par une attitude descriptive, contemplative, disons naturaliste, des bases académiques nécessaires à un travail de recherche (je n'évoque mon travail qu'en termes technologiques), mais aussi le sens, selon moi de toute production de métaphores : c'est dans la percussion entre le réel (percussion sur laquelle il n'y a rien à dire) et le vrai (je dirais visage de la nécessité de donner au monde un sens, théologique, ontologique), que se dessine la réalité (un réel moralisé, métaphorisé, désormais habitable), à laquelle l'artiste peut proposer — le plus souvent opposer — sa vérité.
De même que je soumets volontier au public parmi les oeuvres le petit foutoir de mes banques fabriquantes, la présentation des croquis permet de rompre, en quelque sorte, avec les fariboles des secrets de cuisine.

CARTOGRAPHIES-FICTIONS (LES ROUTES D'ELDORADO) 

Extrait du texte de rpésentation générale : ces différentes séries, chaînées ici dans une parodie de livre de voyage, représentent la plus grande partie de mon travail depuis 1993, date de la réalisation du premier Carnet de route, qui allait servir de matrice expérimentale des Géographies-fiction aux Grands Timbres d'Eldorado, en passant par les Cibolà est une île et les cartes à découper-la destination est à l'intérieur.
Si mon dégoût du voyage et mon mépris des voyageurs de toute espèce (aventuriers comme touristes) a été, je l'avoue, à la base de ces premières cartes (bricolages de littoraux fictifs à l'aide de tampons d'écoliers "Jura", "Vosges", "Massif central" et "Pyrénées"), les séries s'enchaînent depuis comme une longue métaphore filée de l'atelier et du travail isolé du peintre. Questionnement de la prétendue universalité de l'image, sa transportabilité, simulacres de l'élévation topographique par la couche ET la signalétique des couches, réévaluation, ici-encore, de l'échelle de l'oeuvre et de ses représentations, héroïsme et bavardage, politique de l'immobilité.

 ESTAMPAGES-TIRAGES

J'ai toujours, avec la pratique du dessin dont elle est cousine, considéré la gravure comme un des mediums artistiques favorisant la prospective intellectuelle sur la sensualité; la nécessité de travailler, sans cesse, dans une conception projective et l'impossibilité de jouir des "effets" d'une oeuvre avant son passage sous presse, l'obligation de concevoir — pour la xylo et la linogravure — tout le travail en double négatif (celui de la taille, et celui de l'orientation de la lecture) font de la gravure un extraordinaire travail de l'esprit sur l'image.
Mon travail de graveur se résume généralement à la production de petits imprimants qui viendront rejoindre l'outillage hétéroclite de la réalisation des autres travaux. Sont présentées ici trois des gravures titrées "Nombreux passages/Lourde presse", réflexion sur les archives d'histoire et sur la gravure elle-même (un triste calembour impliquant de tristes jeux d'images, choisies parmi les archives russes filmées sur la libération des camps), et deux exercices spéculaires.

Présentation des gravures Ex-votos II.8, pour le court-métrage qui me fut consacré.

COLLAGES-BRICOLAGES

J'ai englobé sous ce titre plusieurs séries de travaux qui recouvrent:

  • Les sciences-in-progress (Hiroshima à expédier)
  • Les collages politiques (journal d'un seul) et tout un tas de bazars plus ou moins sérieux, qui rassemblent l'inventaire de mes pratiques de plasticiens. (On comprendra mieux en les observant comment mon bureau finit par ressembler à une plage où se déversent des égoûts).
  • Les Roses Nouées & Entomologies.

Étrangement, la question du collage entretient toujours la confusion entre son sens technologique et ses conséquences sémantiques (voir aussi sur ce site les propositions d'Olivia Blondel). Plus exactement, il est toujours question de la colle elle-même (que vois-t-on au juste? Un puzzle est plat. Mais le relief n'est pas un signe; on parle toujours de collage en infographie, par exemple). Pratiquement, mes collages ne sont jamais arrêtés (au collage), mais réhaussés (on pourrait continuer l'analogie en disant commentés) par la pratique du peintre, simulant ici un rôle de non-collage.

 

Des visiteurs au cours du Show-room de 1998LES LIVRES-OBJETS

Cette série de livres cuttérisés emprunte plus ou moins aux méthodes de caviardage de Michel Vachey, à qui elles sont un hommage vaguement religieux.
       D'une certaine manière, cette série d'objets indéfinis développent assez exactement les contradictions entre une religion du livre (le judaïsme) et une de l'image (le christianisme), et, d'une façon amusante (pour changer...), tous les malentendus qui en découlent. Ces livres sont, finalement, aussi inconsultables qu'invisibles, mais la puissante stupéfaction de l'image sera, inévitablement, la dernière chose en place.


ACRYLIQUE EN COUCHE (peinture de peintre)

La peinture avait été pendant très longtemps (de 1985 à à 1991 environ), mon activité principale ; mais peu à peu, j'avais fini par prendre en horreur un matériau dont la sensualité envahissante m'engluait et que ma pratique d'une sauvagerie  toute libidineuse rendait bien difficile à calmer. Trop soucieux à cette époque de mettre en avant des qualités qui lui sont extérieures (une certaine sentence), j'ai dû attendre d'avoir vu chez d'autres où et comment se développait son intelligence propre pour l'aborder un peu plus sereinement ; bref: me cultiver un peu de peinture était plus qu'urgent pour ne pas m'enliser sans appel dans la confusion.

Vous pourrez consulter ici quelques rares toiles et, principalement, les Grands timbres d'Eldorado qui s'inscrivaient directement dans la série de mes travaux de Géographies-fictions.

Depuis 2006 mon travail pictural a très nettement changé de direction, les grands timbres d'Eldorado ayant marqué d'une certaine manière (tout en s'y inscrivant) la fin d'une interminable période que j'ai bien du mal aujourd'hui à regarder autrement que de la peinture décorative. Peut-être ai-je tout simplement cessé de me regarder peindre pour trouver enfin la désinvolture et la canaillerie nécessaire pour faire autre chose que des gammes...


DES EX-VOTOS

Ex voto à Raphaël - L.L. de Mars 1997Une fois encore dans mon travail plastique, j'ai eu recours à l'iconographie chrétienne ; un praticien qui ignore l'histoire de sa pratique c'est — par exemple — un médecin qui, ne puisant que dans les derniers états de celle-ci, se croit démiurge. L'histoire de la peinture en occident (et celle de l'Art) est restrictivement associée à la christianisation, puis à la lente maturation du Christianisme.  Cette série d'Ex-votos (qui ne remercient personne) questionne cette religion de l'image (la seule, à vrai dire) et la résistance du sens religieux de ces images (des figures votives en particulier) à leur prolifération, leur redoublement incessant, leurs métamorphoses.
Il semblerait que le sentiment religieux — qu'on soit chrétien ou pas — résiste à tous les assauts et recompose, en fait — une nouvelle attitude — une nouvelle forme du recueillement possible pour chaque situation qui en éprouve la solidité et le sens, dans laquelle la foi ressort indemne, voir renforcée...
Ce qui est multiplié, ce n'est pas la Figure, mais les occasions de recueillement que la métaphores qu'elle recouvre suppose...


DES INFOGRAPHISMES au WEB ART

Beth - Infographie. L.L. de Mars 1993 1990/1994, Infographismes: Chaque technologie est une forme, un fil sur lequel tirer dans la trame de la pluralité des mondes possibles; de l'inquiétude naissent toutes technologies, et celle, principalement, de créer une forme que l'on ait, enfin, envie d'habiter. Le travail d'infographie — celui d'une synthèse infra-mince de l'image — en regard de cette nouvelle proposition technologique pour penser le monde, remet en question certains des sens imposés à la pratique de l'art en occident : reproduction et variation, état final d'une oeuvre, sens de l'échelle de l'oeuvre, support et véhiculation de l'oeuvre... A travers quelles pratiques se développe cette interrogation? la plupart des champs de la modélisation, disons, réformée: le champ de la synthèse colorée (synthèse additive du monde vidéo), celui, que j'appelle "l'espace sans échelle", de la synthèse 3D et celui de ses procédés de diffusion et de monstration des images (la Source -illustration et imprimerie modernes qui ont rendus ces outils nécessaires- et la Zone, fin dernière, écran et interaction).
Contrairement à la photographie qui ne semble toujours pas être parvenue à s'émanciper des autres formes d'art (formellement ou dans sa façon de se montrer, la photo est toujours une sous-peinture), les images video-infographiques (sauf chez les sous-doués de la télévision qui croient toujours faire du cinéma) ont trouvé dès leur apparition la singularité de leur position; en revanche, malgré les excellents travaux, par exemple, de la revue 'Traverses' du C.C.I., elles attendent toujours leurs penseurs et leurs modèles théoriques...

Depuis 1996, Web-Art et oeuvres numériques : si le texte précédent, écrit en 1996, ne pourrait sérieusement déplorer aujourd'hui les mêmes lacunes théoriques des arts informatiques (largement équipés depuis de revues, thèses, ateliers, lieux spécifiques d'exposition), il résume en gros assez bien mon rapport aux arts numériques en général.
Je ne suis pas sûr toutefois que ceux-ci trouvent mieux qu'hier la forme spécifique de leur modernité artistique, trop attentifs à leur modernité technologique ; cette pratique accouche généralement de monstres hybrides, copulant l'archaïsme plastique avec une ludicité engorgeante, ne permettant pas de distinguer la plupart des oeuvres numérique d'un mauvais jeu video (plus kitsh, moins jouable).