Bordel de Dieu, je ne compte plus le nombre de courriers me faisant part de l'énervement provoqué par le ton des chroniques et par la vanité qu'on suppose à l'origine de toute cette hargne. Alors voilà quelques explications qui, je l'espère, éviteront à l'avenir tout encombrement de ma boîte aux lettres :
n'ayant à répondre à aucune urgence ni necessité pour faire ce que bon me semble — ces chroniques pas plus que le reste — mon seul commanditaire est l'envie de faire quelque chose plutôt que rien; et à votre avis, qu'est-ce qui peut bien mobiliser cette envie? Hé bien l'enthousiasme ou la colère.
Autant dire qu'il y a peu de chance de trouver ici des youpis tièdes sur un spectacle ouimais ou encore des regimbages mitigés sur une expo bof. Si ça m'emmerdait déjà en le voyant, imaginez l'ennui que me procurerait le fait d'en causer.
D'autre part, à un courrier d'un ami qui m'accusait de tirer avec orgueil dans les pattes des autres pour brosser l'autoportrait flatteur d'un saint incorruptible (texto: «Ils sont tous cons, on est génial» m'écrit-il), j'ai répondu ceci, que je vous livre tel quel parce je suis trop feignasse pour réécrire un truc à ce sujet:

« tu ne te trompes que sur une chose: rien, absolument rien dans tout ce que j'ai pu écrire, ne laisse imaginer le "on est génial". Je ne sais même pas où tu irais pécher ce pluriel éventuel (à considérer que le "on" en soit devenu un désormais : imagines-tu d'un seul coup le Terrier comme une secte, une congrégation, ou même une institution?, que j'intérioriserais comme le fait un supporter de son équipe de foot? Je ne crois même pas utile de prouver le contraire, il suffit de se laisser perdre parmi les paradoxes voire les contradictions qui essaiment dans ce site pour se persuader de l'improvisation complète de son système) et moins encore une quelconque crise de vanité de ma part. Mon mépris est nu de toute gloire, ce qui est sans doute inimaginable pour quiconque ne connait qu'un aspect binaire du monde et des échanges humains. La faillite des uns n'entraine pas forcément la fortune des autres.»

à l'accusation qui ponctuait cette lettre de ne tirer de toutes mes chroniques que des conclusions «nihilistes et égocentrées», je répondais ceci:

« Nihilistes, ça ne fait aucun doute.
Toute estime est basée sur un quiproquo ; c'est vrai de l'amour et de l'amitié sans aucun doute, ce dont on peut s'accommoder car la jouissance qu'on en tire excède largement le prix à payer, mais c'est mille fois plus vrai encore de la reconnaissance publique qui, elle, ne rapporte que des illusions chics et des conversations miteuses; toute gloire est un naufrage du sujet.»

Voilà; je suppose que c'est assez clair, ça devrait alléger d'un coup ma boîte aux lettres. À moins que ça ne l'encombre de courriers relatifs à cette tentative d'explication...

L.L.de Mars - Aout 2003