Biopic Kubrick

par Sébastien Lumineau

La pédagogie a gagné. L’outil bande dessinée est devenu très utile pour les documentaires et les biographies.

Voici un premier chapitre (mais y en aura-t-il d’autres ?) d’une nouvelle biographie, un nouveau biopic (contraction de biographical motion picture ; mais comme le « motion » n’est pas présent dans la contraction, ça fait « biographical picture », donc ça le fait aussi pour la BD, non ?).

Un biopic sur un cinéaste, en BD.

La première page ci-contre présente une page de reconstitution de recherche sur la présentation de toutes les images présentes dans le générique de 2001 : l’Odyssée de l’espace ; soit, ici, d’après le minutage d’une vidéo YouTube, 2016 images.
Ça fait beaucoup. Un album de BD genre Tintin en couleurs, ça doit faire environ 800 images. Sans parler de la difficulté technique de représenter chaque image précisément (il vaudrait mieux utiliser les photogrammes sans avoir à se casser la tête à vouloir les redessiner avec exactitude (1)), quel serait l’intérêt de gaspiller autant de papier pour un générique qui est à l’origine filmé ? Il faut synthétiser.

 

Voyons ce que ça donne.

Vous m’excuserez de l’imprécision des copies dessinées des photogrammes choisis.

Je vous invite à tenir la lecture de ce générique repris en dessin pendant une minute vingt-quatre et à imaginer les images entre les images.

(Vous pourriez aussi regarder simplement le vrai générique filmé, c’est vrai.)

C’est donc une éclipse solaire qui est narrée, d’après les photogrammes du film.

Le dessin devait être réalisé à l’origine à la plume (2), en encre de chine ; mais devant la difficulté d’obtenir quelque chose de fidèle au modèle, j’ai préféré user de crayons à papier, gras. Je ne colorie plus beaucoup, aussi me suis-je presque fait une tendinite à la main droite. C’est ce que je craignais par ailleurs avec l’usage de la plume en réalisant de nombreuses trames manuelles pour obtenir les différentes nuances de lumière.

Ce n’est pas très habile je trouve. Mais les originaux sont pires. L’ordinateur a permis de recontraster fortement l’ensemble et d’approcher des photogrammes.

Donc, c’est une éclipse de soleil.

C’est assez lent. Et on ne distingue pas grand-chose. En fait, je ne me le rappelais plus, mais je pensais que c’était une éclipse de lune. Et j’ai dessiné toutes ces images en pensant que c’était une éclipse de lune.

Ça marche quand même.

Le dessin des ronds s’est fait avec différents objets aux diamètres différents (3). L’utilisation du compas aurait créé un petit trou dans la feuille et ça se serait vu, notamment au niveau du soleil. Oui, ça peut s’effacer sur ordinateur, mais je n’aime pas tellement « nettoyer » ce genre d’imperfection. Des poussières, oui, ça me semble normal. Des trous de compas, ça me gêne plus ; alors qu’il n’y a pas de raison.

On a l’impression que la Terre descend assez lentement au premier plan, mais on va voir (à la page suivante) que c’est assez rapide.

Il y a un jeu de cercles ici qui s’opère de façon plus évidente, notamment dû au fait que l’on distingue mieux le soleil et la lune (4). Le halo de lumière qui entoure le soleil est plus visible également.

Sur le vrai générique, la première mention qui apparaît est : « METRO-GOLDWYN-MAYER PRESENTS (5) », puis « A STANLEY KUBRICK PRODUCTION ». Je n’allais pas mettre ces mentions-là au risque de me prendre un procès, et ni non plus ne pas revendiquer mon rôle plein et entier d’auteur.

Toutefois, l’idée de faire apparaître « SÉBASTIEN LUMINEAU PRÉSENTE » ne s’est pas présentée tout de suite. Et puis, il y avait aussi le problème de rester fidèle au sens. Ainsi, aurai-je pu mettre « PRÉ CARRÉ PRESENTE », mais ne sachant pas si ces pages vont être acceptées (6), dans le doute, abstiens-toi.

Il fallait aussi affirmer la « Biographie », et donc mettre une mention qui pouvait faire office de profession de foi ou de manifeste. « UNE BIOGRAPHIE EN BD ». « BD » aussi c’était important.

Je voulais mettre éventuellement « CHAPITRE I », mais comme j’ignore s’il y aura une suite à cette biographie…

En apposant le « SÉBASTIEN LUMINEAU PRÉSENTE », je me suis dit qu’il y avait de la mégalomanie chez Kubrick (et pas chez moi). En même temps, c’est fréquent dans le cinéma, d’écrire son nom en grand je veux dire. Et puis, Kubrick, à l’époque, n’est pas non plus un débutant.

J’ai osé laisser ce « SÉBASTIEN LUMINEAU PRÉSENTE » en me marrant comme un gamin.

Là, je ne suis pas mécontent de mes lumières. Ça peinait au début, là, c’est finalement plus brut je trouve et plus réussi. Sans doute dû à la pression de la dead-line (7).

Le titre va arriver, à la page suivante. Je l’ai trouvé il y a quelques mois quand j’ai eu l’idée de ce biopic. Je vous laisse le découvrir.

Mais il m’a fait penser presqu’aussitôt à Film Socialisme (8) de Jean-Luc Godard. Celui-ci racontait qu’à l’origine son film s’intitulait Socialisme, mais une personne a mal compris et a inclus la mention « Film : » avant le véritable titre. Godard a gardé donc cette erreur.

Je précise que le titre de cette BD n’est pas une erreur de recopiage.

Il remplace le titre « 2001: A SPACE ODYSSEY » bien entendu.

« BIOPIC KUBRICK »

« BIOPIC KUBRICK »

« BIOPIC KUBRICK »

Trois fois, ça fait un peu long en BD.

Dans le film, cela doit durer à peu près dix-sept secondes.

 

 

 

 

 

 

 

Le fondu au noir m’a fait prendre conscience qu’il pouvait aussi peut-être s’agir de la disparition du monde. Préoccupation d’aujourd’hui sans doute, moins de 1968, année de la sortie du film ? Quoiqu’en pleine guerre froide…

Est-ce que le blanc à la fin d’un texte est aussi du texte ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Fin du générique. Écran noir. Case noire.

Stanley Kubrick (oui, oui, c’est lui, j’ai fait du mieux que je pouvais) se trouve dans une salle de projection. Il visionne son film, notamment son générique. Si j’avais voulu être un peu mordant et moqueur, j’aurais mis deux cartouches sur cette case : « 1968. » puis « Stanley Kubrick achève 2001 : l’Odyssée de l’espace. » par exemple. Mais je ne suis pas sûr qu’on aurait saisi tout l’humour que j’aurais voulu y glisser (9). D’ailleurs, je ne suis pas sûr non plus qu’on saisisse tout l’humour de cette explication d’intention.

Puis la dernière case, en chute, qui évoque la collaboration avortée entre Kubrick et Pink Floyd. Peut-être aurait-il fallu le préciser dans cette dernière case (9) ?

Tout ça pour dire qu’en BD, il n’y a pas de son (9).

Notes