L.L. De MARS
(1967)

Portait, Florence, galerie des Offices (photo : Caroline Leduc) Je suis une taupe.
 Mon travail s'est longtemps tenu entre mes activités de plasticien et l'écriture d'articles, de nouvelles  et parfois — le plus rarement possible — de poèmes. Vous pourriez en lire une grande partie sur ces pages, en trouver d'autres dans les revues Enculer *, MMI, La Parole Vaine , Pré Carré et quelques rares autres. Une bonne partie des premiers textes me parait aujourd'hui misérable, creuse, voire franchement repoussante. Autant dire que les suivants ont toutes els chances de me faire horreur d'ici peu.
J'ai au passage composé quelques pièces vocales, instrumentales, acousmatiques, lu quelques livres en public , illustré quelques autres pour des lardons ou des adultes, dessiné trop de bandes dessinées, de dessins de presse, et fait quelques dizaines de videos.

Je l'ai fait en me tenant à une conception autonome des disciplines, à la singularité des pratiques, au jeu de leurs propriétés respectives : dubitatif devant les tentatives de compositions à pratiques mêlées (écriture dans la peinture, partition-graphe, fourre-tout visant plus ou moins inavouablement l'art total ou le spectacle), j'ai assez bordéliquement multiplié mes domaines d'activité au gré des rencontres problématiques, techniques ou charnelles qui se fécondent plus invisiblement, comme autant d'opérateurs clandestins embarqués d'une discipline à une autre. Non que mon champ spéculatif soit si vaste que ça (une vie humaine roule généralement sur deux ou trois pauvres idées au mieux, et il reste à espérer qu'elles ne soient pas mauvaises depuis le début), mais les sillages possibles sont innombrables et ne peuvent pas se satisfaire d'un seul métier pour les recomposer inlassablement.

        S'il n'y a pas de confusion à établir entre les organisations qui emportent les problèmes soulevé dans et par mon travail, il m'est devenu de plus en plus difficile de séparer mes objectifs plastiques, sonores, de mon travail littéraire ; ce qui vise à être épuisé dans l'écriture comme jeu de motifs visuels — un coeur rouge, par exemple, sert d'articulation continue dans « la main» et illustre un possible mode plastique d'organisation romanesque — mes travaux plastiques sont envahis par la facture-même du livre (le "reste plastique", la "décharge", fils de reliure, papiers d'imprimerie, encres typo etc.), mes travaux sonores s'agencent comme archipels de discours et de figures, etc. Ce sont mes propres sillages d'impureté, de contagion, de percolation.

Au cours du colloque « de l'humour libéral...» (décembre 1999), je jetais rapidement les bases d'une hypothèse de travail superposant l'atelier (corps et pratique de l'art mêlés) à l'expérience complète de la vie, hypothèse qui fait de la pratique de l'art le champ de l'advention du sujet à la fois dans son organicité et dans la fluidité de son invention théorique. L'apport constant du travail de J.F. Savang sur le poème et la critique n'a eu de cesse de féconder cette hypothèse et de conduire ma réflexion sur l'advention du sujet aux multiples excroissances théoriques que vous retrouverez aussi bien dans le texte du colloque suivant que dans Politique de l'art ou dans les quelques entretiens et essais disponibles dans le site.

      J'ai fondé en 1990 les micro-éditions K' De M pour —je cite ici Borges —"ne pas passer ma vie à corriger mes brouillons" ; je publiais alors, sous forme de brochures à faibles tirages, des textes d'Erstenes, de Jean-François Savang, d'Allin, de Rozenn Eon, et les miens. Cette expérience de la publication m'a conduit en 1993, avec ces amis ainsi que Laurent Pinon, Olivia Blondel et Julien Demarc, à créer la revue La Parole Vaine, dont un choix de textes publiés peut-être moins consternants que les autres pendant trois ans est disponible sur ce site. En décembre 2001 naissait la revue MMI, en janvier 2007, la revue Enculer, fondée avec Antoine Hummel, Joachim Clemence et Oolong et en mai 2013 la revue Pré Carré, avec Julien Meunier, Jérôme LeGlatin, Docteur C.. Cet attachement à suivre le travail jusque dans ses conditions d'apparition est évidemment la raison qui m'a conduit en 1997 à créer le Terrier.

Une petite partie de ce que j'aurais pu dire sur mon travail en 2002, sa genèse, les raisons qui me conduisaient alors à le poursuivre, fut l'objet d'un entretien avec Christophe Petchanatz réalisé pour son Rostre. Aujourd'hui, je reverrais sans aucun doute les trois quarts de tout ce bavardage, mais j'ai quelque chose sur le feu. Tant pis.

L.L.D.M.

* Les sept numéros de la revue Enculer sont désormais téléchargeables en pdf ; en voici les liens:

Vous trouverez un ensemble de liens vers des lectures publiques (fichiers MP3, real ou Quicktime) ICI.