1. "La littérature et l’art sont subordonnés à la politique, mais ils exercent à leur tour une grande influence sur elle".(Mao Tsé Toung, 23 mai 1942)
Pas de critique, donc de transformation spécifique, sans "autonomie relative". Que dans celle-ci la lutte idéologique prenne un tour tel que des pratiques signifiantes y deviennent irrelevables pour l’idéalisme (le logocentrisme de la littérature ou de la philosophie . . .) c’est précisément l’impact d’une stratégie de déconstruction à laquelle aucun volontarisme ne peut se substituer sans subir d’effets en retour, spécifiquement d’effets logocentriques, idéalistes et à longue échéance politiques. Remarquons par exemple comment, selon cette hâte volontariste, les tics récents de telle revue "de cinéma" impliquent progressivement l’abandon objectif du terrain de la lutte dans les pratiques spécifiques ("relativement autonomes") au profit d’un discours général sur les pratiques artistiques dans le marxisme-léninisme. L’abandon de l’interpellation du discours par un objet spécifique donné dans telle pratique signifiante et de la stratégie de déconstruction ponctuelle qu’elle implique, annonce inévitablement le retour du dogmatisme.
Sur la base de l’absence de pratique concrète, ne peut se développer qu’un discours sans objet, théoriquement anachronique, lancé dans une précipitation "avant-gardiste" et retournant en fait à des positions archaïques [1].
Le travail de critique de la condensation idéologique dans telle pratique spécifique est une tâche politique essentielle. Cependant, comme l’a noté Althusser, la double thèse de l’"autonomie relative" de la superstructure par rapport à la base et de "l’action en retour" de la superstructure sur la base reste attachée à la "métaphore spatiale de l’édifice" nécessairement "descriptive". Si cet ensemble notionnel est à transformer, c’est donc faire preuve de carence philosophique que d’y substituer la pure et simple "négation" d’une "thèse"-métaphore. Quant à l’idée éventuelle d’une hétéronomie, elle fait de la violence immédiate "de" la détermination des appareils répressifs son argument (caché) qui revient à l’idéalisme de Dühring : la violence immédiate comme "moteur" de l’histoire.
2. "Pour déterminer si un intellectuel est révolutionnaire, non révolutionnaire ou contre-révolutionnaire, il y a un critère décisif : c’est de savoir s’il veut se lier et s’il se lie effectivement aux masses ouvrières et paysannes" (Mao Tsé Toung, octobre 1938).
La précipitation dogmatique fait un usage rhétorique systématique de la référence à la politique et à la classe ouvrière. Reposant sur la carence philosophique indiquée ci-dessus, cet usage stéréotypé et donc opportuniste ne peut que surenchérir sans cesse sur son propre discours. Réaffirmons ici que nulle référence protocolaire ne saurait servir d’alibi, qu’il s’agit aussi de "se jeter au cœur de la lutte pratique" (Mao Tsé Toung, 23 mai 1942).
Sans "ouvriérisme" ni "culpabilisme" d’intellectuels "coupés des masses", il reste à dire, au-delà des rodomontades verbales, la nécessité incontournable de la pratique militante de masse. Proposition non-empirique, en tant qu’elle marque, dans le même temps, son ouverture nécessaire à l’articulation pratique militante concrète/pratique signifiante (hors tout "psychologisme" humaniste, mais aussi hors tout dogmatisme). Proposition différenciée en tant qu’elle marque différents niveaux d’interventions : pratique politique directe, pratique militante comprenant les pratiques signifiantes et la pratique pédagogique de relais sous la forme d’interventions dans les Appareils idéologiques d’Etat. Soit la triple nécessité de la "lutte pratique", "d’apprendre le nouveau et de créer du nouveau" en "élevant le niveau", et de "populariser" les résultats (Cf. Mao Tsé Toung, 23 mai 1942).
3. Sur cette base, nous affirmons notre refus de la surenchère polémique, comme mode de travail. Cette surenchère inefficace se complait dans la rhétorique politique et structure, par son volontarisme, une attitude dogmatique. Son idéalisme culmine au point où elle s’imagine en posture de distribuer les rôles. Sans savoir d’où elle parle, elle ne fait que perpétuer l’idée d’une fraction d’intellectuels "représentant" les masses en lutte auprès d’autres intellectuels. Une telle baliverne est à combattre à tous les niveaux. Notre travail d’intellectuel est spécifique et ne devrait s’accompagner d’aucun "culpabilisme" : mais cette spécificité n’est pas seulement scientifique, artistique, philosophique, c’est-à-dire théorique et idéologique, elle est aussi politique et économique. De ce point de vue, les intellectuels ont à travailler principalement sur un front secondaire articulé dialectiquement au front principal (lutte politique) sur lequel ils travaillent de manière secondaire (dans les AEI)— ces contraires pouvant s’inverser dans des circonstances politiques particulières.
4. a) Nous affirmons notre accord complet avec les "Positions du Mouvement de Juin 71" (TEL QUEL N0 47) et l’analyse du dogmatico-révisionnisme (TEL QUEL N0 48/49). S’il le fallait, les "événements" récents (Renault/Overney) apporteraient un témoignage capable de lever les derniers doutes quant au caractère fondamentalement révisionniste de la politique du P.C.F. Nulle réserve ne saurait être désormais de mise. Quitter le PCF et en dénoncer la politique est la seule position juste. La politique "culturelle" du PCF est éclectique (et donc révisionniste). Elle aboutit à l’abandon de la lutte de classes sur le terrain idéologique, à l’abandon d’une position scientifique marxiste-léniniste, à l’adoption d’une ligne droitière.
b) La politique culturelle du PCF est révisionniste, de même que sa politique générale est révisionniste, au niveau tactique (recherche électoraliste d’une alliance indifférenciée avec "toutes les couches non-monopolistes") comme au niveau stratégique (l’amalgame mécaniste gauchisme/pouvoir, l’abandon de la plus élémentaire solidarité prolétarienne face au meurtre de P. Overney et ses répercussions, la condamnation exclusive de toute discussion venant de sa gauche).
c) Ce révisionnisme de fait s’accompagne bien entendu d’un dogmatisme violemment sectaire. Il manifeste ce que Macciochi appelle "la sclérose de la pensée dogmatique que l’on retrouve dans l’histoire du Mouvement Ouvrier à chaque fois que l’on se trouve devant des faits révolutionnaires importants" (TQ48/49). C’est par exemple la sclérosé de la IIème internationale. Et la dénonciation léniniste du kautskysme ne laisse pas aujourd’hui d’être éclairante : "sur le plan philosophique, écrit Lénine, le révisionnisme kautskyste est caractérisé par l’éclectisme et la sophistique (cf aujourd’hui les Lettres Françaises, la N.C. [2], le C.C. d’Argenteuil [3], Roland Leroy à la T.V., etc.).
Sur le plan politique, il est caractérisé par l’opportunisme (cf aujourd’hui : électoralisme, démobilisation des masses, dénonciation indifférenciée du "gauchisme", alliances sans principe [4], bavardages sur la "démocratie" — en général [5], recherche de la "sagesse vulgaire : se montrer conciliant et facile à vivre", (Lénine). Face à cela, Marx : "Ce n’est pas par ses conquêtes tragi-comiques directes que le progrès révolutionnaire s’est frayé la voie, au contraire, c’est seulement en faisant surgir une contre-révolution compacte, puissante, en se créant un adversaire et en le combattant, que le parti de la subversion est devenu un parti vraiment révolutionnaire".
d)Quant "au fait révolutionnaire important" et nouveau qui démasque la sclérose de cette politique dogmatico-révisionniste c’est bien entendu le fait chinois, la GRCP [6]. C’est bien pourquoi l’attitude du PCF vis à vis de la Chine, éludant l’analyse politique et théorique se réduit à des pratiques sectaires de censures et à des polémiques racistes et xénophobes, dont l’article de la NC consacré au livre de M.A. Macciochi "De la Chine" est un exemple frappant (mais voir aussi, à un niveau s’il est possible encore plus consternant, l’article de Pierre Durand dans l’Humanité du 12/10/71 ou les récentes déclarations du député Odru à son retour de Chine, in France-Nouvelle du 22 au 28 février 1972). Le seul "argument" théorique ("la critique de "l’anti-technologisme" ( ? ) chinois) ne renvoie de toutes façons qu’à un révisionnisme technocratique à l’usage de la social-démocratie.
Pour nous au contraire, la référence déterminée à la GRCP s’impose de toute évidence. La reconnaissance de l’autre rupture historique qui y marque l’entrée en scène de la lutte idéologique refoulée, et le creusement des effets de cette reconnaissance dans les (nos) pratiques spécifiques constituent la pierre de touche d’une activité aujourd’hui réellement révolutionnaire. C’est à partir de cette reconnaissance et de son application dans notre pratique que nous affirmons l’exigence d’un autre mode de travail, évitant la simple adhésion formelle et l’application mécanistes de "modèles" chinois à notre réalisation spécifique, mais visant à réinscrire l’expérience chinoise dans notre propre situation.
Il s’agit, par conséquent, de relancer l’instance de la lutte. Celle-ci se voit inlassablement étouffée par le révisionnisme dont l’action aboutit à son abandon à l’idéologie bourgeoise, en attendant probablement l’abandon pur et simple de la lutte des classes elle-même. (L’économisme du PCF n’en est il pas un symptôme assez marque ? ).
Par la réinscription de cette instance, nous voulons aussi marquer notre accord avec M.A. Macciochi lorsqu’elle indique l’enjeu de la crise du mouvement communiste international (TEL QUEL 48-49).
C’est en articulation avec cet enjeu que notre pratique spécifique doit radicaliser l’instance de la lutte.
5. a) Notre adhésion aux thèses défendues par le Mouvement de Juin 71 ne peut être protocolaire. Sur la base d’une reconnaissance objective (idéologiquement et politiquement analysable) de la justesse et de la nécessité actuelle de ces thèses, de leur défense, de leur application et de leur extension, elle implique de notre part (groupe de travail TXT, publiant la revue TXT mais amené aussi à prendre positions ailleurs, sous la forme par exemple d’interventions dans les AIE [7]) un processus d’auto-critique et la détermination d’un plan d’activité. Contrairement à ce que peuvent et doivent dire TEL QUEL et PROMESSE dont la collaboration passée avec le PCF (par l’intermédiaire surtout de la Nouvelle Critique) programme l’intervention critique, nous avons quant à nous presque exclusivement à fournir une autocritique, n’ayant pas directement participé à ce travail, du fait de notre existence beaucoup plus récente [8].
b) Le groupe TXT commence tout juste à travailler. Sa spécificité est spécificité de sa composition et spécificité de son action lors des deux dernières années (4 numéros parus). Le groupe n’est constitué en fait que depuis le printemps 71. Spécificité de composition : marquée essentiellement par le partage franco-belge du groupe, qui implique déjà une orientation stratégique particulière du fait de l’état différent en France et en Belgique, des rapports de forces politiques, des modes d’intervention idéologique et culturelle, des possibilités d’alliance. Un exemple : le PCB est et n’est pas le PCF. La dénonciation de son révisionnisme pouvait se faire plus violemment et plus tôt que celle du révisionnisme français. S’il en fallait, l’affaire des "Cahiers Marxistes" (N0 10) [9] en porterait témoignage. D’où, pour les "belges" du groupe, un processus de radicalisation politique plus rapide, avec, paradoxalement en contre-partie, du fait de l’absence de toute pratique politique "de masse", soit le risque d’adoption de positions "théoricistes", soit celui de l’absence (passée) d’intervention sur la question politique. D’un autre côté, l’inscription de tel d’entre les "français" au Parti Communiste (avec les difficultés inhérentes à une telle posture dans la conduite à tenir à la fois au sein du PCF et au sein de TXT - allié de TEL QUEL et PROMESSE), décisive en son temps quant à l’ouverture non simplement formelle de TXT à une problématique politique, impliquait un processus de censure et d’autocensure (consciente ou inconsciente) aboutissant à des positions ambiguës et révélant à notre propre niveau, les effets de la collusion dogmatisme-révisionnisme, justement dénoncée par le Mouvement de Juin 1971.
c) La spécificité de l’action de TXT, lors des derniers mois, porte ces marques. On peut excepter les deux premiers N°s, (Hiver 69 et printemps 70) dont le seul mérite était de rompre avec les effets les plus voyants d’une créativité "poétique" surannée et d’en marquer déjà le pourquoi théorique, le N° 2 bis s’écartèle d’une série de contradictions : contradiction principale entre une revue encre "littéraire" et la volonté affirmée par ailleurs d’intervenir dans le champ idéologique et politique. D’où le disparate du sommaire et une multitude de contradictions secondaires. Contradiction entre le maintien de la défense et de l’illustration d’une idéologie "carnavalesque" (dont c’est un objet du présent n° que de montrer le caractère idéaliste et la fonction réactionnaire) et l’affirmation de positions matérialistes dialectiques (cf. "Ordinateur" [10]).
d) Pour ce qui est du n° "PONGE" [11] : d’un côté la nécessité objective de défendre et d’interroger le travail de Ponge, encore maltraité, censuré, dévoyé, par la critique bourgeoise. Du même côté, l’utilité économique d’un tel numéro. Du même côté encore la trace qu’il porte d’une alliance effective avec TEL QUEL (impliquant d’ailleurs déjà la critique du N° 2 bis). D’un autre côté : contradiction entre un projet d’intervention idéologique/politique sur Ponge (Cf,"ouverture") et son inscription dans la tradition littéraire d’un n° sur "un auteur" (contradiction secondaire en tant que la plupart des textes déconstruisaient de part en part toute idée d’"hommage" subjectif, mais contradiction aggravée par la publication de quelques textes impressionnistes, "essayistes", ou manquant de rigueur dans le développement conceptuel noyé sous l’appareil citationnel). Contradiction entre le propos d’un n° à effet d’intervention idéologique et l’absence d’un travail systématiquement consacré à la capacité d’intervention matérialiste/dialectique du texte de Ponge (erreur en partie réparée depuis) [12].
e) Toute reconnaissance de la justesse des positions du Mouvement de Juin 71 [13] doit s’accompagner d’une critique positive des effets du révisionnisme dans notre propre travail, étant bien entendu que les effets du révisionnisme ne se font pas seulement sentir au niveau des déclarations d’intention, des prises de position ou même de carte et qu’ils n’affectent pas que ceux qui font ou ont fait partie d’un Parti Révisionniste. C’est sur la base de cet effort d’autocritique (de cette rééducation), soutenue par et soutenant un travail de critique du dogmatisme et du révisionnisme de nos ennemis, que peut se développer de façon positive, productrice, notre déclaration d’accord avec le Mouvement de Juin 71, ses thèses, sa critique du dogmatisme et du révisionnisme, les premiers effets de cette critique (le fondamental n° sur la Chine) et les interventions qu’il annonce.
6. Sur la base de "l’autonomie relative", une revue "de littérature" doit marquer exactement son objectif, sa fonction propre, ses "critères scientifiques" : soit une stratégie de déconstruction qui instaure la lutte idéologique dans les pratiques spécifiques. La question, ici, est d’un travail sur la "littérature". Analytique et productif, ce travail doit prendre en charge la déconstruction de l’idéologie dominante qui se condense dans la littérature en l’interpellant par, ce qu’elle refoule : les procès scientifiques et philosophiques. Le "sujet" qui parle dans l’objet "littérature" est d’abord déterminable comme sujet de l’idéologie. Mais le travail de déconstruction doit s’informer aussi de ce que le sujet parlant, du fait que le langage n’est pasune superstructure, se constitue dans le signifiant, comme "sujet du signifiant", et que c’est à cette condition qu’il est alors interpellable par l’idéologie.
En tant que "pratique signifiante", ce travail suppose alors : ’’la composition-décomposition" du sujet dans la production de signification. Il constitue donc un type d’intervention spécifique, politiquement déterminée, idéologiquement concertée et articulé à la science du sujet clivé par le signifiant : la psychanalyse. Impossible de n’en pas passer par ce "critère scientifique"-là, sauf à retourner à la mécanisation non-dialectique des interpellations : l’occulation/refoulement de la psychanalyse par le discours dogmatique (qui en aseptise l’effet en "connaissance (positiviste) de l’inconscient", par tradition. humaniste-anthropocentriste) est claire, Positivisme/marxologie/dogmatisme/révisionnisme : collusion.
7. "C’est dans les formes et sous les formes de l’assujettissement idéologique qu’est assurée la reproduction de la qualification de la force de travail" (Althusser). L’AIE scolaire est aujourd’hui "en position dominantedans les formations capitalistes mûres". Il en est aussi, conséquence du développement des contradictions dans l’enseignement et des luttes-récentes qui en découlent, l’un des maillons les plus faibles. Une revue de "littérature" qui prétend mener une lutte idéologique conséquente doit donc tenir compte en premier lieu de l’AIE scolaire. C’est ici qu’intervient pour nous une pratique d’analyses radicales qui découle de et nous branche antagonistementsur le relais principal (parce que chargé de donner les "formes nouvelles" de tout enseignement) de l’idéologie : l’université. Ce qui entraîne déjà des conséquences pratiques (diffusion, etc.). Mais ce qui nécessite que la lutte subversive dans l’idéologie s’attache à des analyses radicales. Pour la "littérature". elles passent d’abord par son refoulé dernier, la philosophie. Mais cette lutte philosophique déborde largement la simple question de la "littérature" : "la critique théorique es" aussi un "discours" (c’est sa forme spécifique) et si elle doit s’articuler rigoureusement sur une pratique plus générale, il lui faut tenir compte de la formation discursive la plus puissante, la plus étendue, la plus durable, la plus systématique de notre "culture" " (Derrida). Voilà pourquoi, à la fois, nous attaquons les carences philosophiques des dogmatiques et des révisionnistes et pourquoi nous préparons un autre mode de travail. Ces carences sont frappantes dans leurs conséquences politiques quand on croit énoncer les buts d’une "stratégie" en programmant la substitution d’un "parti" à un autre. La question philosophique et historique qui n’est pas posée est celle justement de la démocratie et de la représentation politique où cette notion de "parti" trouve ses ressources idéologiques : là se trouve une partie de la tâche politique. Partie "subordonnée" à l’analyse historique, mais cependant décisive : on saisit les limites d’une rhétorique fermée. L’analyse historique n’est pas séparable à priori du travail philosophique sur le concept de démocratie : et l’empressement à décréter ce qui est "principal" ne doit pas mener à l’abandon dogmatique et/ou réformiste du travail philosophique. Dès lors et au contraire, s’impose le travail de longue haleine sans télescopage de niveaux et sans précipitation dangereuse : "une déconstruction de renversement et une déconstruction de déplacement positif, de transgression" (Derrida). Sans surestimation non plus, qui vise toujours à se substituer, dans son apparente exigence immédiatement politique, aux masses en lutte.
"Serions-nous aussi d’accord pour admettre qu’il n’y a pas de prise de parti effective et efficiente, de véritable force de rupture, sans analyse minutieuse, rigoureuse, étendue, aussi différenciée et aussi scientifique que possible ? Du plus grand nombre de données possibles, et des données les plus diverses (économie générale) ? Et qu’il est nécessaire d’arracher cette notion de prise de parti à toute détermination en dernière instance psychologiste, subjectiviste, morale et volontariste ? " (Derrida).
8. Notre pratique est et sera militante, de liaison aux masses et de diffusion des idées révolutionnaires. Notre pratique est et sera d’alliance en vue sans équivoque d’un "front uni dans le travail culturel" [14]. Notre pratique est et sera de production d’analyses et de fictions, dans le langage. Notre pratique est et sera d’écriture dans la lutte politique.
". . . dans la tâche révolutionnaire que nous assigne l’histoire, la lutte pour la démocratie joue le rôle principal, essentiel". (Mao Tsé Toung, 7 mai 1937).
[1] Cf. Pleynet, sur Malevitch : "Confusion historique, connaissance incomplète du travail sur lequel les influences se greffent, anachronismes théoriques, produisent une précipitation avant-gardiste dont les effets en bien des points prémonitoires n’en restent pas moins pour autant pris dans le tissu de contradictions qui les déterminent. Ainsi, à partir de ses grandes œuvres suprématistes, Malevitch va-t-il se consacrer à un travail théorique particulièrement élaboré et où il se trouve amené à questionner la plupart des concepts mis en place dans l’histoire de la peinture (artiste, œuvre, auteur, forme) ; mais et c’est bien là me semble-t-il une des conséquences inévitables de la précipitation avant- gardiste, ce retour théorique sur la peinture s’accompagnera d’un abandon de la pratique picturale.
[2] La Nouvelle Critique, revue officielle du Parti Communiste Français, ndr.
[3] Comité Central d’Argenteuil : réunion publique du PCF, le 13 mars 1966, ayant déterminé la ligne officielle du Parti sur les questions idéologiques et culturelles, ndr
[4] "Le Renégat Kautsky" (sur la question de l’alliance avec "toutes les couches non-monopolistes", y compris les petits-patrons, quand les militants de base en arrivent à surenchérir, à faire du zèle voir p. 287, Lénine, Oeuvres Complètes, tome 28).
[5] ibidem, p. 285.
[6] Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, communément appelée aujourd’hui Révolution Cutlurelle Chinoise, ndr.
[7] AIE : Appareils Idéologiques d’Etat. Dans la philosophie d’Althusser, les Appareils Idéologiques d’Etat sont des institutions par lesquelles un pouvoir se maintient de manière non coercitive (AIE culturel, AIE familial, AIE de l’information, AIE juridique, AIE religieux, AIE scolaire, AIE syndical). Ils s’opposent - tout en les complétant - aux ARE (Appareils Répressifs d’Etat : administration, armée, police, prisons), ndr.
[8] La récente publication par la N.C. d’une notule concernant notre n° "PONGE" (TXT-3/4 n’a pas à entrer en ligne de compte, bien que l’intention ne soit sans doute pas innocente…
[9] "On sait qu’en bonne dialectique, l’union de deux individus (pour l’accomplissement d’une même tâche, par exemple) trouve un fondement dans le fait que même très opposés à certains égards ces deux individus sont des semblables. Rappelons que pour HEGEL, l’individualité elle-même est un universel, en ce sens que partout et toujours, l’individu le plus aberrant est (comme tout autre !) un… individu. Par ailleurs, selon les données de la biologie, les traits de ressemblance entre les hommes (thèse) et leurs traits de dissemblance (antithèse) sont matériellement unis (fondés qu’ils sont sur la combinaison des gènes : synthèse).
Là-dessus, voulant que l’humanité produise des rapports sociaux qui favorisent l’éclosion d’une fraternité authentique, les penseurs et écrivains révolutionnaires (athées ou non) peuvent adopter plusieurs attitudes à l’égard du mouvement vers une union valable entre les hommes".
(R. Gerbault : Le Groupe TEL QUEL et la Praxis révolutionnaire, in Cahiers Marxistes n° 10). Cette entrée en matière situait le "niveau théorique" ( !) des "approches" par un organe du P.C.B., de la lutte des classes dans l’instance idéologique, et de l’"analyse" de l’action de TEL QUEL et de TXT.
Révisionnisme, confusionnisme, aplatissements, réductions, contre-sens … il ne restait à TXT d’autre alternative que de "reprendre" l’auteur de ces lignes ainsi que l’appareil où il se produisait, pour leur opposer une mise au point radicale. En effet, habituel suiveur du P.C.F., le P.C.B. se livrait ici à la surenchère réactionnaire. Proposer aux lecteurs de ces Cahiers une telle "pensée" politique et théorique relève simplement de l’imposture.
[10] textes d’ouverture de TXT-1 et de TXT-2 , ndr.
[11] cf. TXT-3/4, "Ponge aujourd’hui" , ndr.
[12] "Ponge et le matérialisme" (exposé-débat, Caen, 26 janvier 1972) Voir aussi de Christian Prigent "Pour une poétique matérialiste" (à paraître dans Critique)
[13] En octobre 1971, Tel Quel rompt avec le PC et prend publiquement position contre lui, accusé de dogmatisme et de révisionnisme. Le mouvement sera rebaptisé "de juin 71", le numéro de Tel Quel sur la Chine ayant paru à cette date. La mort du militant maoïste Pierre Overney, abattu par un vigile de l’usine Renault de Billancourt, accentuera cette position, ralliée par TXT. ndr.
[14] "Le front uni implique deux principes : le premier, c’est l’unité, le second c’est la critique, l’éducation et la rééducation". (Mao Tsé Toung, 30 octobre 1944)