Numéro 5 (1972))

Limites du travail sur le phonème dans la pratique scripturale

par Jean-Luc Steinmetz

1.- Le signifiant : "image acoustique" (Saussure) [1] dans la constitution duelle du signe. Quoique nécessairement compris dans le travail de fiction, on s’est employé à l’obnubiler, à ne pas considérer ses effets, sans doute en raison de l’arbitraire même du signe et de la primauté accordée à la signification, au signifié. A maintenir pour le temps d’une démonstration la distinction prose/poésie, nous constatons que la poésie mettant moins l’accent sur l’axe syntagmatique du langage s’est toujours préoccupée davantage de l’axe paradigmatique, métaphores, équivalences, similarités [2]. Le travail au niveau sémique de cet axe aboutira à l’idéologème des correspondances, de l’analogie (symbolisme, surréalisme) cherchant plus spécialement à amortir les contradictions conceptuelles. Par ailleurs, le rapprochement des noms (des signifiés) se fait aussi — et surtout - grâce a des équivalences phoniques (seconde articulation du langage) plus immédiatement matérielles (sonores et mesurables) soit dans le rapport des quantités soit dans le rapport des sons soit dans le rapport des intonations [3]. Si, mécanistement, il y a bien ici une extension du principe métaphorique ; si, idéalistement, cette alliance et cette conciliation entre deux ou plusieurs signifiants a pu ouvrir la voie aux discours précritiques sur la poésie en tant que lieu de l’harmonie retrouvée et de la non-contradiction [4], nous pensons au rebours que ce type de rapprochement le premier a renforcé la contradiction (à l’inverse de la justification idéologique qu’il développait) et qu’il montrait alors, par la contradiction de sens existant entre les signifiants rapprochés, les bases pulsionnelles du signifiant.

2.- Le rapport entre deux signifiants semblables (homophonie) manœuvrerait après-coup une homologie. L’homophonie gouvernerait la synonymie. Ainsi, une étude du langage montrerait que certains ideologèmes [5] viennent intimement aussi de certaines habitudes de liaisons signifiantes faites dans ce langage (une langue déterminée) - comme si, automatiquement, (l’automatisme de l’écholalie) tel mot en interpellait tel autre, que d’ailleurs, la plupart du temps, la logique du discours cohérent, faisant confiance au seul signifié, s’empresse de filtrer pour des questions de communication, principe de réalité s’opposant alors au principe de plaisir. La prose, langage de la philosophie [6] par exemple, évite plus ou moins de telles rencontres : Elle les estime fortuites, alors qu’elles manifestent son désir. Qu’elles apparaissent de nouveau aujourd’hui dans le texte philosophique signale bien une tentative d’ek-stasis du concept (ni mystique, ni mystifiante), l’avènement toujours différé/se différant de la différance [7] (la trace, le pli, le pharmakon).


3.- Genres : l’écriture carnavalesque permettrait d’abolir les genres [8]. Sortie des cadres fixés rhétoriquement pour telle ou telle représentation. Mélange des représentations, mais alors, qui les représente ! … "Sur la scène généralisée du carnaval le langage se parodie et se relativise, répudiant son rôle de représentation (ce qui provoque le rire), sans arriver pourtant à s’en dégager." (J. Kristeva) [9]. Intervention dans la prose de passages en vers — c’est le propre de l’ancienne satura ou de la ménippée. Cette formation d’écriture pratiquant le mixage des genres ne parvient cependant pas — et là serait l’essentiel — à les déconstruire (critique et déplacement positif) [10] faute de définir à quoi répondent ces conventions scripturales. Elle les oppose, joue avec les différents interdits qui les patronnent, mais ne relevant pas de quelle idéologie naît le genre, elle le réinscrit en l’hypostasiant, en formant l’Ambivalence et elle donne lieu précisément au carnaval tant scriptural que social, définissable par des rites et certains interdits (les retournements théâtralisés de l’interdit). Le Carnaval, multipliant les compromis avec les différents genres, même s’il détruit les plus suspects par le rire ou la parodie, s’inscrit dans un révisionnisme littéraire — à moins que, n’intégrant pas délibérément leurs distinctions, il n’instaure dans le champ littéraire un terrorisme foncièrement idéaliste.

4.- Substituer au carnavalesque rieur — le signifiant y est manœuvré pour atteindre à un effet comique, soumis alors à la maîtrise de l’écrivain qui veut provoquer une émotion, décharge purgative, façon de catharsis - la gravi(di)té que le travail sur la langue implique. C’est à dire, sans éliminer les effets secondaires, comiques ou parodiques, songer surtout à un effet non plus idéologique, mais gnoséologique, la fonction de dérision devant par exemple servir à un travail de réajustement non plus alors uniquement programmé par le texte, mais du coup effectivement produit par lui. Dans cette ligne, dans cette phase, ce sont moins des ouvrages de littérateurs qui s’offrent comme réflexions d’une telle pratique que des ouvrages de "connaissance", de théoriciens, par exemple, les thèses sur Feuerbach, le Ludwig Feuerbach, l’Anti-Dühring, d’Engels, Philosophie de la Misère et Misère de la Philosophie, La Sainte Famille, de Marx, Matérialisme et empiriocriticisme de Lénine. Dérision donc à effet gnoséologique, ironie matérialiste dialectique réinsérant les arguments de l’adversaire, de l’autre pouvoir afin de les mieux détruire. [11].

Pas davantage n’oublier ce rire désacralisé (au double sens de sacer) à quoi Nietzsche, Bataille, Artaud nous introduisent, rire mortel, instigateur même de la contradiction et tout entier différance, Unheimliche [12], celui de la tête de mort, celui du supplicié chinois que, bien entendu, il ne s’agit pas de décrire, mais qui inscrivent dans le concret-réalité un tremblement qu’il conviendrait de trouver dans le concret de pensée [13], une alternance, ce même tremblement qui joint par une série de sens successifs (comme de coups de dés) le sens d’un mot primitif au sens qui le contredit [14] et qui, du coup, ne montre ni le non-sens ni l’infinitude des sens, mais le mot lui-même comme lieu de contradictions maintenues.


5.- Travail sur le signifiant dans tout texte (et à l’insu, ou vérité alors qui se lirait à travers les tranches de savoir) [15] - la distinction Prose/poésie étant abolie. C’est toutefois par un travail sur le saturnien que Saussure parvient à le mettre en valeur, lui donner ses lettres, hypogramme, anagramme [16]. On sait alors ses hésitations… et bon nombre de linguistes qui ne tiendront plus-pas compte de "l’erreur de Saussure", parce que "chacun pourrait retrouver dans un texte ce qu’il y voudrait". Mais la démonstration est là-même chacun pourrait écrire dans un texte ce qu’il (y) désirerait par delà ce qu’On penserait y mettre (au delà des dimensions "réelles" du pénis). C’est en ce lieu que ne peut qu’intervenir la psychanalyse (qui manquait à Saussure, comme elle fit défaut à Bakhtine). Le refus chez les linguistes de prendre en considération l’anagramme correspond à une attitude de spécialistes, jaloux de leur métalangage et incapables de l’informer par les concepts d’une autre science [17].

La découverte de l’anagramme tient sa place parmi celles qui ont porté le coup le plus décisif à une conception du "créateur", d’un sujet plein, homogène, producteur de textes. L’anagramme manifeste la trace de la signifiance [18] dans la chaîne des signifiants, le "fading" du sujet. Comme tel, il propose une écriture qui double celle du sujet "stupide" [19]. Ce n’est donc pas, comme l’ont cru les surréalistes, quelque intériorité du sujet qui pourrait s’exprimer dans des conditions bien précises, à savoir celles requises par l’écriture automatique [20] ; c’est l’endroit même de la division du sujet, le lieu de la Spaltung qui lacunairement sera tout entier audible ou lisible dans la chaîne des signifiants, mais comme signifiance-propagation du signe, "Un cygne d’autrefois se souvient que c’est lui.. ." Rien ne s’exprime donc, mais tout se produit en "pointillé".
"Rien n’aura eu lieu
que le lieu."
Mais l’inflation du signe carnavalesque est venue contradictoirement d’une hypervalorisation d’un travail anagrammatique où le scripteur en permanence tente le jeu de mots, alors qu’il importe que ce jeu de mot soit effet, dans la mesure où il entre parmi les formations de l’inconscient (formations dont, bien sûr, les spécificités doivent être retenues). Il ne saurait être question de réinvestir l’anagramme dans les textes en le formalisant — ce qui, à la limite, nous ramènerait aux tentatives des rhétoriqueurs, à un unique souci portant sur le signe arbitrairement éclaté et arbitrairement ludique dans un texte — mais consciemment choisi au départ à des fins fonctionnelles.

6.- Le travail concentré sur l’unique aspect phonique du mot est le risque marqué d’une certaine production actuelle - production narcissique, retournée sur elle-même, précisément identificatoire.
Il a pu être le moment d’une pratique matérialiste de l’écriture, la première étape mécaniste se fixant bien entendu sur l’élément le plus apparemment matériel de la langue, le mot. Ce mot, du reste, peut être conçu comme unité idéologique. Il n’est que de voir le discours notoirement idéaliste qui se joue autour de cette unité minimale du texte : soit le mot choisi comme lieu de la signification en tout oubli de la syntaxe et renvoyant à un système oppositionnel étroitement binaire où les couples sémiques relèvent d’une dialectique idéaliste (formelle), soit le mot subsumé dans une chaîne thématique où, une fois encore, le Cs-Pcs l’emporte au mépris des formations symptomales. [21]
Il était juste d’opérer ce retour à l’instrument primitif (et plutôt au nom qu’au monème), puis aux éléments constitutifs de ce matériau (phonèmes). Mais ce retour continué ne pouvait être que satisfaction narcissique, complaisance pour les jeux de l’enfance dont, il est vrai, nous verrons l’importance langagière. Le risque en a été cependant la mise au point d’une poésie "linguistique", essentiellement formelle, croyant naïvement que la vraie matérialité du langage consistait en unités de première ou deuxième articulation et délaissant dès lors, comme dans une certaine méconnaissance de Freud aujourd’hui, la dynamique pour la topique.
Que ce retour soit fait, soit, mais pour un détournement. Marquer par exemple l’inconscient dans les éléments minimaux de la langue, comme a tenté de le faire Y. Fonagy dans Les bases pulsionnelles de la phonation, et réinscrire cela dans la fonctionnalisation textuelle [22].

7 - Le mot d’esprit et ses rapports avec l’inconscient. Ouvrage mal lu, occulté par la Psychopathologie de la vie quotidienne. Esprit, comique, humour. A. Breton se sert essentiellement de l’humour qu’il transforme en humour noir. Il s’attache surtout à ce qui différencie l’humour du comique et du Witz : le sublime et l’élevé. Dont actes. [23]
Le mot d’esprit, manifestement carnavalesque, est un symptôme à l’égal du rêve, du lapsus, de l’œuvre d’art. Mais précisément il se réduit à un mot. Or, ce qu’il faut retenir, ce n’est pas tant le catalogue des mots d’esprit — les histoires juives, par exemple, que collecte Freud — c’est observer comment il se produit. Procédés, typiquement linguistiques là, de déplacement (intérêt déporté sur un détail secondaire), de condensation (mot porteur de plusieurs sens ou plusieurs mots pour un seul sens). Le refoulé parvient à être dit. Il est dit à la faveur d’un masque (per-sona), d’une ambiguïté, d’une équi-voque. Le raccourci, l’ellipse du mot d’esprit - le laconisme - provoque une économie psychique et y ajoute une prime de plaisir. Ce qu’on n’osait dire se trouve être dit — autrement, par l’Autre. Or, il n’importe pas de dire l’interdit, il importe de le transgresser. Il est donc insuffisant de noter, dresser le constat du refoulé — "qui se mettrait à parler". Il faut être à l’endroit même du lèvement de la censure (et non de son élévation : sublimation), au lieu de la résistance et de sa fracture — qui est précisément le lieu de l’écriture traçante (via-rupta). [24]

8.-La question que pose le dire de l’interdit est une question de béance, celle de l’Autre et de l’entre (Lacan, Derrida) [25]. Partant, d’une béance présentée comme manque-à-jouir, attendant le Nom-du-Père. . . [26] Lieu d’une castration qu’il s’agit d’effacer, y apportant dès lors ce que l’on se reconnaît avoir (le style). Lieu par ailleurs angoissant où, pour peu qu’il soit reconnu, pèse la menace castrante du Logos. Le carnaval lève l’interdit pour un temps (inversant les valeurs, mais les retrouvant ainsi), et son exception est bien confirmatrice d’une règle qui détermine cette anti-règle. Ainsi, du mot d’esprit qui, par exception et sous un masque et eu égard aux us, parvient à formuler le sexe, l’illégal, le subversif … par la façon dont cela est permis. Mais il accorde ainsi seulement un répit à la formulation légale à l’intérieur de laquelle la procédure de son illégalité est comprise.
En face de cela, une fête inséparable de la révolution, intégrant alors la pulsion de mort et non plus simple champ de jouissances normalisées.

9 - La nécessité d’un travail sur l’aspect phonique du mot ne saurait être perdue de vue, importance manifeste (au sens fort du terme) du signifiant ; mais la concentration d’un effort sur ce point serait inopérante à long terme. Il n’est guère possible d’entrer dans une continuité carnavalesque, dans une perpétuation du rire, dans la systématisation du retournement. Dans ce cas, la prime de plaisir entre en contradiction avec le désir du sujet et la fabulation narcissique élimine alors un certain aspect pulsionnel. Cette continuité suspecte, en certain cas assimilable à la logorrhée, est nettement discernable dans le psittacisme automatique surréaliste. Le problème de l’ECTRITURE ici restant entièrement à penser, face à une parole immédiate qui livrerait en toute innocence le "tréfonds" de l’être [27]. Continuité du carnavalesque qui ressemble à une surenchère, prolifération des signes se produisant en toute ignorance de leur traversée. Multiplication du Même, placé la tête en bas, type de renversement mécaniste, alors que face à l’écriture carnavalesque, l’écriture textuelle propose à partir du renversement l’inscription dans une nouvelle problématique. [28]

L’idéologie de la classe dominante alors, la bourgeoisie, est repérable dans le concept de signe tel que Saussure l’a défini — en tant du reste qu’objet d’une nouvelle science à constituer, la sémiotique. Ce concept marqué par la dichotomie Sa/Sé indique du même coup les lieux où doit se porter le travail du scripteur, soit l’ensemble Sa/Sé, soit plus particulièrement Sé (prose), soit plus particulièrement Sa (poésie). L’écriture carnavalesque a mis dans la prose un accent net sur le Sa, considérant du coup un dialogue, un dialogisme entre les faces du signe et même programmant de façon différente l’algorithme saussurien

Sa – Sa – Sa – Sa, etc.


Sé_______________

Si elle a bien vu l’importance de la multiplicité des signifiants par lesquels se produit un signifié toujours mouvant, elle a rarement songé à remettre en cause ce signifié lui-même, le considérant toujours comme le Contraire transcendantal, l’Anti-Loi (qui n’est pas le Désir). Par le fait même que le carnaval exprime le contraire, d’une part il ne produit pas réellement, mais décalque, d’autre part il passe à côté de la contradiction pour l’avoir hypostasiée.
Le travail qui se propose à nous aujourd’hui ne peut passer que par cette critique du seul travail sur le signifiant (phonique) et de l’hypervalorisation du Contraire, qui du coup n’inclurait plus l’alternance des contradictions [29]. Il est en rapport direct avec le vacillement idéologique qui programme de plus en plus (au moment même de l’inflation (des) linguistique(s) dans l’Université) une critique du signe linguistique où les rapports Dominant/Dominé sont nettement lisibles et traduisent l’incapacité d’une dialecticité entre ces termes, d’où les formalismes les plus aigus, les structuralismes les plus étroits. En fait, littéralement, il ne saurait y avoir de "transformation d’un matériau donné" (ici langage) que dans le traversement, l’effet de traversée donnant au signe non plus structure de feuille ou de pièce de monnaie, mais de volume (cf. le pilier, la colonne) [30]. Il s’agit bien maintenant de penser à l’interaction des deux faces opérationnelle du signe comme l’indique Lacan en reprenant le schéma de l’algorithme saussurien, mais en insistant sur la barre, lieu de résistance (Spaltung) divisant le sujet [31] "Tout signifiant représente le sujet pour un autre signifiant".

Ce n’est donc pas atomiser le signifiant qui importe, c’est de l’établir en "liaisons-avec", de le coordonner, puisque c’est dans la chaîne des signifiants ainsi traçante que va se dessiner la signifiance jamais saturée, cette signifiance n’étant pas un sens plein qui s’enrichirait à mesure que l’écriture avance, mais une anaphore, une désignation ’’en éclipse’’ de "l’objet fondamentalement perdu" [32], "l’hétéronomie du symbolique" [33], en dernier lieu le désir qui dure jusqu’à la mort — et se manifestant par le père mort, le Nom-du-Pére, la lettre en tant qu’elle tue le designatum.

10.- Le travail sur le Sa pose le problème gnoséologique de la dualité du signe. Pour parer à cette dualité, établir des hiérarchies entre Sa et Sé, Jakobson, Pierce proposent des termes plus précis, distinctions catégorielles : Icône, Indice, Symbole [34]. J. Kristeva aborde le problème de la seule façon qui ne néglige pas le développement mutatif des idéologies [35]. Elle considère que l’approche de la langue (du mot) a varié selon la prégnance de l’idéologie dominante, donc de la classe dominante. Idéologie du symbole jusqu’au XIII siècle, puis idéologie du signe ; ces idéologies — comme dans tout type de civilisation "à écriture" étant à mettre en rapport avec la lettre en tant que figuration scripturale. Le symbole renvoyant à un monde extérieur, stable, et pour sa part n’ayant pas sa cohérence en lui-même ; le signe étant élément d’un système qui se suffit à lui-même et productif. Mais ce système reproduit à l’intérieur de l’espace qu’il crée les dominations de classe. Il est marqué par une hiérarchie et des valeurs. Au moment où se trouvent contestées cette hiérarchie et ces valeurs dans la société, il est normal qu’apparaissent, d’abord le dialogisme, le carnavalesque (assimilable au matérialisme mécaniste, mais pouvant donner lieu au compromis de classes — le dialogisme contient toutes les idéologies) puis, au delà de ce dialogue où le pouvoir est contesté (mise en position inférieure du Sé), une transgression selon les lois d’une logique matérialiste dialectique en train de se constituer (dans un perpétuel mouvement practico-théorique) [36]. Seule compte alors l’interaction. Il ne s’agit pas de remettre en causé le Signifiant — manifestement matérialiste au simple niveau empiriste —, mais le Signifié dont la valeur transcendantale imposerait la maîtrise du sens, ce sens fût-il son retournement. Signifiance donc ; le sens insiste dans la chaîne des signifiants, mais "aucun des éléments de la chaîne ne consiste dans la signification dont il est capable au moment même." [37] Il serait donc faux et abusif de contester un travail sur le Sa sous prétexte qu’il ne serait que parcellaire et n’aboutirait qu’au jeu de mots (démembrement phonétique, rapprochement fortuit de mots selon une sorte de nostalgie de l’image surréaliste) ; mais il est essentiel de considérer que le Sa (matière) est mouvant, mouvement ("la matière pense", Lénine) [38] et que cette motricité se manifeste dans l’effet de jonction des signifiants nommé "syntaxe"" [39]

11.- Le mot d’esprit réintroduit la primauté du sens en un point. Sens dans le non-sens. Il est donc incapable, à moins de se multiplier et de se disséminer dans un mouvement anaphorique, de penser, d’opérer en termes de signifiance. Dans la mesure où cette formation de l’inconscient porte essentiellement sur le mot, elle nous présente un résultat (mot transformé), un produit, elle élude la transformation. Elle offre à nouveau une œuvre. Il conviendrait aussi d’éliminer ces petits textes où fonctionne sporadiquement une esthétique de la surprise excitant la partie la plus consciente du désir, ces rhapsodies de trouvailles cherchant l’effet. Comptent à vrai dire la permutation, la productivité, et selon les axes du langage syntagmatique, paradigmatique, probablement "plus archaïques dans la mise en place du sujet [40]" Non pas nier le Witz, mais inscrire son archéologie dans les strates textuelles.
Genèse du Witz : l’enfant, héritier de la langue maternelle. Période de jeu avec le langage (à un moment où "je" n’existe pas, où c’est d’abord "je" en tant (entend) que "il" parlé par les parents qui existe). Glossopoièse, comme il jouait avec le sein de la mère, objet-partiel ; maniés sous la langue les phonèmes (correspondant aux phases de la sexualité infantile dans leur acquisition, cf. Fonagy). Il ne s’embarrasse pas alors d’un sens, étant tout entier au principe de plaisir, contre (prés de) la mère dont il peut jouer ; il considère les mots dans leur matérialité phonique, le "patrimoine dans son expérimentation ludique" [41] (Freud) - comme il reconnaît l’objet partiel, le phallus manquant de la mère. Le Logos, tiers (Raison, Père) assurant la communication sociale - et non plus duelle - patronne de plus en plus le langage d’abord donné par la mère (encore traité affectivement) et le moule selon le principe de réalité, l’accordant au réfèrent par la médiation du Sé introduisant l’arbitraire du signe. A ce moment le sujet se trouve impliqué non plus dans l’éparpillement du langage, mais dans les restrictions du sémantisme et les lois de la grammaire, sujet, du coup, de la compétence (Moïse apporte les tables de la Loi). C’est un retour vers la mère, dans la sinuosité du giron maternel, que tente la poésie idéaliste lorsqu’elle insiste sur le goût des mots (comme du lait) [42] qu’elle retrouve, un ensevelissement foetal en fait assimilable à court terme ni plus ni moins à une mort du langage. D’où les thèmes inévitables, si l’on se place dans ce cadre, de l’amour, de la mort (cf. Les trois coffrets, de S. Freud) [43], relevant tous en fait de cette nostalgie initiale. Balbutiements alors ou tirades du foetichisme [44], tout cela cependant proféré dans la langue léga/logolisée, celle du Père investissant de son symbole, Nom, la mère convoitée. Ainsi, la mère ne serait touchée que par l’enfant (et son langage et son maniement des phonèmes). Plus tard, Je 0 est oublié, Je 1 parle. "C’est dans le redoublement du sujet de la parole que l’inconscient trouve à s’articuler." (Lacan) [45] Chez l’adulte, le jeu langagier peut réapparaître, essentiellement à la faveur du Witz ou du lapsus linguae, mais alors sous forme parcellaire, non généralisée et pour dire, en offrant une prime de plaisir qui en désamorce le scandale, ce qui ne doit pas être dit. De plus, le mot d’esprit est prémédité, essentiellement social — ce qui le distingue de presque toutes les formations de l’inconscient. [46]
Witz : détente, puis reprise du sens. En face, le lapsus, non intentionnel, qui peut faire rire à l’insu de celui à qui il "échappe". On ne sait pas immédiatement ce qu’il exprime et l’interprétation en est aussi délicate que celle du rêve. Ce qu’il exprime est dans l’histoire du sujet (du sujet se constituant comme tel) et l’histoire du sujet ne se dit pas selon la signification, le sens. SIGNORELLI.

12. La langue maternelle. D’une part, la mère léchant ses petits, le langage hypocoristique. D’autre part, les lèvres pressant le sein, la langue s’y appliquant. Et, intra-utérin, le fœtus pompant. Langue maternelle aussi devant se lire comme le phallus de la mère, absent, plus tard prenant le nom du père. Sa majeur, procès de symbolisation. C’est à ce niveau que le Signifiant doit faire l’objet d’un travail, non plus en tant qu’il est uniquement matière phonique, mais comme élément fondamental de la symbolicité.
En raison de l’intime désir qu’il a de sa mère, Wolfson refuse de (la) toucher, d’utiliser le langage maternel ; il le corrompt, invente un langage neuf composé de mots de langues étrangères [47] ; A lire ailleurs les tentatives (tentations) de former un nouveau langage par corruption du langage maternel "logolisé", correspondant alors à la reformation du langage affectif. A ce niveau la création d’une autre langue serait manifestement inopérante (conduite psychotique, mais "l’écrivain sait la psychose" (Kristeva) [48]. Ne tenant pas compte de l’interdit, pratiquant la forclusion du Nom-du-Père, elle ignorerait les résistances par lesquelles parle le sujet (dans la schize) et se situerait délibérément hors circuit, de l’autre côté du langage de la Loi. Mais la véritable transgression peut se faire dans la pratique textuelle (au lieu de jonction de la lutte des classes — inversée : idéologie, et de l’expérimentation scientifique, et produite par un sujet scindé) qui tient compte de la matière de l’interdit. La véritable transgression peut se faire tout en maintenant l’interdit par une "corruption du symbolique", (Kristeva) [49]. Moment de la traversée dialectique de la mère. A ce niveau, renvoyer à la corruption/perversion du langage par l’enfant, "pervers polymorphe". Ce qui est fait alors aux stades de la sexualité infantile peut-être ensuite retrouvé, continué par une pratique liée à une théorie déma-s-r-quant le langage ne pouvant plus jouir — la Loi promulguant l’interdit —, occupant l’entre de l’inter-dit non pas selon une nouvelle plénitude, mais le procès même de la signifiance.

13 - Travail sur l’inter-dit. C’est à dire montrer ce qui passe entre les mots non plus seuls choisis comme unités de significations. Montrer, désigner dans un geste anaphorique (où l’écriture aurait à se souvenir d’autres techniques de la trace, les procédés de mancies numératrices, le Yi King, le compte sur les doigts, le quippo [50], où de même elle devrait penser à la kinésique [51]) la lacune qui sépare aussi bien qu’elle raboute les mots activant le texte. Non pas découvrir un secret, ni manifester un envers que les mots ne contiennent pas, mais penser à leur distribution dans une productivité, un mouvement qui est le passage germinatif du génotexte au phénotexte. Ce qui est entre les mots, pour être le blanc [52], n’en est cependant pas rien.

Il importe de travailler non pas le non-dit (qui serait alors l’ineffable), mais l’entre qui sépare les dits, lieu de leur articulation où opère aussi avec force la lecture selon ce problème de la ponctuation souvent évoqué par Lacan : "Je pense : "donc je suis" [53]. Lire la barre entre le sujet de l’énoncé et le sujet de l’énonciation, reprendre et remarquer dans un texte évolutif cet espacement, se livrer alors dans un déplacement théorique au démasquage de la langue marquée par l’idéologie et ponctuée par le sujet clivé.

14 - La langue, non élément de la superstructure mais base [54]. Mais "le langage … sous certaines conditions est lui-même un effet travaillé de la contradiction objective." (Sollers) [55] A comparer avec "… dans des conditions déterminées les rapports de production, la théorie et la superstructure peuvent à leur tour jouer le rôle principal". (Mao Tsé-Toung) [56]. La théorie — ou, dans ce cas, une écriture inscrivant sa théorie dans/par sa pratique. La pratique signifiante textuelle par exemple étant aussi une lecture, l’intertextualité modifie objectivement une écriture antérieure (non seulement citations, mais prélèvements) et promeut ainsi une écriture déconstructrice dont la fonction peut être également une modification des rapports de communication (écrits, puis oraux). Il ne s’agit pas ici d’une parodie qui cesserait, une fois le rideau tombé, mais, sur la scène de l’écriture, d’une perpétuelle remise en cause du texte antérieur. Cette remise en cause, parce qu’elle serait lecture de l’idéalisme dans la matérialité des textes antérieurs ou la relance d’un matérialisme encore mécaniste, [57] serait nécessairement formatrice d’un nouveau texte transgressif. Ce mouvement matériel implique une avancée en son lieu et place de la théorie et la succession à la parodie d’un nouveau théâtre où sera réellement reconsidérée la théorie du reflet, indiquant notamment que le reflet en tant que processus [58] doit s’indiquer dans sa programmation même du texte, texte ayant pour fonction en passant par le sujet (et son inconscient) de mettre en signes l’idéologie muette en elle-même [59].

15 - Mais aussi, il faudrait arriver au passage sur l’autre scène. Le carnavalesque est caractérisé par l’inversion du sens, le retournement. Le sens mis la tête en bas (nonsense, nef des fous, esclave-roi, etc . . .). Mais de fait il se borne à nous présenter un autre dit (la bouche anale, contrepet ? ), il manque l’entre. C’est dans et par l’entre que se fait la transgression, qui est passage au travers dans une progression. Absence de productivité du carnaval. Simplement le miroir qui inverse. Il faut non pas regarder le miroir qui totalise, rend homogène imaginairement (stade identificatoire), mais le traverser. Trans-crire. D’où aussi, encore, l’inter-textualité.
Sur l’autre scène. Travail par condensation, déplacement, jeu des symboles. "Les mythes sont des satisfactions symboliques dans lesquelles le regret de l’inceste s’épanche", (Freud) [60]. Mais de même s’interroger sur la temporalisation (par l’analyse — et interminablement — on redonnera à ce passé un présent, un fautemps [61]. Sens contradictoires du mot primitif, écriture hiéroglyphique, écriture qui pense son tracement et n’est plus cette seule transparence du phonogramme ; assomption des formations de l’inconscient (V(em)erge), "lieu fait de contradictions" [62]. Ici donc passage de la topique à la dynamique. Passage des mots (ou de leurs constituants) à la génération de complexes signifiants où, une fois de plus, c’est le mouvement, la ponctuation et l’espacement [63] qui importent. Ainsi d’une œuvre, Mallarmé. La réflexion sur la constitution des "Mots anglais" aboutira par un détour générateur au travail sur le complexe signifiant, Un coup de dés jamais n’abolira le hasard [64], en calculant l’essaimage du titre, la phrase primaire pervertie dans/ par le volume. La mise en place des actants, chaque phrase intime l’autre. Intimité gigogne des complexes signifiants. Il n’y a plus jeu de mots cantonné dans l’espace d’un dit, mais pas dans l’interdit, là où "le compte en formation", (le conte), en ce défaut, fonctionnalisation du passage et posturation d’une nouvelle ponctuation, rythmique pulsionnelle. Le dé-lire [65] qui s’enroulerait à lui selon le mouvement même du feuillettement du volumen.

16 - La critique que nous avons faite du travail portant sur le signifiant conçu du seul point de vue de la linguistique, c’est à dire comme matière phonique, ne pouvait qu’être doublée par la réinscription du signifiant dans la théorie psychanalytique. Mais, pour autant que nous avons signalé cette réinscription, nous savons cependant que c’est de sa particulière méconnaissance qu’a pu naître une certaine écriture aveugle (castrée), aveuglée d’abord par les pouvoirs du jeu de mots, la permutation inlassable des phonèmes, le mot considéré comme unité matérielle du langage, aveuglante surtout par ses effets idéologiquement idéalistes sur le lecteur, alors qu’elle prétend à des effets contraires. En raison de cela, en ce point manifeste, nous voulions intervenir contre un travail mécaniste, un jeu d’intellectuels petit-bourgeois que l’idéologie récente qui s’est développée autour du "Carnaval" (et nous entendons bien que ce fut notre cas) a tendu de plus en plus à développer. Nous considérons qu’un tel éclatement de la langue légale est utile, mais tout travail qui s’en tient là ne peut que manquer le jeu même entre les pulsions qui doit être analysé dans le texte en train de se constituer, transposé et réinscrit. A ce titre, la "littérature", de plus en plus dépouillée de ses apparats idéologiques, deviendra pratique textuelle à effet gnoséologique (et non plus seulement subversif) double : connaissance des mécanismes de l’inconscient tels que les différentes formations symptomales les rendent lisibles, lecture dé-jouante du philosophique des textes qu’elle défait, dégrafe, donc en dernière instance du politique aux fins, non d’une interprétation mais d’une transformation [66].
Opposer donc au carnavalesque désormais ritualisé, devenu un "genre", une rupture textuelle continuée, irrécupérable dans les actuels A.I.E., une pratique relevant de l’expérimentation scientifique, un lieu où se forment "les idées justes" [67].




[1] F. de Saussure, Cours de Linguistique générale, éd. Payot, 1968, p. 99.

[2] Mais Jakobson précise bien que, dans la poésie, les phénomènes de similarité se trouvent reportés également sur l’axe des contiguïtés. cf. Essais de linguistique générale Ed. de Minuit, 1966.

[3] Sur ce point, cf.A.B.C. of reading, d’Ezra Pound, coll. Idées.

[4] Comme le montre l’article de Jean-Louis Houdebine "André Breton et la double ascendance du signe", in JV.C, n° 31.

[5] L’idéologème, soit "l’ensemble des éléments conceptuels eux-mêmes définissables par les relations dans lesquelles ils se trouvent les uns par rapport aux autres, ces inter-relations déterminant une fonction générale qui règle le développement du discours idéologique dans ses manipulations multiples et leur assure sa cohérence relative (névrotique)". Jean-Louis Houdebine, in Promesse n° 23-24, p. 43.

[6] cf. Jacques Derrida, De la Grammatologie, Ed. de Minuit, 1967, p. 406.

[7] "Un tel jeu, la différance, n’est plus simplement un concept, mais la possibilité de la conceptualité, du procès et du système conceptuel en général." J. Derrida, "La différance", in Théorie d’ensemble, coll. "Tel Quel", 1968, p. 44. Et "c’est la dominance de l’étant que la différance vient solliciter, au sens où sollicitare signifie en vieux latin, ébranler comme tout, faire trembler en totalité, dans "la différance"", op. cit., p. 60.

[8] "Les formes du récit conventionnel peuvent (dans une certaine perspective) être considérées comme des structures-types d’aliénation." Marcelin Pleynet, in Lautréamont coll. "Les écrivains de toujours", éd. du Seuil, 1967, p. 122. "Le texte "prend en écharpe" les instances du discours en même temps que les "genres" ; il ne fait l’anamnèse de 1’ "histoire littéraire" qu’à force de procéder à une analyse du lieu de l’énonciation dans l’élément même de la langue." J. Kristeva, "Comment parler à la littérature", in Tel Quel n° 47, p. 43.

[9] J. Kristeva, Séméiotikê, coll. "Tel Quel", 1969,p. 161.

[10] "… opérer à la fois une déconstruction de renversement et une déconstruction de déplacement positif, de transgression." J. Derrida, "Positions", in Promesse n° 30-31, 1971, p. 32.

[11] Puisqu’il faut aussi poser le problème en termes de "philosophies au pouvoir" et que rien ne saurait nous sortir, par une troisième voie illusoire, de la lutte séculaire entre matérialisme et idéalisme, cf. Engels, Ludwig Feuerbach ; et L. Althusser, Lénine et la philosophie, F. Maspéro éd., 1969, p. 42 et sq.

[12] "L’inquiétante étrangeté" de S. Freud, repris dans ses Essais de psychanalyse appliquée, coll. Idées, 1971. On verra la liaison entre l’Unheimliche et 1’ "hymen" mallarméen dans "La Double séance", repris dans La Dissémination par J. Derrida, coll. "Tel Quel", 1972.

[13] Sur le concret de pensée "connaissance" et le concret-réalité "objet de cette connaissance", cf. L. Althusser, Pour Marx, F. Maspéro éd., 1965, p. 189 et sq.

[14] "Des sens opposés dans les mots primitifs", repris dans Essais de psychanalyse appliquée, op. cit.

[15] "La vérité se fonde de ce qu’elle parle, et qu’elle n’a pas d’autre moyen pour ce faire". J. Lacan, Ecrits, éd., du Seuil, 1966, p. 868.

[16] cf. Les mots dans les mots, les anagrammes de Ferdinand de Saussure, recueillis et commentés par J. Starobinski. Gallimard, coll. "Le Chemin". 1971.

[17] Le type du commentaire borné de l’anagramme saussurien est exemplaire dans l’article de M. Ronat, in Change, n° 6.

[18] Le concept opératoire de "signifiance" est particulièrement élaboré par J. Kristeva l’engendrement de la formule" (". . . une textualité générative infinie, plurale, remplace le signifiant" (p. 303) dans Séméiotikê, coll. "Tel Quel", 1969. cf. aussi J. Lacan, passim, par exemple sur la signifiance du rêve, Ecrits, p. 510.

[19] A se reporter au schéma du Z lacanien, S y représente "l’ineffable et stupide existence" du sujet, Ecrits, p. 549.

[20] Sur la critique de l’écriture automatique surréaliste, cf. Jean-Louis Houdebine, in N.C., Colloque de Cluny II, "Littérature et idéologies", 1970, pp. 178-185.

[21] Sur la critique de la sémantique structurale, "… il devient clair à quel point le projet même d’une sémantique structurale reconnaissant le sens comme une totalité d’unités (sèmes), est mécaniste et reste à côté du travail textuel." J. Kristeva, Séméiotikê, p. 319 sur la critique de la méthode thématique en tant qu’elle relève d’un structuralisme formaliste, cf. J. Derrida, "La Force et la Signification" (sur J. Rousset) in L’Ecriture et la Différence, coll. "Tel Quel", 1967, et certaines pages de la "Double séance" concernant la méthode de Jean-Pierre Richard (reprises dans La Dissémination, op. cit.) Noter aussi dans Promesse n° 30-31, p. 14, J. Derrida dénonçant "une critique formaliste qui ne s’intéresserait qu’au code, au pur jeu du signifiant, à l’agencement technique d’un texte-objet et négligerait les effets génétiques …"

[22] I. Fonagy, "Les bases pulsionnelles de la phonation" in Revue française de Psychanalyse, janvier 1970 et juin 1971.

[23] Cf. Préface à l’Anthologie de l’humour noir, Jean-Jacques Pauvert, éd. 1967.

[24] J. Derrida, De la Grammatologie, op. cit., p. 407. Egalement, Derrida, sur le rapport écriture inceste, "Freud et la scène de récriture", in l’Ecriture et la Différence, op. cit.

[25] L’entre et l’antre chez J. Derrida. "La Double Séance", in La Dissémination, op. cit., p. 240, 251, etc…
Sur l’interdit chez Lacan, cf, par exemple (cité par Kristeva dans sa préface à La Poétique de Dostoïevski") Ecrits, p. 800. L’interdit comme "intra-dit d’un entre-deux sujets".

[26] C’est la forclusion du Nom-du-Père qui caractérise la psychose, repérable par le "déchaînement du Sa." J. Lacan. Ecrits, p. 583.

[27] Jean-Louis Houdebine, "Méconnaissance de la psychanalyse dans le discours surréaliste" in T.Q., n° 46, Eté 1971.

[28] Sur le renversement, cf. Althusser, Lénine et la philosophie, op. cit., p. 16, et sur la critique du renversement, Althusser, Pour Marx, p. 195-196 : "On n’obtient pas une science en renversant une idéologie. On obtient une science à la condition d’abandonner le domaine où l’idéologie croit avoir à faire au réel, c’est à dire en abandonnant sa problématique idéologique . . . pour aller fonder dans un élément, dans le champ d’une nouvelle problématique."

[29] Jcf. De la Contradiction de Mao-Tsé-Toung, in Quatre Essais philosophiques, Ed. de Pékin et le texte de Ph. Sollers "Sur la Contradiction" in T.Q., n° 45, Printemps 1971.

[30] J. Kristeva dans "l’engendrement de la formule", Séméiotikê, p. 346 : "Ouvert à l’infini ce poteau rituel qui a "mille pousses" symbolise la pluralité illimitée de la signifiance" et "A la surface du phéno-texte, le géno-texte joint le volume", p. 284. J. Derrida, sur la "colonne" dans La Dissémination, p. 378 et sq.

[31] "Si ça parle dans l’Autre, que le sujet l’entende ou non de son oreille, c’est que c’est là que le sujet, par une antériorité logique à tout éveil du signifié, trouve sa place signifiante, la découverte de ce qu’il articule à cette place, c’est à dire dans l’inconscient nous permet de saisir au prix de quelle division (Spaltung) il s’est ainsi constitué." Lacan, Ecrits, p. 689.

[32] Dans ce cas, "La matière, loin de se "présenter" comme "objet a" ou comme complément dans une structure dédoublée mais homogène, la contre-dit comme dehors infini du double signifiant (dédoublement du sujet, rapport du sujet au signifiant) . . ." J. Kristeva, in T.Q., n° 44, Hiver 1971.

[33] "De cette hétéronomie du symbolique nulle préhistoire ne nous permet d’effacer la coupure". Lacan, Ecrits, p. 468.

[34] Sur ces distinctions et les précisions qui les accompagnent, cf. Jakobson, "A la recherche du langage" in Diogène, n° spécial sur le langage, 1965.

[35] J. Kristeva, "Du symbole au signe", in T.Q., n° 34, Eté 1968, repris dans "le texte clos" in Séméiotikê, pp. 116-119.

[36] C’est cette logique matérialiste dialectique sur laquelle J. Kristeva nous a donné deux textes particulièrement opérants, dans la mesure où elle pose le problème d’une articulation de cette logique avec la psychanalyse, dans "Objet, complément, dialectique" in Critique, février 1971, et "Matière, sens, dialectique" in T.Q., n° 44, Hiver 1971.

[37] J. Lacan, Ecrits, p. 502.

[38] Cité par Sollers dans "Lénine et le matérialisme philosophique" in T.Q. n° 43, Automne 1970, p. 9. Cf. Kristeva : "Si le sujet (le sens) est un moment du devenir de la matière la matière n’est pas le sens, elle est sans lui, en dehors de lui et malgré lui." T.Q., n°44,p.31.

[39] "…une syntaxe, mais où "il faut que tout/soit rangé/à un poil près/dans un ordre fulminant." Artaud, cité par Sollers dans l’Ecriture et l’expérience des limites, coll. Points, 1971, p. 103.

[40] J. Kristeva, in Langages n° 24, décembre 1971, p. 119.

[41] S. Freud, Le mot d’esprit et ses rapports avec l’inconscient, coll. Idées, 1970, p. 189.

[42] Cette insistance se faisant (alors qu’il s’agit bien de lait) par toute une série de dénégations qui caractérise son idéalisme - en face duquel situer, par exemple, le matérialisme d’Eden, Eden, Eden de Pierre Guyotat, Gallimard, "Le Chemin", 1970. Cf. Sur ce texte et son rapport avec l’Ics. "La matière et sa phrase" de Ph. Sollers, in Critique, juillet 1971.

[43] Dans Essais de psychanalyse appliquée, op.cit.

[44] "Le foetischiste, l’envers matriarqué du patriarcat … Celui pour qui l’Autre doit être bouché et maintenu coûte que coûte dans son existence fictive, garant du néant de l’autre." Sollers, in T.Q. n° 47, p. 21.

[45] J. Lacan, Ecrits, p. 710.

[46] Le mot d’esprit et ses rapports avec l’inconscient, op. cit., pp. 275-276. Cependant "Nulle part l’intention de l’individu n’est en effet plus manifestement dépassée par la trouvaille du sujet … puisque non seulement il faut que quelque chose m’ait été étranger dans ma trouvaille pour que j’y aie mon plaisir, mais qu’il faut qu’il en reste ainsi pour qu’elle porte." Lacan, Ecrits, p. 271. Reste à repenser le problème en terme d’écriture et non plus de phoné, c’est à dire en termes à la fois plus étranges et plus familiers.

[47] Cf. Wolfson. Le Schizo et les langues, préface de G. Deleuze, Gallimard. coll. "Connaissance de l’inconscient" 1970 ; cf. également la préface de Michel Foucault à la Grammaire logique de J.-P. Brisset, Tchou éditeur, 1970.

[48] J. Kristeva in Cinèthique n° 10 et encore " "Je" n’est pas un "autre", sa problématique n’est pas celle de la psychose … Ayant découvert la possibilité psychotique, il ne la vit pas". Séméiotikê, p. 353. A propos de certaines "expériences" littéraires ayant cherché à se débarrasser du concept et de la grammaire pour créer une toute autre langue : "De telles "transgressions" de type "surréaliste", visant une infinité sur-matérielle parce que au-dessus du signifiant réel de la langue, deviennent la mesure interne d’un système linguistique codifié ; en les rejetant, la langue close et signifiante indique ses propres censures, ou autrement dit, permet certains énoncés "transgressifs"(c’est-à-dire non signifiants) pour qu’on puisse lire leur non-transgressivité". Séméiotikê, op. cit., p. 299.

[49] / J. Kristeva in T.Q. n° 44, p. 20.

[50] Cf. Jean-Louis Schefer, "Sur la notion d’économie signifiante", in Littérature n° 3, octobre 1971.

[51] J. Kristeva, "Le geste, pratique ou communication ? " in Séméiotikê, op. cit.

[52] J. Derrida, in "La Double séance" repris dans "La Dissémination", op. cit., p. 282 et sq.

[53] note absente de l’édition originale…, ndr

[54] Staline, Cahiers marxistes-léninistes.

[55] Ph. Sollers, "Lénine et la matérialisme philosophique", in T.Q. n° 43, p. 9.

[56] Mao-Tsé-Toung, cité par Sollers dans "Sur la contradiction", in T.Q. n° 45.

[57] J. Kristeva "une telle position entraîne la conception de la science littéraire comme branche des idéologies."

[58] "Ainsi, dans la progression d’une lecture critique de Hegel, la notion de "reflet" laisse-t-elle définitivement place au seul concept opératoire, celui de processus, alors introducteur d’une série logique où s’inscrivent les maîtres-mots de la théorie du matérialisme dialectique que la réflexion de Lénine désigne au passage …" Jean-Louis Houdebine, "Sur une lecture de Lénine" dans Théorie d’ensemble, op. cit., p. 295.

[59] "Si l’idéologie peut être présentée comme un ensemble de significations, un ensemble non systématique, (l’œuvre) propose une lecture de ces significations, en les agençant comme des signes." P.Macherey, Pour une théorie de la production littéraire, F. Maspéro, 1966, p. 156. (Nous avons mis le mot "œuvre" entre parenthèses, faisant ainsi toutes réserves sur son emploi).

[60] J. Kristeva, citant Freud, in Critique, février 1971, p. 100.

[61] Le terme est utilisé et expliqué à propos de Nombres de Ph. Sollers. Cf. J. Kristeva, Séméiotikê, p. 335.

[62] note absente de l’édition originale…, ndr

[63] "L’espacement… est toujours le non-perçu, le non-présent et le non-conscient… L’archi-écriture comme espacement . .. marque le temps mort dans la présence du présent vivant, dans la forme générale de toute présence." J. Derrida, De la Grammatologie, p. 99.

[64] cf. tous les travaux concernant ce texte-rupture, J. Kristeva in "l’engendrement de la formule" repris dans Séméiotikê, passim, et dans Essais de sémiotique poétique Larousse, 1971, pp. 207-234 ; et J. Derrida, passim, dans "La Double séance".

[65] Le terme est risqué par André Green dans "Le déliaison", in Littérature n° 3. Nous nous bornons à ce "prélèvement", loin de souscrire aux propositions de cet article, cf. d’une façon générale sur cette tentative de N° "Littérature et (nous soulignons) Psychanalyse" la note du n° 47 de Tel Quel.

[66] XI thèse sur Feuerbach : "Les philosophes n’ont fait qu’interpréter le monde de différentes manières, ce qui importe, c’est de le transformer."

[67] cf. Mao-Tsé-Toung, "D’où viennent les idées justes ? " in Quatre Essais philosophiques Ed. de Pékin.