Une question, tout ça ? Mon œil !
Quoi ?
Oui, je dis bien : « mon œil » que tout ça est une question !
C’est pourtant une question qu’on vous pose, bon sang !
Ouais… Et même 4 questions… N’empêche !
Mais pourquoi prenez-vous la mouche ?
Je ne la prends pas !
C’est vous qui le dites !
Non, c’est vous qui l’avez dit !
…
…
Si on reprenait calmement ?
Pourquoi pas. Mais aussi, pourquoi posez-vous des questions pareilles ? C’est déjà assez difficile comme ça !
Hum.
C’est vrai quoi, on n’est pas des bêtes !
Ce coup-ci c’est vous qui l’avez dit.
Bon, bon ! Alors ?
La question était donc : « avec quel organe…
(lui coupant la parole) Est-ce que vous nagez le crawl ?
Comment ?
Le crawl ? « Crawl » ? Vous savez nager ?
Euh, oui.
Le dos crawlé, vous connaissez ?
J’ai vu ça, je crois bien. Mais vous savez…
Eh bien moi j’adore ça, le « dos crawlé ». Surtout en piscine !
Ah bon.
Quand je suis sur le dos, crawlant divinement et langoureusement comme une loutre oisive, contemplant les verrières bleues qui couronnent l’édifice, sentant l’eau qui roule sur mes cuisses, mon sexe heureux et mes oreilles emplies du vacarme qu’on entend dans les piscines du centre de Paris…
Oui ! Oui ! Alors ? Dites !
Où en étais-je ? Vous avez une façon de couper, merde !
Vous parliez de « loutre ».
Ah oui.
Et alors, que pensez-vous quand vous nagez sur le dos ?
Rien.
Comment ça, « rien » ?
J’allais tricher. J’allais vous dire que je voudrais écrire comme je crawle. Sur le dos, seul, bleu et heureux. Avec le style piscine. Loutre quoi. Mais c’est pas vrai.
Vous voulez dire que vous ne le pensez pas ?
Quand on nage, Monsieur, on ne pense pas. Mais ça avance quand même. On regarde ses pieds qui battent comme des flancs qui jouissent, on voit monter ses mains de chaque côté, alternativement, avec des coulées d’eau bleue qui en tombent.
Oh oui ! Encore !
Malheureusement ça n’écrit pas. Ça nage, c’est tout.
Que c’est beau !
…
Continuez.
Je n’ai rien d’autre à dire.
Allons donc !
Si vous voulez.
Comment ça, « si vous voulez » ?
Vous avez dit « Allons donc ». Pourquoi pas ?
… ?
« Allons-y ».
Oh, dites ! Ça va, hein !
Pas mal.
J’EN AI MARRE ! C’EST PAS BIENTÔT FINI ?
Si.