Numéro 12 (1980))

Jean TODRANI

par Jean Todrani

(…) orœil, soit. Dans oreille, il y a bouche, orifice (ou alors écrire aureille) et puis l’œil, c’est avec paupières, soit lèvre d’où déguster et encore déguster. Nous voilà à somatiser vers des organes qui se protègent si bien avec leurs sécrétions. Avec quel organe écrire ? est-il demandé ? Mais le museau issu du rhinencéphale, la gueule, au plus profond de la face, en quelque sorte derrière les affligeants camouflages de l’expression, derrière le visage damasquiné. Avec, en écoute la molle perception de tout le corps épars qui répète ses sanies pour exorciser les tranchants. (mais tout ce qui parait sanies est prodigieusement gai sous le microscope).

Ou bien : organe-langue issu de l’estomac et lancé sur le papier pour récupérer toutes apparitions comestibles (mots crus avant cuisson syntaxique) issues de moi par un autre bout. (on voit le cycle). Mais ce départ des mouvements de l’écriture, du museau ou de la langue vivace, ne sera jamais publié, dommage, on ne signale que l’effet, auquel les horreurs de l’apprentissage nous forcent. Alors que l’écriture doit ravager l’écrit. D’où universelle frayeur devant cet organe.

Quant à la lecture, si tant est qu’on y parvienne, quel organe pourrait-on déposer (afin d’y jouir) dans les épaisseurs d’un livre étranger, hérissé de parasites. Identifier cet organe pour le caresser serait détrôner le néocortex (enfin) je m’y emploie.

Quant à dormir (numéro 3) je n’y suis pas, jamais, même pas dans la logorrhée du cauchemar. même à crier. Cette voix n’est pas ma voix, elle m’est arrachée par les troubles de l’air, engloutie dans une entropie qui dure…

Certes on pourrait (on a pu) doser cet air dans une prosodie impeccable, mais où est le rythme naturel qui gouvernait cette prosodie ?

(4) Acteur encore ? cela supposerait la force de dire (la voix) de faire passer droguer, soit un quelconque pouvoir, une connaissance, ou bien, (je voudrais) acteur sans texte fors celui du corps mutilé, exaspéré d’avoir toujours à retrouver sa respiration, d’où les ruptures de l’écrit, les fragments hargneux, et son impuissance le plus souvent à remonter les courants de l’interdit.

Biologiquement la scène ne peut être qu’à l’infini compliquée. zoophilie partout.