Etudiant à Paris. A coordonné la numérisation, l’archivage et l’édition de ce site.
Avertissement : le texte dont vous vous apprêtez à lire l’introduction est un petit mémoire de Master 1. This is not Bible. Je répète. This is not Bible. Si vous deviez citer ce travail ou vous en inspirer fortement, n’oubliez pas - pour vous, votre réputation, vos amis - de le linker ou de le mentionner dans vos notes. Imaginez que j’ai pu truffer tout ça de petites inventions qui vous trahiraient - ce serait horrible.
TXT naît sur des bases idéologiques rouges, et adopte les positions maoïstes de Tel Quel dès 1972, s’inspirant aussi de son aîné sur le plan théorique. C’est une période que d’aucuns jugent aujourd’hui "théroriste", qui voit les jeunes membres de TXT prendre joyeusement part au carnaval politique et développer des réflexions singulières, pour finir, à force de tensions et de brouilles, par imploser et redémarrer la revue sur des bases moins dogmatiques. Tactiquement, TXT est pendant cette période un relais satellite de la modernité telquelienne, s’accaparant les outils d’analyse mis à leur disposition par les théoriciens proches de la revue du Seuil, en faisant un usage politique. Dans un contexte où les idéologies s’affrontent, il s’agit pour une petite revue, plutôt marginale, de revendiquer une position forte (liée à une parenté forte) : c’est le moment – ô combien contrarié ! – des premières fondations, que le groupe, réduit lui aussi à l’état de ruine en 1972/73, n’aura même pas à déconstruire…
En 1974, la publication de TXT-6/7 (La démonstration Denis Roche) marque une prise de distances avec Tel Quel. L’auteur du Mécrit a quitté la revue de Sollers en septembre 1973, et Prigent avoue avoir été attiré par Ponge et par Roche, plus que par la rigide entité Tel Quel. Mais le ralliement aux thèses maoïstes a laissé des traces : plusieurs départs, plusieurs arrivées, des arrivants qui fuient déjà, des désaccords constants poussent TXT a renaître sans ligne politique définie, sans groupe constitué, sous la forme d’une "structure ouverte", qui permettra par exemple à Steinmetz de continuer de publier dans la revue sans pour autant réintégrer le comité de rédaction. C’est le 2nd TXT, nettement moins dogmatique, mais ne lâchant pour autant ni le souci politique, ni le souci théorique : "toute révolution est individuelle", voilà qui décrispe. Dès lors, il faut "trouver sa langue" en la confrontant au réel : les futuristes russes, des écritures dites "formalistes", une attention plus générale à la production étrangère tendent à fonder la poétique-TXT, où, retenant l’héritage pongien, la poésie n’est plus un genre, mais l’expérience du "saut hors du rang des meurtriers", de l’"arrachement à la langue communautaire" ; expérience de l’irrégularité de la déviance (intérêt pour les fous littéraires) ou de la maladie (intérêt pour les "aliénés authentiques").
Les douze dernières années "tiennent" en une période : c’est la plus longue et la moins mouvementée ; elle coïncide avec un retour à la marginalité, dans le giron de petits éditeurs. Le propos de la plupart des intervenants est qu’à l’heure où l’avant-garde est déclarée morte, il faut continuer à produire du nouveau. "Le nouveau est invincible", "résister à la Restauration", "maintenir une modernité" : s’il n’est plus question de prophétisme politique, la mission que se donnent les TXT n’en est pas moins ambitieuse. C’est aussi l’époque où TXT pénètre pleinement le champ poétique (grâce aux lectures publiques de ses animateurs et à la publication de jeunes poètes), attaque l’usage répété et le recours facile aux sacro-saints "Droits de l’Homme", à partir desquels s’élabore une philosophie sans concepts nouveaux, sans apports rafraîchissants. Toutes les avant-gardes s’essoufflent, littérairement c’est le retour des "poésies gagne-petit" et du roman classique. Face à ce qui est perçu comme un renoncement, TXT refuse de lâcher l’effort théorique et la part d’expérimentation (de mise en danger) qu’exige la littérature. Cependant, le parcours de critiques et d’écrivains des piliers de la revue (membres ou non du comité de rédaction) a atteint une sorte de consécration, avec la publication d’ouvrages (chez POL pour Prigent) ou la reconnaissance de ses pairs (pour Valère Novarina) si bien que presque tous ont conquis un espace éditorial extérieur à TXT. A presque 35 ans, la revue n’est plus ni aussi nouvelle ni aussi étrange. Elle est à la fois assimilée (comme influence ou comme rejet) par de jeunes écrivains, poètes pour la plupart, et perçue par l’intelligentsia de l’époque comme ayant raté le virage postmoderne pour de mauvaises raisons (c’est peut-être cela que Christian Prigent nomme la "raideur éthique"). TXT finit par devenir un label : de passéisme et d’aigreur pour les uns, d’insoumission aux règles du libéralisme culturel et politique pour les autres, de recherches régressives autour de la question des origines pour d’autres encore, certains, enfin, récupèrent où la revue le laisse ce fantasme d’une littérature prolo, incorrecte, vulgaire et marginale ; pour ceux-là, le TXT des années 1981-1993 aura donné le ton d’une poésie incarnant le "monstrueux" et "l’innommable", l’in-montrable du corps social et individuel. Tous ces jugements sont probablement abusifs et partiaux, mais la récupération – comme modèle ou anti-modèle – est le sort de tout label.
L’aventure TXT a beaucoup duré, traversé des époques bavardes, et noirci finalement peu de pages. A raison de trois textes théoriques ou critiques par numéro (c’est une moyenne), le corpus sur lequel porte ce travail n’est jamais composé que de quelques dizaines de textes. De ces dizaines, beaucoup n’intéressent plus guère qu’historiens des lettres et de l’action politique ; les plus "actuels" ont été sauvés par leurs auteurs, remaniés puis publiés au format livre avec d’autres textes du genre (c’est le cas de ceux de Clémens et de Prigent notamment). La fiction produite au sein de la revue, aussi, a trouvé sur de plus nobles supports la place de son expression : Le babil des classes dangereuses de Novarina, Commencement de Christian Prigent, Portrait d’une dame d’Alain Frontier, Le Degré Zorro de l’écriture de Jean-Pierre Verheggen, autant de textes dont les premiers extraits ont paru dans TXT. Mieux, ils sont tous pour une part issus de l’esprit ou des réflexions qui sont nés dans ses pages ; un esprit ludique et provocateur, des réflexions formelles, austères, empreintes pour les premières d’une certaine solennité.