Culture-washing

par L.L.de Mars

 

« McDonald’s au salon du livre de Montreuil, engagé dans la littérature jeunesse »

« Le Centre national du livre se réjouit de son partenariat avec McDonald’s initié en 2017. L’enseigne contribue par son action à la promotion de la lecture chez les enfants, un engagement fort que nous partageons et qui s’est traduit, cette année, par la participation de l’enseigne à l’opération Partir en livre » assure pour sa part Vincent Monadé, Président du Centre national du livre.

Le culture-washing permet déjà depuis des années de dézinguer des quartiers vivants qui font obstacle à l’expansion des centres villes bourgeois et d’en chasser les pauvres sans heurt, sans protestation journalistique, sans remous social : les centres d’art, avec la complicité d’artistes aussi collabos qu’aveugles à leur propre fin, forment les éperons du Bien Irréfutable avant que toute gentrification n’entame son carnage urbain. Sous chaque Centre Culturel, un sédiment de clodos. Certaines villes, comme Nantes, sont devenues les concrétions aberrantes de ce ravage souriant dont plus rien ne semble pouvoir stopper l’expansion tumorale. Les habitants de la ville ne sont plus que les hommes sandwiches d’un projet culturel sans fin.

Et voici maintenant que le Centre National du Livre, éminence peu contournable du Ministère de la Culture et de la Communication, accompagne McDonald’s dans le culture-washing pour que son poison alimentaire et social soit auréolé à son tour du Bien, pour que le Grand Bien Culturel et ses fétiches s’invitent entre la piscine à bulles et la fontaine de Coke ; et le livre est encore l’archonte de toute la féticherie nationale même quand tous les signes de société invitent à le sceller à jamais et à s’asseoir dessus.

À peine chasse-t-on par la porte le clown mortifère des programmes scolaires (qui fait des ravages en bariolant plus loin des pays moins regardants), que revoilà notre fourbisseur de graisses et de sucres rentrant par la fenêtre honorable que Vincent Monadé, président du CNL, lui tient ouverte en souriant.

C’est pour les enfants, on vous dit ! C’est bien ! POUR les enfants. Pour, c’est bien. C’est des livres. C’est pas merveilleux de les ouvrir à la lecture, les enfants ? Avec un sac de frites dans le clapoir et des problèmes cardio-vasculaires jusqu’à la mort de leur cul obèse ? T’auras du temps pour lire à l’hosto, bonhomme !

Mais qui oserait se plaindre du CNL, n’est-ce pas ? Aucun éditeur, qui lui doit sa survie. Aucun auteur, trop lâches qu’ils sont pour mettre en péril la perspective d’une petite résidence ou d’une aide à la création.