Lisse, strié

à propos de Coyote pour Litteul Kevin

et de Jacques Devos pour Génial Olivier

par L.L.de Mars

 

Dès la première case, une sorte de malaise, un malaise provoqué par la revivification d’un autre vieux malaise, d’un très très vieux malaise, comme un écho terriblement retardé, me vient ; un truc de ouf. Un truc de cheveux. Mais qu’est-ce qui se passe avec les cheveux, mon dieu ? C’est comme une chose autonome sur sa tête, prête à décoller, entre le métal d’une soucoupe et la bête parasite roulée sous sa coque striée. Dès la case un, ça commence à remonter, je revois cette grosse masse jaune qui m’avait terrifié enfant, en ouvrant un Spirou chez le dentiste, un truc inimaginable, sur lequel j’ai mis des années à mettre un nom avant de découvrir que c’était ça :

Je ne sais pas vraiment ce que c’est, je n’ai jamais voulu savoir. Je n’ai jamais osé ouvrir un album. Il y avait toujours cette chose jaune sur la couverture. C’est resté à vie le truc jaune monstrueux qui se développait sur la tête terrifiante d’un... d’un petit vieux jeune lisse et gonflé qui luisait sous un spot (il y aurait beaucoup à écrire aussi sur le lisse luisant dans l’école belge. Les petites fenêtres angoissantes, sans source, sur les nez, sur les nez gonflés d’hélium). Comme une pâtisserie vivante prête à m’étouffer, un papillon redevenu chenille redevenue chrysalide. Un foutu cauchemar.

Et là, quand j’ouvre ça, Litteul (Litteul ? Il y a sûrement une raison à ce deux-té-eu-hu, sûrement, mais une nouvelle angoisse sourd des pages) Kevin, bon sang ça remonte, tout ça, le dentiste, la chenille, l’envie de dégueuler la grosse chose qui est venue bouger dans ma bouche, les CHEVEUX. C’est pas que la première case, hein, c’est partout : je feuillette fébrilement, et comme un flip book, ça s’agite, partout des masses de cheveux luisantes posées dans des cases, sous lesquelles pendent des corps crispés dans des rictus (ils ont PEUR de leurs cheveux, tu m’étonnes, ils ont commencé à être grignotés par eux, voilà la vérité, par le crâne, ils sont tétés par leurs poils collés en mottes dures). Autant vous dire que j’ai refermé cette saloperie aussi sec.