Suite kimono
de Singeon
par François Poudevigne
(1) Une succession simple de tableaux : un homme une femme (un couple ?) l’un comme l’autre en kimono. Rien n’est jamais très clair de ce qu’ils font, les situations se dérobent, quoiqu’à moitié nus ils avancent masqués. À chaque tableau la femme et l’homme se renouvellent. Rien non plus n’est vraiment situé — tantôt dedans, tantôt dehors, partout un parfum d’épique japonisant et de grands drames. Dans ce canevas d’apparence si simple s’engouffre tout un monde d’imaginaires érotiques, d’inconscients culturels, de fantasmes exotiques tronqués.
(2) Nul n’est nu — tout au plus un sein, une fesse subreptice — mais tout frise l’obscène. L’œil traque le moindre interstice, la moindre béance, le moindre faux pli qui soit un faux pas. Le dessin joue de cette tension optique et les femmes se frottent aux troncs, les hommes s’amalgament aux plis charnus du drap, s’absorbent en d’indistincts sables mouvants.
(3) Le monstre n’est jamais loin, à défaut du monstrueux ; on dit « homme » comme on dit « femme », par commodité (que dire de « couple » ?) — mais il vaudrait mieux parfois dire « forme », dire « cette chose-là dans le pli charnu du drap... ». La bizarrerie du dessin fait obstacle au besoin de nommer, certaines compositions tiennent en échec le souci orthonormé de notre perception. Ne restent que boyaux et déliquescences — justement là que s’accomplit le plus sûrement l’obscène, dans cette perte organique et flexueuse de nos repères.
(4) Tout ce qui me fascine est tout ce qui m’échappe.