Les visages de Schrauwen

par Gwladys Le Cuff

Est-ce qu’on peut échapper au visage de ses ancêtres ? Chez Schrauwen, ce visage semble vide, presque débile. C’est celui d’un aïeul ou d’un filleul, inanimé, figé dans une même expression, avec de légères variations (tout comme varient les noms : Armand Schrauwen, Oh-Lee Scharuwen, Olver Schrawuen...).

Un regard vide, une bouche entrouverte comme stupéfaite, mais dans une sorte de vague sourire ahuri, et un ovale du visage un peu mou qui reviennent sans cesse de génération en génération comme pour dire que tout ça ne sert à rien, rien ne change, la même stupidité fera toujours retour. Schrauwen a fait de ses personnages une malédiction généalogique à travers l’espace et le temps.

Mais contrairement au visage de Trump chez Ugo Bienvenu, il ne s’agit pas d’un masque identique. C’est presque pire en fait, c’est quelque chose de plus profond que des traits qui se répètent, plutôt un air de famille comme une tare congénitale. Et sur la couverture de Vies Parallèles, les visages fusent dans le ciel comme des étoiles filantes qui éclateraient et disperseraient l’hypothèse autobiographique à travers l’univers.

Ces visages parfois pleine page, sidérés et spectaculaires sont antipathiques et déprimants, annonçant d’emblée une bêtise au moins de façade qui les rassemble en une famille monstrueuse et fascinante et qui ne cesse de nous regarder droit dans les yeux.