Oui mais il ne bat que pour vous
de Isabelle Pralong
par François Poudevigne
(1)
Ce qui tient tous ces gens et qui empêche que tout ça ne
déborde ce sont les corps. Les corps qui sont comme des
chambres d’échos de tous les ébranlements de
l’existence, qui donnent un semblant de contour aux choses. Les
uns et les autres se tiennent en équilibre au bord
d’eux-mêmes, on a toujours l’impression qu’ils
sont près de tomber (parfois ils tombent).
(2) Il n’y a pas de véritable vigueur, plutôt de la persévérance. Même les corps les plus puissants paraissent vulnérables — un insecte tapi, l’affaissement du train arrière, un dénuement. Ce qu’il y a de vraiment monumental chez tous ces gens, en fin de compte, ce sont leurs narines.
(3) Comment tant de grâce dans des corps si difformes ?
(4) Ce sont les corps qui en dernier recours existent, trouvent le moyen de se prolonger, prennent le relais où s’interrompt le langage et gardent en mémoire le souvenir de l’autre, « comme plein de petits moulages. »
(5) Comme dirait Laplace, « la somme de ces tendances est ce qui constitue le poids d’un corps. »